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Le Pape François recevant le primat anglican Justin Welby, le 5 octobre 2021 au Vatican. Le Pape François recevant le primat anglican Justin Welby, le 5 octobre 2021 au Vatican. 

Justin Welby livre son regard sur le chemin synodal de l'Église catholique

Présent à Rome pour une série de rencontres avec le Pape François et d'autres chefs religieux, le chef de la Communion anglicane s'est entretenu avec Vatican News sur des sujets allant des efforts interreligieux sur le changement climatique à la synodalité, en passant par les espoirs d'une visite conjointe au Soudan du Sud.

Christopher Wells – Cité du Vatican

Parmi les nombreuses visites qu'il a effectuées cette semaine, l'archevêque de Canterbury, Justin Welby, a pris le temps de s'entretenir avec Radio Vatican - Vatican News. Plus tôt dans la journée, il a rencontré en audience le Pape François au Palais Apostolique au Vatican.

Dans l'interview qui a suivi cette rencontre, le Primat de l’Église anglicane a exploré comment toutes les religions peuvent travailler ensemble pour faire avancer la cause de la protection de l'environnement, quelles expériences la Communion anglicane peut offrir à l'Église catholique alors que le Synode sur la Synodalité commence, et ses espoirs durables pour une visite conjointe avec le Pape François au Soudan du Sud.

Voici une traduction complète de l'interview, effectuée par le service de Radio Vatican en langue anglaise:

Votre Grâce, je sais que vous êtes ici, en partie, pour le travail en prévision de la COP26, et lundi vous avez signé un appel avec le pape François sur le soin de notre maison commune. Pouvez-vous nous dire comment les Églises peuvent continuer à travailler ensemble pour faire avancer la cause de la protection de notre maison commune?

Hier était un jour extraordinaire où le Vatican, ainsi que les gouvernements italien et britannique, en tant que co-présidents de la COP26, ont réuni le plus remarquable des groupements interreligieux. Lorsque vous regardez dans la salle - et vous avez vu les photos - je pense que des religions représentant environ 80 % du monde étaient présentes. La question n'est donc pas tant de savoir ce que les Églises peuvent faire que de se demander ce que les groupes confessionnels peuvent faire dans le monde entier.

La première chose, évidemment, est un engagement envers la base. L'une des phrases que j'ai utilisées hier dans l'une des sessions était que nous devons agir du haut vers le bas, du milieu vers l'extérieur et du bas vers le haut. Et les religions ont la possibilité d'agir de bas en haut. Nous devons agir. Il ne sert à rien de prêcher aux politiciens. Nous devons agir. Et l'action, c'est l'action dans le développement, dans l'éducation, dans laquelle tous les groupes confessionnels semblent être très impliqués, et dans l'encouragement des hommes politiques, en les soutenant et en les aidant. Cela implique également que nous changions nos propres habitudes. L'Église d'Angleterre s'est fixé comme objectif que tous ses bâtiments, y compris les écoles, soient neutres en carbone d'ici 2030. C'est un énorme défi. C'est ce que nous faisons.

Nous utilisons également l'autorité morale de l'Église, bien que nous ne soyons pas un gros investisseur à l'échelle internationale - nous sommes vraiment un minus, très petit. Nos responsables des investissements ont formé une coalition avec plus de 10 000 milliards de dollars de fonds sous gestion, avec un outil de la London School of Economics, qui nous permet de nous engager auprès des entreprises dans lesquelles nous avons des participations et de mesurer leurs progrès vers le zéro carbone. Il s'agit donc d'utiliser nos votes et nos investissements pour faire progresser les entreprises vers le zéro carbone.

Il était très intéressant de vous entendre parler de l'entretien de notre maison commune, non seulement du haut vers le bas, mais aussi du milieu vers l'extérieur et de la base vers le haut. On reproche beaucoup aux politiciens et aux dirigeants internationaux de ne pas en faire assez. Existe-t-il un moyen pour les fidèles des Églises, des autres religions, d'agir en dehors de l'impasse que nous constatons parfois dans le monde politique ?

La réponse est évidemment oui, mais cela ne sera pas suffisant. C'est nécessaire mais pas suffisant. Vous aurez donc vu, dans la déclaration faite par le Saint-Père, par le patriarche œcuménique et par moi-même il y a quelques semaines, que les gouvernements, les entreprises, les individus, les Églises et les groupes confessionnels sont invités à modifier leurs actions.

Le problème, c'est que tout ce qui est laissé de côté va saper le processus. Les gouvernements doivent donc modifier les règles commerciales et fiscales afin d'encourager l'économie verte pour l'avenir.

Les entreprises doivent changer leurs pratiques et passer au zéro carbone ; les particuliers doivent changer leurs pratiques ; et les groupes religieux doivent être là pour démontrer, par leurs actions et leurs paroles, que ces changements doivent se produire et soutenir l'évolution de l'opinion publique.

J'ai vu le président italien mardi matin, et il a dit plus d'une fois que nous devons guider l'opinion publique. Les groupes religieux doivent diriger l'opinion publique, et je pense qu'il a eu raison de nous interpeller de cette manière.

