Recherche

photo d'illustration photo d'illustration  

Au Portugal, Église et médecins s’opposent à la dépénalisation de l’euthanasie

Jeudi 20 février, le Parlement portugais se penchera à nouveau sur un projet de loi qui avait été rejeté à une courte majorité fin mai 2018: celui sur l’encadrement de l’euthanasie et le suicide assisté. Un groupe de travail rassemblant des membres des principales confessions religieuses du pays y fait barrage, tout comme l'Ordre des médecins portugais.

«Un acte de démission collective énorme et grave»: c'est ainsi que le groupe de travail interreligieux “Religion-Santé” du pays définit les cinq textes de loi présentées par des partis politiques portugais - dont les socialistes au pouvoir - en faveur de la dépénalisation de l'euthanasie. Bien qu'il ait été bloqué en 2018, ce projet sera réexaminé par le Parlement de Lisbonne le 20 février prochain. Le groupe interreligieux, composé de catholiques, d’orthodoxes, de juifs, de bouddhistes, d’évangéliques, d’hindous, de musulmans, d’adventistes et de mormons s'y oppose à l'unanimité. 

Pour le développement des soins palliatifs

«La possibilité légale de mort assistée par euthanasie ou suicide assisté, écrit le groupe dans une note, revient à encourager l'option de la mort, en particulier vis-à-vis de ceux qui vivent dans des conditions de solitude ou de fragilité et voient la mort comme une solution». «Nous croyons que l'inviolabilité de la vie humaine, don de Dieu, ainsi que la compassion comme fondement et norme de l'organisation et du fonctionnement social des communautés humaines, sont deux des plus importantes valeurs éthiques et spirituelles que les religions ont offert au cours des siècles à la civilisation dont nous sommes les héritiers», est-il aussi affirmé.

Partant de l'expérience de «la proximité avec les patients dans la vie quotidienne des centres hospitaliers», les signataires de la note réaffirment que «les malades accompagnés avec compétence et compassion ne demandent pas à mourir». La réponse à leur souffrance se trouve plutôt dans «les soins palliatifs», qui doivent être garantis par l'État «en quantité et qualité suffisantes» pour répondre aux besoins des patients. Seule «l'universalité du droit aux soins palliatifs peut protéger les plus faibles et isolés de l'envie de choisir de mourir», souligne le groupe, car les soins palliatifs «combinent judicieusement le respect de l'inviolabilité de la vie humaine, la compétence clinique et le souci des plus vulnérables».

L'opposition du Patriarche de Lisbonne

Le 20 février, le Parlement portugais examinera quatre nouveaux projets présentés par le “Bloque de Isquerda”, composé par le Parti socialiste, le Parti du peuple, des animaux et de la nature (Pan) et le Parti des Verts (Pev), tous majoritaires au sein de la législature actuelle. Mais le groupe interreligieux a annoncé qu’il demanderait une audition «urgente» avec le Chef de l'État, le président de l'Assemblée de la République et la commission parlementaire de la santé, afin de discuter des «ambiguïtés de la procédure actuelle».

L’appel du groupe interreligieux fait suite à celui lancé ces derniers jours par le Patriarche de Lisbonne et Président de la Conférence épiscopale portugaise, le cardinal Manuel Clemente, qui a rappelé que l'euthanasie est «un problème humanitaire» qui concerne tout le monde, car «l'humanité concerne tout le monde». Il est donc nécessaire que la société actuelle soit «intégralement palliative» selon lui, c'est-à-dire capable de «protéger, accueillir et associer» toutes les phases de la vie d'une personne, de la conception à la mort naturelle.

Contrairement à 2018, les évêques portugais ont par ailleurs défendu la tenue d'un référendum pour consulter la population dont ils pensent qu'une majorité rejetterait l'euthanasie. L'idée a toutefois très peu de chances d'être soutenue par le Parlement.

Les médecins refusent de «participer à des démarches conduisant à la mort»

L'Ordre des médecins portugais s'est lui aussi prononcé contre les textes de loi, rejoignant le mouvement d'opposition mené par l'Église.

«Nous ne sommes pas d'accord, car cela va à l'encontre de la pratique médicale et viole le code déontologique de l'Ordre des médecins», a affirmé son président Miguel Guimaraes le 18 février dernier. «Les médecins apprennent à soigner les patients et à sauver des vies. Ils ne sont pas prêts à participer à des démarches conduisant à la mort», a-t-il ajouté à l'issue d'une audience avec le président de la République, le conservateur Marcelo Rebelo de Sousa.

En mai 2018, l'Assemblée avait rejeté à une très courte majorité plusieurs propositions allant dans le même sens. Les socialistes sont sortis renforcés des élections législatives d'octobre dernier, mais le résultat du débat de jeudi reste incertain car les députés du PS et de la principale formation d'opposition de droite sont divisés sur ce sujet et ne recevront pas de consigne de vote.

Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici

13 février 2020, 16:53