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Le vénérable Simon Mpeke, dit "Baba Simon" Le vénérable Simon Mpeke, dit "Baba Simon" 

Le Cameroun célèbre le vénérable Baba Simon, l’apôtre des Kirdi

L’Église du Cameroun s’est réjouie de la promulgation du décret reconnaissant les vertus héroïques du serviteur de Dieu, Simon Mpecke, appelé Baba Simon. Le prêtre camerounais parcourut les montagnes du Nord-Cameroun dans les années 60 et 70, pour prêcher la Bonne Nouvelle, en partageant la vie des pauvres, des malades, des opprimés, et particulièrement des peuples Kirdi, un groupe d’ethnies non islamisées de la région majoritairement musulmane.

Paule Valérie Mendogo – Édéa et Christian Kombe, SJ – Cité du Vatican

Baba Simon est déclaré vénérable! La nouvelle a transporté de joie l’Église du Cameroun, à partir de la région de l’extrême Nord où Simon Mpecke a évangélisé les Kirdi, jusque dans le littoral, précisément dans le diocèse d’Edéa où sa dépouille est inhumée. En effet, l’apôtre des Kirdi est parmi un groupe de huit serviteurs de Dieu devenus vénérables, à la suite de l’autorisation par le Pape François, samedi 20 mai, de la promulgation du décret reconnaissant leurs vertus héroïques.

Une joie pour tous les Camerounais

La nouvelle est parvenue au Cameroun alors que le pays célébrait sa fête nationale. La joie est particulièrement grande à Édea -à l’évêché, devant les bureaux diocésains, une grande stèle de commémoration de Baba Simon accueille tous ceux qui arrivent- notamment dans le petit village de Batombè d’où le missionnaire aux pieds nus est originaire, mais aussi dans le diocèse de Maroua-Mokolo, qui a présenté la Cause, souligne l’évêque d’Edea dans une interview. Bien plus, c’est tous les chrétiens et croyants du Cameroun qui sont heureux de cette nouvelle. «C’est une joie de savoir que l’un de nos fils est élevé à cette dignité», déclare Mgr Jean-Bosco Ntep. «Cela signifie que nous aussi, nous pouvons, en menant une vie ordinaire, en imitant les vertus de Jésus, avoir ce mérite d’être reconnus et récompensés par le Père Tout-Puissant».

Si les jeunes générations n’ont pas bien connu Baba Simon, souligne l’ordinaire d’Édéa, «elles ont appris de l’histoire et elles suivent cette histoire». La vie des témoins du Christ que nous vénérons, loin d’être des légendes ou des fables, nous montre que «la sainteté est bien possible». Les saints «sont des hommes et des femmes en chair et en os qui ont vécu l’héroïcité à la suite de Jésus Christ», relève Mgr Ntep. 

Souvenirs personnels

«Je n’ai vu Baba Simon qu’une ou deux fois. La première fois, j’étais au séminaire de Bonepoupa et il était passé nous saluer, revenant de Maroua», confie l’évêque camerounais. Il avait eu des démêlés avec les autorités administratives «qui l’accusaient d’excès de zèle dans ses actes de protection des Kirdi contre la domination musulmane». Mgr Ntep se souvient que l’échange avec le nouveau vénérable «était meublé de blagues et de rires». Le prélat a rencontré Baba Simon pour la seconde fois deux jours avant sa mort. «On le ramenait d’Europe, tout malade, pour le presbytère à Édéa. Nous ne pouvions que l’entrevoir par la porte de sa chambre. Deux jours plus tard, il décédait», témoigne-t-il ; lui qui souligne avoir eu «l’honneur» d’être membre de l’Association Jesus Caritas dont Baba Simon est le fondateur ici au Cameroun. C’est là qu’il a appris à le connaître ainsi que son histoire.

Dialogue entre christianisme et religions traditionnelles africaines

Selon Mgr Ntep, la reconnaissance de l’héroïcité des vertus de Simon Mpecke est un encouragement pour les chrétiens du Cameroun et d’Afrique à rester «fidèles à leur 'oui' au Seigneur et à leur foi». Aujourd’hui, souligne-t-il, il y a une forme de dénigration du christianisme par plusieurs mouvements et courants de pensée qui «accusent l’Église de méfaits en Afrique, tels que l’esclavage, la colonisation, etc.», proclamant «que la foi n’est qu’un prétexte pour leurrer les Africains».

À l’opposé à cette attitude qui semble opposer l’Église à l’Afrique continent, le vénérable camerounais apparaît plutôt comme un apôtre du dialogue entre christianisme et religions traditionnelles africaines, souligne l’ordinaire d’Édéa. «Nos religions traditionnelles ont un lien avec le Christianisme dans la mesure où elles connaissent Dieu, le plus ancien, le plus grand». Nous pouvons apprendre du rapport de Baba Simon avec les religions ancestrales deux attitudes, estime l’évêque. Tout d’abord, le respect. «Il n’est pas allé balayer les religions traditionnelles du Nord Cameroun. Mais il les a respectées. Il a essayé de les comprendre et de collaborer avec elles en vue du bien». Ensuite, nous pouvons apprendre de sa persévérance, ajoute Mgr Ntep. «Très souvent, aujourd’hui, nous venons évangéliser le matin et le soir, nous voulons que tout le monde reçoive déjà le baptême». La persévérance découle du respect. 

Un père dans la foi pour les Kirdi

Le vénérable «a pris le temps de connaitre les peuples Kirdi, de les respecter, de les aimer, et de leur dire: "Moi aussi, j’ai ma religion, j’ai mon Dieu et je pense que nos religions se rejoignent quelque part. Il n’a pas aboli la religion traditionnelle, mais il l’a éclairée par l’Évangile"», confie Mgr Ntep. Pour les Kirdi, affirme-t-il, Simon Mpecke était un véritable père dans la foi, un "Baba", c’est-à-dire "papa" ; sa «foi a éclairé leurs croyances traditionnelles et plusieurs, sans renier leurs cultures, ont rejoint le christianisme». Ainsi, nous avons beaucoup à apprendre de lui en approchant les religions traditionnelles avec respect et patience, et sans condescendance, estime l’évêque d’Édéa, qui invite tous les fidèles à prier pour la suite du processus vers la canonisation du vénérable Baba Simon.

 

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23 mai 2023, 12:48