 

Comme vous le savez, l'Église catholique est sur le point d'entamer un processus synodal de deux ans sur le thème de la synodalité. La Communion anglicane a une très longue histoire de synodalité et peut-être une expérience de la synodalité différente de celle de l'Eglise catholique. Pouvez-vous nous parler brièvement de la manière dont la synodalité est vécue dans la Communion anglicane et de ce que votre expérience peut offrir à l'Église alors que nous nous engageons dans notre propre processus synodal ?

Oui, je pense que c'est fascinant que cela se passe dans l'Église catholique, et cela m'intéresse beaucoup. Le dialogue œcuménique entre l'Église catholique et la Communion anglicane - ARCIC - s'est penché sur cette question dans une publication récente. Il a conclu que, bien que nous parlions tous deux de synodalité, nous entendons quelque chose de légèrement différent.

Au sein de l'Église d'Angleterre, par exemple, nous avons trois Chambres : les évêques, le clergé et les laïcs. Et cette structure synodale permet d’entendre la voix des laïcs, des prêtres et des évêques à trois niveaux: le doyenné, qui est le niveau très local, juste au-dessus de la paroisse; le niveau diocésain; et le niveau national, dans l'Église d'Angleterre. Cela compte vraiment.

Nous pensons que cela a une compréhension ecclésiologique très fondamentale du peuple de Dieu qui exprime son sentiment sur la façon dont l'Esprit conduit l'église. Et c'est très intéressant. Saint Benoît, dans sa Règle, parle du monastère : quand ils ont une grande décision, ils doivent réunir tout le monde, parce que le plus jeune, le moins important, peut en fait avoir la sagesse, la parole sage de l'Esprit.

Les synodes peuvent s'enraciner comme n'importe quelle autre structure dans l'Église. Dans son allocution centrale pendant la période de trois semaines, lors du Synode sur la Famille, le Saint Père a parlé du synode - signifiant littéralement marcher ensemble, syn-hodos – comme synonyme "d’être sur le même chemin".

Et dans notre réunion de mardi matin, nous avons parlé de la nécessité pour l'Église de ne pas être bloquée, de ne pas être stationnaire, mais de marcher. Et là, je pense que nous avons la même compréhension de l'ecclésiologie, de ce que c'est qu'être l'Église, que nous marchons ensemble. Et le synode, dans ce qu'il a de meilleur, nous permet de marcher ensemble, en nous écoutant attentivement les uns les autres. Renforcer les faibles, et permettre aux forts de servir les faibles, et non de les dominer.

Le Pape François a parlé d'écouter toutes les voix, dans l'Église, dans l'Église catholique, dans la communion chrétienne au sens large, et, en fait, les voix en dehors du christianisme. De votre point de vue, avez-vous réfléchi à la manière dont la Communion anglicane peut apporter une contribution au Synode catholique sur la synodalité ?

Je pense que l'une des évolutions les plus passionnantes du dialogue œcuménique au cours de ces dernières années est que nous avons appris à ne pas faire la leçon et à dire «Nous avons compris et nous allons vous enseigner», mais à dire «nous avons besoin d'apprendre de vous».

Je pense donc que c'est ainsi que nous devons nous comporter l'un envers l'autre, que nous avons besoin d'apprendre l'un de l'autre. J'espère que nous apprendrons beaucoup de la profonde sagesse de l'Église catholique et que, d'autre part, nous aurons peut-être des choses à apporter. Mais dans la grâce de Dieu, attendons et voyons.

Le Pape François et vous-même avez tous deux exprimé le désir de vous rendre au Soudan du Sud. Comment voyez-vous l'évolution du processus de paix dans ce pays, et pensez-vous qu'il y a un réel espoir d'un voyage commun entre vous et le Pape François au Soudan du Sud?

Je vais d'abord répondre à la dernière question et vous donner une réponse courte. Oui. Catégoriquement.

Pour revenir à la première de ces questions, les progrès dans le processus de paix, les processus de paix - je parle avec 20 ans d'expérience de travail sur ce genre de choses - sont angoissants. Ils sont lents. On est toujours surpris de voir où l'on progresse et où l'on perd les progrès que l'on pensait. Et le Soudan du Sud n'est pas différent.

C'est pourquoi je pense que ce voyage est vraiment important: pour montrer l'amour des bergers pour les brebis, pour écouter les brebis, pour être avec celles qui sont blessées. Pour reprendre les mots merveilleux du Pape François, sentir les brebis et servir. Je pense que ce voyage est très important.

Nous avons beaucoup parlé d'écoute sur les différents sujets que nous avons abordés aujourd'hui. Y a-t-il quelque chose que vous aimeriez partager et que nous n'avons peut-être pas encore abordé, en ce qui concerne votre visite ici, ou votre regard sur l'avenir ?

Je pense que ce que je dirais en regardant vers l'avenir, c'est que nous avons traversé une période angoissante, partout dans le monde. Et dans beaucoup d'endroits, c'est encore pénible - y compris en Italie, y compris en Angleterre, y compris au Royaume-Uni, en Amérique.

Le Covid a été terrible. La guerre s'est étendue. Je crains que nous ne ressentions l'impact, les retombées de ces terribles événements, pendant de nombreuses années.

Mais nous servons le Dieu qui a ressuscité Jésus-Christ d'entre les morts. Et donc, je me dis à moi-même, et à tous ceux qui écoutent : Faites. N'ayez pas peur. Dieu reste plus grand que tous les problèmes que le monde peut apporter.

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06 octobre 2021, 14:54