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Mgr Alexis Touably Youlo, évêque d'Agboville (Côte d'Ivoire) et président de la Conférence épiscopale réunie de l’Afrique de l’Ouest (Cerao) Mgr Alexis Touably Youlo, évêque d'Agboville (Côte d'Ivoire) et président de la Conférence épiscopale réunie de l’Afrique de l’Ouest (Cerao) 

Mgr Touably: la seule guerre que l’Afrique doit mener est le combat contre la misère

Les conflits qui naissent en Afrique doivent être résolus de manière pacifique et en puisant dans la richesse des traditions africaines, a déclaré Mgr Alexis Touably Youlo, président de la Cerao. Tout en condamnant les récents coups d’Etat dans l’Ouest du continent, il réaffirme le rejet de toute intervention militaire au Niger et de toute violence. Pour lui, «la seule guerre que l’Afrique doit mener est le combat contre la misère».

Stanislas Kambashi, SJ – Cité du Vatican

À l’issue de la visite ad limina des évêques de la Côte d’Ivoire du 18 au 23 septembre 2023, le président de la Conférence épiscopale réunie de l’Afrique de l’Ouest (Cerao), Mgr Alexis Touably Youlo, s’est exprimé au micro de Vatican News au sujet de la situation sociopolitique en Afrique de l’Ouest. L’évêque d’Agboville a décrit cette partie du continent comme une sous-région qui, «depuis des décennies déjà», est devenue une terre des conflits, une zone troublée et troublante, «avec des coups d’Etats», «des crises» et «des conflits à répétition». Le prélat ivoirien a de nouveau condamné la prise de pouvoir par la force, mais il a aussi réprouvé toute autre solution violente à ce problème, comme une éventuelle intervention militaire au Niger. Mgr Touably a rappelé l’écho favorable que les appels des évêques ouest-africains sur la prière et le jeûne ont eu, pour la recherche d’une résolution pacifique à la crise au Niger.

Le combat contre la misère est la seule guerre que l’Afrique doit mener ensemble

Aux lendemains du coup d’Etat du 26 juillet au Niger, la Cerao avait adressé un message de solidarité aux évêques de ce pays, tout en appelant les croyants à offrir leurs prières pour une sortie pacifique de la crise. Des journées de jeûne et de prière avaient ainsi été organisées à cette intention dans les paroisses et diocèses. Pour Mgr Touably, l’Eglise ne pouvait pas rester indifférente face à cette situation car le Concile Vatican II «nous invite à ne pas être indifférents à la vie du monde». Dans sa dimension prophétique, l’Eglise a aussi pour mission d’être vigilante, d’interpeller, de conscientiser, a-t-il rappelé.

Face à la menace d’une intervention militaire de la Cédéao, – Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest – les épiscopats d’Afrique de l’Ouest s’étaient prononcés contre toute solution de la force pour ne pas faire du Niger une «seconde Lybie». En plus de tous ces appels, l'évêque d'Agboville estime que l’Afrique fait déjà face à de nombreux problèmes, et une guerre de plus ne ferait qu’empirer la situation. Pour le président de la Cerao, les africains doivent plutôt conjuguer leurs efforts pour relever ces défis. «La seule guerre que l’Afrique doit mener est celle du combat contre la misère», a-t-il déclaré.

L’Alliance des Etats du Sahel, «une réaction humaine normale»

L’évêque d’Agboville s’est aussi exprimé sur l’Alliance des Etats du Sahel (AES), pacte défensif signé le 16 septembre 2023 par le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Cette «Charte du Liptako-Gourma» a pour but d’assister les pays membres en cas d’agression extérieure. Pour lui, une telle initiative de ces trois pays est «une réaction humaine normale. Quand on se sent en danger, on se protège». Ils ont vu venir un danger, qui ne devait pas être créé, et ont voulu l’anticiper. En Afrique, nous avons d’autres défis à relever comme les migrations forcées des jeunes, l’éducation, etc., a indiqué le président de la Cerao. Le prélat ivoirien estime qu’il faut changer les cœurs. Pour résoudre les conflits en Afrique, Mgr Touably suggère de puiser dans la richesse des traditions africaines, où l'on trouve par exemple la méthode de l’Arbre à palabre qui invite à se réunir pour trouver une solution pacifique et concertée. Dans ce sens, il a rappelé les mots de l’écrivain sénégalais Cheikh Hamidou Kane qui invite, dans son Aventure ambigüe, à revenir à notre substance culturelle «pour rester nous-mêmes».

Attaquer un pays, c’est s'en prendre à plusieurs peuples

En Afrique de l’Ouest, a fait remarquer le président de la Cerao, les peuples sont «d’un côté et de l’autre des frontières». Un ressortissant du Niger peut avoir des parents au Mali, au Burkina Faso ou dans un autre pays. Attaquer un pays ou un peuple, c’est aussi s’en prendre au même peuple de l’autre côté de la frontière où les conséquences se feront aussi sentir, a expliqué l'évêque, prenant en exemple le peuple haoussa qui se retrouve au Niger, au Nigeria, au Burkina Faso, au Cameroun, au Tchad, etc ; et des kroumen qui sont en Côte d’Ivoire et au Liberia. Une étincelle qui s’allume quelque part peut donc embraser toute une région, car les peuples sont «imbriqués les uns les autres».

Mgr Touably invite au réalisme, car personne ne gagnerait en faisant la guerre. Il exhorte les dirigeants politiques à se mettre vraiment «au service du bien commun», qu’est la paix. Il appelle aussi les croyants à œuvrer pour cette valeur que «nous enseignent nos religions». Le prélat ivoirien a conclu en confiant la sous-région ouest-africaine à la Vierge Marie, Notre Dame d’Afrique.

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26 septembre 2023, 10:12