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Sœur Filomena Francis avec les participants à l'atelier de guérison des traumatismes à Nzara, en 2018 Sœur Filomena Francis avec les participants à l'atelier de guérison des traumatismes à Nzara, en 2018  #SistersProject

Soudan du Sud: pas à pas, les femmes de l'Évangile construisent la paix

Plus d'un an s'est écoulé depuis le pèlerinage œcuménique effectué par le pape François au Soudan du Sud, déchiré par la guerre, en février 2023. Après des années de traumatisme, dans ce jeune pays, le processus de guérison et de réconciliation est toujours en cours et dans ce processus, les religieuses jouent un rôle important en aidant à guérir les blessures profondes causées par la violence.

Sœur Paola Moggi, SMC – Cité du Vatican

Le Soudan du Sud est une nation très jeune née en 2011, de la séparation du Soudan, après des décennies de guerre civile. Au moment où le traité de paix a été signé en janvier 2005, la guerre avait fait environ 5 millions de déplacés internes et 2,5 millions de morts, avec un héritage de profonde méfiance entre les groupes ethniques rivaux. Le référendum historique sur l’indépendance du Sud a ensuite eu lieu en janvier 2011, malgré des difficultés croissantes. Mais lorsque la République du Soudan du Sud est née le 9 juillet 2011, au milieu des cris de joie, les blessures de la méfiance et de la peur étaient loin d'être cicatrisées. Les religieuses travaillant dans la nation nouvellement formée étaient conscientes de ce revers et ont joué un rôle déterminant dans la promotion des initiatives de paix.


Des signes d’espoir au milieu de blessures profondes

Depuis 2010, l’Institut catholique de formation en santé (CHTI) de Wau promeut le dialogue interculturel et aide les étudiants – hommes et femmes – à surmonter des préjugés profondément enracinés. Cet institut a été lancé par Solidarity with South Sudan, un accord de coopération de religieuses et religieux qui ont développé une formation résidentielle pour les enseignants et les infirmières, en accordant une attention particulière à la sécurité alimentaire, à la formation pastorale et aux soins de traumatologie. La première cérémonie de remise des diplômes a eu lieu en 2013 et en 2022, 181 infirmières diplômées et 87 sages-femmes étaient diplômées de l'Institut.

Sœur Brygida Maniurka, missionnaire franciscaine de Marie de Pologne, qui travaille au CHTI depuis février 2022, a fait un état de lieu du fonctionnement du centre. «Nos étudiants viennent de différentes tribus, États et religions et parlent différentes langues. CHTI met constamment l’accent sur le respect de toutes les cultures et la tolérance de ce qui est différent. Grâce à différents types d’activités et d’exercices, nous parvenons à créer des liens d’amitié et à promouvoir la paix et l’unité. Outre les soins infirmiers et obstétricaux, nos étudiants apprennent l'art de nouer des relations et de travailler ensemble», explique la religieuse. Elle ajoute qu’accompagner les étudiants sur leur chemin de croissance nécessite de nombreuses heures de dialogue. «Mais quelle joie quand, au bout de trois ans, on voit à quel point ils ont changé!». «Et notre joie est encore plus grande lorsque nous recevons les compliments des communautés d'origine de ces jeunes et des institutions pour lesquelles ils travaillent», raconte sœur Brygida.


 Quand la douleur devient le remède

A Yambio, Adeesa Support Organization accorde une attention particulière aux femmes ayant subi un traumatisme. Sœur Filomena Francis – appelée Sœur Bakhita – est originaire de Nzara, une ville de l’état de l’Equateur Occidental. Elle a vécu à Khartoum, la capitale du Soudan, où se trouvaient environ 5 millions de Sud-Soudanais déplacés attendant de rejoindre l'Égypte ainsi que les Sœurs Missionnaires Franciscaines de l'Immaculée Conception de Marie (MFIC).

Avant de partir pour la Papouasie-Nouvelle-Guinée, sœur Filomena a réussi à rendre visite à sa famille dans l'actuel Soudan du Sud en 1995. A cette époque, la zone avait été conquise par le SPLA (Armée populaire de libération du Soudan) et sœur Filomena retrouvait sa famille et ses sœurs dans de bonnes conditions. Cependant, en 1999, les violences et abus sexuels perpétrés par les soldats avaient rendu leur vie misérable.

Le drame vécu par la famille de Sœur Filomena l'a incité à lancer un programme de conseil et de guérison en cas de traumatisme, qui s'est concrétisé en 2006 avec Adeesa – Femme – Support Organization (ASGO), lancé avec deux autres femmes.

En 2013, la religieuse a ouvert une communauté de religieuses missionnaires franciscaines dans le diocèse catholique de Tambura Yambio et a commencé à former des femmes et des hommes locaux pour qu'ils s'impliquent activement dans le programme de guérison.

«Mon traumatisme personnel, celui qui m’a marqué étant enfant, m’a amené à me lancer dans ce projet. La douleur et les pertes dont ma famille et moi nous souvenons encore me donnent la force de travailler dans ce programme», déclare Sœur Filomena. «Je suis convaincue qu'une approche holistique de la guérison des traumatismes au Soudan du Sud peut conduire à une paix durable et sauver la vie de nombreuses femmes, filles et même jeunes hommes qui ont été violés pour punir leur appartenance ethnique», conclut la religieuse.

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14 mars 2024, 13:37