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Des manifestants contestant le report des élections présidentielles du 25 février 2024 Des manifestants contestant le report des élections présidentielles du 25 février 2024  (AFP or licensors)

Report des élections au Sénégal: Mgr Ndiaye, invite à tout résoudre dans la paix

Le report des élections présidentielles au Sénégal, continue à susciter des réactions. Pour Mgr Benjamin Ndiaye, ce «revirement» est surprenant, déroutant et désarmant pour les sénégalais. L’archevêque de Dakar craint une montée des tensions et invite à tout résoudre dans la paix. Pour sa part, le Conseil du Laïcat Sénégalais invite les acteurs politiques «au respect scrupuleux du calendrier républicain». La Cédéao appelle au respect du calendrier électoral, conformément à la Constitution.

Stanislas Kambashi, SJ – Cité du Vatican

La décision du président sénégalais Macky Sall de reporter les élections présidentielles, deux semaines avant le scrutin, a été accueillie avec «beaucoup de surprise, d'étonnement, mais en même temps aussi de crainte», a déclaré Mgr Benjamin Ndiaye. Pour l’archevêque de Dakar, beaucoup de ses concitoyens et lui ont été «déroutés» par cette mesure. Malgré les difficultés qui avaient marqué le long processus des candidatures, avec des contestations, la publication de la liste de candidats donnait l’espoir d’un scrutin dans les délais prévus, a-t-il indiqué. L’annonce de ce report a créé une «surprise» générale, un «revirement» qui, «du point de vue pédagogique» donne un mauvais signal, car cela signifie que l’on peut modifier, à sa guise, le calendrier républicain, sans tenir compte de la population, ce qui est désarmant «pour nous», a regretté le prélat sénégalais.

Crainte d’une agitation contraire au bien-être de la population

L’annonce de Macky Sall le 3 février a été suivie par le vote du parlement, le 5 février, d’une loi reportant la présidentielle du 25 février au 15 décembre 2024 et prolongeant le mandat du président sortant. Cela a provoqué un tollé et des vives réactions de la population et de l’opposition sénégalaise. Mgr Ndiaye exprime la crainte d’une montée des tensions, car «nous sommes sur plusieurs fronts», en citant la fermeture de l’université de Dakar, qui n’a pas encore rouvert ses portes. A cela s’ajoute «le fait que les populations n'adhèrent pas», selon son constat, «à cette nouvelle option» du changement du calendrier électoral; ce qui lui fait craindre des nouvelles manifestations et d’autres représailles. «J'ai vraiment peur d'une agitation qui ne plaide pas pour le bien-être des populations et je suis assez donc dans l'inquiétude», confie le prélat.


Reconnaitre aux sénégalais le droit d’exprimer ce qu’elles pensent et ressentent

Mgr Ndiaye appelle les acteurs politiques à dire la vérité aux sénégalais, qui veulent comprendre les tenants et les aboutissants des dispositions adoptées. Il invite ses concitoyens à exprimer leurs sentiments et leurs idées dans un climat de paix, avec des paroles responsables, en évitant tout geste irresponsable qui ne profite à personne. «On peut ne pas être d'accord sur une disposition, mais ce n'est pas l'occasion de mettre à feu et à sang son pays et tout détruire». Il estime, en outre, que l’on doit reconnaitre «aux populations le droit de dire aussi ce qu'elles pensent et ce qu'elles ressentent… librement en toute sécurité». Le respect de ces deux conditions sont, à son avis, favorables à la préservation du bien commun. L’archevêque de Dakar, qui est aussi président de la Conférence épiscopale du Sénégal, de la Mauritanie, du Capt Vert et de la Guinée Bissau, prie pour le retour à la paix dans son pays. Il associe ses prières à celles d’autres chefs religieux, dont les musulmans.

Regret et désaccord du Conseil National du Laïcat Sénégal

Dans un communiqué du 6 février 2024, signé par son président Philippe Abraham Birane Tine, le Conseil National du Laïcat Sénégal (CNL) «exprime, avec amertume et regret, tout son désaccord» avec la décision du président Sall de reporter sine die les élections, mesure «dont les conséquences peuvent mener le Sénégal vers des lendemains incertains». Le CNL estime que «cette décision inédite», est en pleine contradiction avec «la tradition démocratique légendaire du Sénégal» et «comporte des risques réels d’instabilité et constitue pour notre organisation une vive préoccupation». Le laïcat du Sénégal invite les autorités politiques «à un respect scrupuleux du calendrier républicain». Il appelle aussi l’État et toutes les parties prenantes du processus électoral à travailler pour la paix et la stabilité du pays «en trouvant dans les meilleurs délais les solutions nécessaires pour organiser une élection transparente, inclusive, apaisée et démocratique».


La préoccupation de la Cédéao

Dans son communiqué du 6 février, la Commission de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), a indiqué suivre «avec préoccupation l’évolution de la situation au Sénégal». L’organisation sous-régionale déconseille toute action ou déclaration contraire aux dispositions de la Constitution du pays. Elle rappelle à la population et à la classe politique leur responsabilité dans le maintien de la paix et de la stabilité de leur nation. La commission de la Cédéao «encourage la classe politique à prendre de toute urgence les mesures nécessaires pour rétablir le calendrier électoral conformément aux dispositions de la Constitution du Sénégal». La Cédéao lance également un appel à toutes les parties prenantes afin qu’elles renoncent à toute forme de violence et à toute action susceptible de troubler la paix et la stabilité du pays.

Un front pour «faire reculer» le président Macky Sall

Dans son discours à la Nation le 3 février 2024, le chef de l'Etat sénégalais Macky Sall a annoncé avoir abrogé son décret du 26 novembre 2023 fixant au 25 février 2024 la date de la présidentielle, à quelques heures de l'ouverture de la campagne électorale. C'est la première fois depuis 1963 qu'une élection présidentielle au suffrage universel direct est reportée au Sénégal. Vingt candidatures étaient validées par le Conseil constitutionnel, qui avait exclu du scrutin des dizaines de prétendants, dont l’opposant emprisonné Ousamne Sonko et Karim Wade, ministre et fils de l’ex-président Abdoulaye Wade. L’annonce du report a provoqué des manifestations de la population et plusieurs réactions en dehors du pays. L’opposition a rejeté la décision du président Macky Sall et a crié au coup d’Etat constitutionnel. Ce mercredi 7 février, elle a appelé à la constitution d'un large front réunissant les candidats admis à la présidentielle, les syndicats et les chefs religieux pour faire reculer le président et «libérer notre pays des mains du président Macky Sall»

L'accès internet par les données mobiles, bloqué depuis lundi, pour «éviter la diffusion sur les réseaux sociaux de messages haineux et subversifs (...) dans un contexte de menace de trouble à l'ordre public», a été rétabli mercredi.

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07 février 2024, 16:57