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Illustration de la sécheresse au Somaliland, en 2016 à Marodijeex. Illustration de la sécheresse au Somaliland, en 2016 à Marodijeex.  Les dossiers de Radio Vatican

Regain de violences dans l’est du Somaliland

À Las Anod, des milices indépendantistes ont pris les armes pour exiger le retrait des troupes gouvernementales de la ville. À cheval sur le Somaliland -indépendant de la Somalie depuis 1991- et le Puntland, le clan des Darod rêve de se réunir. Entretien avec Marc Frontrier, ancien de l'armée de mer française, auteur de nombreux ouvrages sur la région.

Entretien réalisé par Marie Duhamel – Cité du Vatican

L’exode sur près de 80 kilomètres en pleine sécheresse. Quelque 100 000 habitants du Somaliland sont arrivés dans le nord-est de l’Éthiopie ces dernières semaines rapporte le Service national éthiopien pour les réfugiés et les Rapatriés. Tous viennent de Las Arod. Au total, 200 000 civils dont 89% de femmes et d’enfants auraient fui la ville, un important carrefour commercial du Somaliland convoité par le Puntland, une région limitrophe de Somalie.

Sur place, 210 civils auraient perdu la vie, toutes les installations gouvernementales ont été bombardées et 750 maisons détruites, rapporte l’édile de la ville.

«Las Anod est une zone de guerre maintenant et la plupart des civils l’ont fui. Il ne reste plus que quelques familles et, si les combats continuent, je pense qu’il ne restera que ceux qui combattent», affirmait récemment un épicier à l’AFP.

Aux origines du conflit

La publication d’une déclaration des autorités traditionnelles locales le 6 février dernier a mis le feu aux poudres. Les chefs coutumiers du clan Dhulbahante se sont publiquement engagés en faveur de «l’unité et l’intégrité de la République fédérale de Somalie», demandant aux forces armées du Somaliland de se retirer de la ville. Ce sous-clans des Darod espère la création d’une réunion unifiée au sein du gouvernement fédéral de Somalie, ce que rejette le gouvernement de Muse Bihi Abdi. Les autorités d’Hargeisa, la capitale du Somaliland, ont donc envoyé des troupes pour combattre les milices indépendantises du clan Dhulbahante.

«C’est une zone structurellement fragile», explique Marc Fontrier, ancien officier des Troupes de Marine de l’armée française et auteur d’un atlas généalogique du peuple somali.

Entretien avec Marc Fontrier

«Quand les colonies se sont établies, une frontière s’est établie entre le Puntland britannique et la Somalia italienne, et cette frontière a eu le grand défaut de séparer trois entités claniques, trois entités lignagères sœurs des Darod. Et quand le Puntland et le Somaliland se sont mis en place, celles-ci ont revendiquées le fait d’être ensemble».

Il y a donc, de temps à autre, un regain de violence comme c’est le cas actuellement dans la ville de Las Arod, car «les gens du coin ne reconnaissent pas l’autorité des forces du Somaliland» et ils sont encouragés en cela par le Puntland. Au-delà des motivations claniques, la région voisine pourrait lorgner sur les ressources naturelles de l’est du Somaliland. Le sable de la côte pourrait contenir des terres rares, mais «de là l’exploiter, c’est autre chose» souligne l’expert.

Des pourparlers en cours

«Il a été demandé aux troupes du Somaliland de cesser de bombarder les civils et d’arrêter la guerre», a déclaré à Fides, le président de l’Institut du fédéralisme et de l’analyse de la sécurité de Mogadiscio, Sonkor Geyre.

Des pourparlers de paix sont en cours, sous l’égide de l’Éthiopie, pour faciliter un dialogue entre le gouvernement du Somaliland et les autorités traditionnelles de Las Arod.

Le 28 février, le Qatar, la Turquie, les Émirats arabes unis, la Grande-Bretagne et les États-Unis, ont appelé à la fin des violences.

Quant aux autorités somaliennes aux prises avec les Shebabs, elles ne se sont pas exprimées sur le conflit en cours dans son ancien territoire, qui a déclaré unilatéralement son indépendance en 1991.

Politiquement, Mogadiscio a toujours souhaité le retour du Somaliland dans son giron, mais aujourd’hui «cela peut se discuter», note Marc Fontrier, notamment en raison de la déconnexion entre les élites somaliennes éduquées à l’étranger et la réalité du terrain.

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08 mars 2023, 16:22