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En Mongolie, le Pape promeut l’harmonie et la liberté religieuse

Inspiré par le patrimoine de sagesse plurimillénaire des traditions religieuses mongoles, le Souverain pontife argentin s’est livré à un plaidoyer de la transcendance dans un monde trop tourné vers les réalités terrestres et de l’harmonie avec autrui. Il rencontrait les chefs religieux du pays au théâtre Hun d’Oulan-Bator, dimanche 3 septembre.

Delphine Allaire – Cité du Vatican

Le théâtre d’Oulan-Bator sous forme de yourte s’est fait mosaïque interreligieuse avec la venue du Pape. Dans cette maison ronde traditionnelle, métaphore de la sagesse et de l’harmonie dans ce voyage, une dizaine de responsables religieux locaux ont témoigné devant le premier successeur de Pierre à fouler leur terre. Parmi eux, des représentants bouddhistes, chamanistes, musulmans, évangéliques, russes orthodoxes, adventistes du septième jour, mormons, hindous, juifs, et shintoïstes.

Le chef bouddhiste, Khamba Lama, abbé principal du monastère de Zuun Khuree Dashichoiling, a évoqué l’importance de la paix intérieure et de l’harmonie extérieure, «conditions positives qui rendent possible la guérison de l'esprit». Le curé de l’Église orthodoxe russe d’Oulan-Bator -la Sainte-Trinité, unique paroisse du Patriarcat de Moscou en Mongolie-, le prêtre Antoine Goussev, a souligné les nombreux saints russes d’origine mongole et les liens ecclésiaux historiques entre les deux pays. Quant au représentant chamaniste, Dorjgotov Jargalsaikhan, président de l'Union chamanique mongole, il a déploré le déclin de cette tradition animiste, persécutée et limitée.

Les croyants doivent travailler à l'harmonie

Après l’introduction du chef du centre des bouddhistes mongols, le Pape François a développé l’importance de tourner son regard vers le ciel, proposant un discours évoquant les deux dimensions fondamentales de la vie humaine: la terrestre, faite de relations, et la céleste, faite de recherche et de transcendance. «Le fait d’être ensemble dans le même lieu est déjà un message», a déclaré le Souverain pontife louant l’histoire de coexistence religieuse du «bien-aimé peuple mongol».

 

Le Pape a insisté sur l’harmonie, «cette relation particulière qui se crée entre des réalités différentes, sans les superposer ni les homologuer, mais dans le respect des différences et au profit de la vie commune». «Qui, plus que les croyants, est appelé à travailler pour l’harmonie de tous?», a interpellé le Saint-Père.

Critique du fondamentalisme

Selon lui, la valeur sociale de la religiosité se mesure à la manière dont l’harmonie se répand, «non pas en un altruisme abstrait, mais concret, se traduisant par la recherche de l’autre et la collaboration généreuse avec l’autre». Reliant l’altruisme à l’harmonie, et à l’entente, la prospérité et la beauté, le Pape a fustigé à l’inverse «la fermeture, l’imposition unilatérale, le fondamentalisme et la contrainte idéologique» ruinant la fraternité, alimentant les tensions et compromettant la paix.

Or, le successeur de Pierre rappelle combien les religions sont appelées à offrir au monde cette harmonie «que le progrès technique à lui seul ne peut assurer», car, en visant la dimension terrestre, horizontale de l’homme, «il risque d’oublier le ciel pour lequel nous sommes faits», «confondant progrès et régression, comme le montrent tant d’injustices, tant de conflits, tant de dévastations environnementales, tant de persécutions, tant de rejet de la vie humaine».

Le Pape a ensuite invité à valoriser dix aspects du patrimoine de la sagesse mongole sédimenté par des millénaires d’histoire: le bon rapport avec la tradition, le respect des anciens et des ancêtres, le respect de l’environnement, la valeur du silence et de la vie intérieure comme antidote spirituel aux maux du monde, un sens sain de la sobriété, la valeur de l’accueil, la capacité de résister à l’attachement aux choses, la solidarité, l’appréciation de la simplicité, et, un certain pragmatisme existentiel.

Une convivialité harmonieuse ouverte à la transcendance

Développant l’image de la ger, yourte en mongol, «l’humanité réconciliée et prospère est symboliquement représentée par cette convivialité harmonieuse ouverte à la transcendance, où l’engagement pour la justice et la paix trouve inspiration et fondement dans la relation avec le divin», a relevé François, exhortant à la responsabilité des responsables religieux. «Aucune confusion donc entre croyance et violence, entre sacré et imposition, entre parcours religieux et sectarisme». Le Pape a évoqué là les souffrances passées endurées par les bouddhistes, rappelant l’importance «de sociétés pluralistes qui croient aux valeurs démocratiques», comme la Mongolie. Le Souverain pontife a aussi encouragé fermement la liberté religieuse: «Toute institution religieuse, dûment reconnue par l’autorité civile, a le devoir et en premier lieu le droit d’offrir ce qu’elle est et ce qu’elle croit, dans le respect de la conscience d’autrui et avec pour objectif le plus grand bien de tous». Ainsi, en ce sens, l’évêque de Rome assure que l’Église catholique reste dans une attitude d’ouverture et d’écoute à l’égard des traditions religieuses. «Le dialogue n’est pas antithétique à l’annonce: il n’aplatit pas les différences, mais aide à les comprendre, les préserve dans leur originalité et leur permet de se confronter pour un enrichissement franc et réciproque», a-t-il plaidé.

Vidéo intégrale de la rencontre œcuménique et interreligieuse

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03 septembre 2023, 05:00