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Des Haïtiens réunis devant l'ambassade américaine à Port-au-Prince, demandant des visas, le 9 juillet. Des Haïtiens réunis devant l'ambassade américaine à Port-au-Prince, demandant des visas, le 9 juillet.  

Mgr Saturné : «il y a beaucoup à faire pour rétablir la confiance en Haïti»

Quelques jours après l'assassinat du président haïtien Jovenel Moïse par un commando de mercenaires, le président de la conférence épiscopale dénonce l'état de délabrement et de corruption de la classe politique du pays et le ras-le-bol de la population.

Propos recueills par Adelaïde Patrignani-Cité du Vatican

Les recherches se poursuivent en Haïti pour remonter la pistes des tueurs du président Jovenel Moïse et surtout de leurs commanditaires. Ce dimanche, la police haïtienne a annoncé avoir arrêté un ressortissant haïtien "qui avait des objectifs politiques" en recrutant le commando meurtrier. Selon le chef de la police nationale, il serait entré en Haïti à bord d'un avion privé au mois de juin et vivrait à Miami depuis une vingtaine d'années. Ce "cerveau" s'appelle Christian Emmanuel Sanon et est âgé de 63 ans.  

 

Les interrogatoires réalisés par la police auprès des ressortissants colombiens arrêtés ont permis de savoir que l'homme aurait recruté les 26 membres du commando via les services d'une compagnie vénézuélienne de sécurité nommée CTU, basée en Floride.

Dans ce contexte de désolation et de violence sans fin, nous avons interrogé Mgr Launay Saturné, l'évêque de Cap-Haïtien. Le président de la Conférence épiscopale nous a livré sa réaction à cet assassinat et ses condamnations d'un État en faillite, où les politiques sont dans l'incapacité de répondre aux aspirations du peuple.

Entretien avec Mgr Launay Saturné

Comment avez-vous réagi après l'annonce de l'assassinat du président Jovenel Moïse?

Ma première réaction est sans aucun doute la stupeur et la consternation. En se réveillant mercredi 7 juillet, on ne s’attendait pas du tout à apprendre la triste nouvelle d’un crime aussi odieux crapuleux et lâche sur la personne du président. Ma seconde réaction est un questionnement : comment ce commando de mercenaires étrangers a-t-il pu entrer sur le territoire national ? Où étaient les gens chargés d’assumer la sécurité du président ? Qui sont les commanditaires de cet assassinat ? A qui profite ce crime ? Enfin la troisième réaction est la peur, l’anxiété face au risque que le pays sombre dans le chaos, l’anarchie. La population réalise que personne n’est à l’abri. C’est une tragédie qui s’ajoute au chaos existant. C’est dans ce climat que la population vit l’assassinat du président.

Que pensez-vous de la demande formulée par le gouvernement d’aide militaire aux Etats-Unis et à l’Onu pour protéger les sites stratégiques en Haïti ?

Cette demande semble être l’aveu implicite de l’impuissance déconcertante et révoltante du gouvernement à assumer la sécurité de la population. C’est l’aveu implicite de la faillite et de l’échec de l’Etat, miné par la corruption, la mauvaise gouvernance, la gabegie administrative et l’absence de leadership.

La mort du président est encore un mystère… comment la confiance peut-elle être rétablie entre le gouvernement et la population ?

La lumière et la vérité doivent être faites sur ce crime. Les autorités doivent travailler pour retrouver les vrais assassins et les juger, pour retrouver aussi les auteurs des massacres et d’autres assassinats commis sous sa présidence. La population haïtienne a pratiquement perdu toute confiance en ses gouvernants, empêtrés dans la corruption. Ces gouvernants auront beaucoup à faire pour rétablir la confiance de cette population qui en a marre de cette politique qui semble plus préoccupée par son maintien au pouvoir, que par la recherche du bien commun. On souhaite ardemment un changement radical, un nouveau départ. Le rétablissement de la confiance passe par la transparence à tous les niveaux, dans la gestion de la chose publique et de l’appareil judiciaire.

Aujourd’hui quelle vous semble être la priorité pour la population haïtienne ?

Elle doit être accordée au bien-être de la population. Il faut faire place à l’entente, au dialogue, pour combler les aspirations de ce peuple qui a trop souffert. L’Église renouvelle son engagement dans la lutte pour la l’instauration d’une société construite sur le respect du droit à la vie de tous les fils et toutes les filles de la nation.

Le Pape dimanche dernier, et à plusieurs reprises, a fait part de ses prières pour Haïti, comment avez-vous accueilli ces paroles du Saint-Père ?

Nous sommes très touchés par la sollicitude du Pape François envers Haïti. Il profite de toutes les occasions pour manifester sa proximité envers la nation haïtienne et envers l’Église d’Haïti. Dans les circonstances actuelles, nous nous sentons accompagnés par l’Église universelle et par la solidarité spirituelle de tous les chrétiens du monde. Au nom de l’Église d’Haïti, je remercie le Pape François, et je lui souhaite un prompt rétablissement. 

 

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12 juillet 2021, 14:58