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Le Cardinal Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa (RDC) et président du Symposium des conférences épiscopales d'Afrique et Madagascar (SCEAM) Le Cardinal Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa (RDC) et président du Symposium des conférences épiscopales d'Afrique et Madagascar (SCEAM) 

Face aux coups d’Etats, le SCEAM appelle à des solutions constructives pour la stabilité de l’Afrique

Après les coups d’Etat au Sahel et au Gabon, le Symposium des Conférences Episcopales d’Afrique et de Madagascar appelle à engager un dialogue constructif et à privilégier l’option des médiations pour des résolutions pacifiques de ces conflits. Le SCEAM appelle aussi travailler ensemble pour assurer la stabilité et le développement de l’Afrique.

Stanislas Kambashi,SJ – Cité du Vatican

Dans une déclaration du 7 septembre 2023, signée par son président, Fridolin Cardinal Ambongo, archevêques de Kinshasa, le Symposium des Conférences Episcopales d’Afrique et de Madagascar (SCEAM), s’est exprimé au sujet des coups d’Etat perpétrés au Sahel et au Gabon. Face à ces situations politiques, le SCEAM estime qu’il faut apporter des solutions constructives et non-violentes. Il appelle à un travail d’ensemble et à une exploitation juste et profitable des ressources minières en faveur des populations ; afin d’assurer la stabilité et le développement de l’Afrique. Le continent «a les moyens et les talents pour atteindre ses objectifs de développement», rappelle-t-il. Pour sa part, l’Eglise continue d’assumer son rôle prophétique dans la promotion de la justice, de la paix et de la fraternité dans une société démocratique qui respecte les valeurs éthiques et, en particulier, la dignité humaine, souligne l’instance continentale.

Mettre fin au système de prédation et sortir du colonialisme économique

Dans sa déclaration, le SCEAM est parti de la prise de pouvoir par les militaires au Gabon, le 30 août 2023, rappelant qu’elle s’inscrit «dans une série de coups d'État militaires qui ont marqué l'histoire de l'Afrique depuis 1960». Cependant, constate-t-il, «les coups d'État se suivent mais ne se ressemblent pas». Si dans la période postindépendance (1960-1980), ces coups de force visaient la prise de pouvoir et l'établissement de dynasties, les récentes arrivées des militaires au pouvoir au Mali, au Burkina Faso, au Niger et au Gabon «semblent avoir un point commun», car, selon leurs auteurs, «ils visent à mettre fin au système de prédation et de corruption généralisée mis en place par les régimes déchus sous couvert d'une démocratie censée apporter la prospérité aux pays africains».

Le SCEAM note le contraste entre les nombreuses ressources minérales des pays africains comme l'uranium au Niger et le pétrole au Gabon et la pauvreté endémique de leurs populations. L’instance continentale souligne que «la cause réside dans le système du "colonialisme économique", pour reprendre une expression chère au Pape François». C’est pourquoi elle se demande «si ces coups d’État font partie d'une nouvelle donne sur la scène continentale et dans la géopolitique mondiale».

Ne pas repousser par la violence des «insultes à la dignité humaine»

Dans sa déclaration, le SCEAM donne ensuite des éléments de discernement pour une relecture des récents développements politiques en Afrique. Il commence par mentionner des maux qui minent le continent et que le Pape François et les Eglises d’Afrique ont maintes fois dénoncés, comme les «problèmes posés par la violence, la paupérisation des populations et la misère qui sévit partout, l'injustice sociale, la violation des droits humains, la corruption et l'exploitation des ressources naturelles et minières perpétrées par les multinationales (avec la complicité de certains dirigeants africains)».

Dans certaines situation, «l’injustice crie au ciel», et «grande est la tentation de repousser par la violence de telles insultes à la dignité humaine», souligne l’instance continentale, en reprenant les mots du Pape Paul VI dans l’encyclique Populorum Progressio. Comme l’ont déclaré les évêques du Gabon et de l’Afrique de l’Ouest (CERAO-RECOWA), ce n’est pas par la violence que l’on peut résoudre des problèmes, et «on ne peut pas combattre un mal réel au prix d'un grand malheur», insiste le SCEAM.

Dans un continent déjà trop éprouvé par le terrorisme qui provoque un nombre macabre des «veuves, d'orphelins, de personnes déplacées, de personnes affamées, de personnes mutilées», les africains ne s’attendent pas à ce que les institutions régionales, africaines et autres en augmentent la proportion, souligne la déclaration.

Ne pas pérenniser les transitions et ne pas verser dans le populisme

Le SCEAM note en outre que l’entrée en scène des militaires a suscité un grand enthousiasme, comme en témoignent les images diffusées à la télévision et sur les réseaux sociaux par exemple. Les nouveaux hommes forts se sont dits prêts «à éradiquer la misère imméritée subie par le peuple». Le Symposium des Conférences Episcopales d’Afrique et de Madagascar met toutefois en garde contre toute tentative de pérennisation des périodes de transition, pour ne pas répéter l’histoire. Elle appelle aussi à la prudence face au risque d’un populisme, qui peut réactiver «le vieux réflexe d'alignement idéologique comme au temps de la guerre froide»; ce qui serait fatal pour l’Afrique, vu l’attrait de ses richesses minières par les puissances en concurrence.

Travailler ensemble pour la stabilité et le développement du continent

Le Symposium des Conférences Episcopales d’Afrique rappelle qu’il est «essentiel» pour les pays africains de travailler ensemble, afin d’assurer la stabilité du continent. Il appelle l’Union Africaine (UA) à «encourager l'échange d'idées et de ressources entre ses États membres afin d'éviter de s'enfermer dans des alignements idéologiques rigides».

Le SCEAM conclu sa déclaration en formulant quelques recommandations. Il appelle les parties prenantes des pays touchés par les coups d'État à engager un dialogue constructif et à rechercher des moyens pacifiques pour sortir des conflits. Il encourage toutes les parties belligérantes à privilégier l'option de la médiation et à travailler pour la réconciliation, la compréhension mutuelle et l'apaisement entre leurs peuples. Il appelle au respect et à la protection des droits des citoyens tout au long des processus de résolution du conflit. Il demande à l'Union africaine de fournir une médiation et des ressources pour faciliter la résolution pacifique du conflit dans tous les pays touchés par les coups d'État. L’appel est aussi lancé à la communauté internationale afin de respecter le bien commun de citoyens et de ne pas imposer sa volonté dans son propre intérêt. Le SCEAM invite enfin tous les chrétiens du continent et des îles voisines à intensifier leurs prières pour le retour de la paix et de la normalité dans les régions où les conflits font rage sur le continent.

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11 septembre 2023, 17:59