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Le traditionnel Chemin de Croix du Vendredi Saint à Rome, au Colisée, le 29 mars 2024. Le traditionnel Chemin de Croix du Vendredi Saint à Rome, au Colisée, le 29 mars 2024.   (Vatican Media)

Méditations du Chemin de Croix au Colisée: «Le Ciel s'abaisse»

Dans les méditations écrites pour le traditionnel Chemin de Croix du Vendredi Saint, au Colisée, présidé ce 18 avril, par le cardinal Baldo Reina, le Pape explique que le chemin de Golgotha est la descente que Jésus a faite «vers le monde que Dieu aime». Le Christ, «cloué», se met «au milieu des parties, des opposés » et les amène au Père, car sa Croix «abat les murs, annule les dettes» et «établit la réconciliation».

Tiziana Campisi - Cité du Vatican

Un chemin proposé à chaque homme, pour regarder à l'intérieur de soi et faire face à sa propre conscience, en s'arrêtant sur les souffrances du Christ sur le chemin du Calvaire. Les méditations préparées par le Pape pour le Chemin de Croix du Vendredi Saint montrent que le chemin de croix est la descente que Jésus a faite vers ceux qu'il aimait, «vers le monde que Dieu aime» (IIe station). C'est aussi «une réponse, une prise de responsabilité» de la part du Christ. Celui qui intercède, se met «entre les parties, entre les contraires» (XIe station) et les amène à Dieu, parce que sa «croix abat les murs, efface les dettes, annule les jugements, établit la réconciliation». Jésus, «le vrai Jubilé», qui s'est dépouillé de ses vêtements, se révélant «intime même avec ceux qui le détruisent» et regardant ceux qui le dénigrent «comme des personnes bien-aimées que le Père» lui a confiées, montre qu'il veut sauver «tout le monde, tout le monde» (Xe station).

Ce vendredi 18 avril, par délégation du Pape, le vicaire général du diocèse de Rome, le cardinal Baldo Reina, présidera ce Chemin de Croix au Colisée.

L'économie de Dieu

Dans les réflexions du Souverain pontife, se dessine une invitation à sortir de ses propres schémas, pour comprendre «l'économie de Dieu» -qui «ne tue pas, ne jette pas, n'écrase pas. Elle est humble, fidèle à la terre»- et la voie de Jésus, celle «des Béatitudes», qui «ne détruit pas, mais cultive, répare, garde» (IIe station). Mais c'est sur «l'économie divine» (VIIe station), si différente des économies actuelles faites «de calculs et d'algorithmes, de logiques froides et d'intérêts implacables», que François insiste. Pour les hommes, le Christ a accepté la croix et ce fardeau dont il est chargé «dit le souffle» qui «l'anime, cet Esprit “qui est Seigneur et qui donne la vie“» (IIe station). Nous, en revanche, nous sommes «essoufflés à force de fuir la responsabilité». Mais «il suffirait de ne pas fuir et de rester, parmi ceux que tu nous as donnés, dans les contextes où tu nous as placés», exhorte le Pape, pour nous lier, car «c'est seulement ainsi» que nous cessons «d'être prisonniers» de nous-mêmes, prisonniers de notre égoïsme et de notre indifférence.

Le Chemin de Croix, une prière en mouvement

Dans l'introduction aux quatorze stations, François écrit que dans les pas de Jésus sur le chemin de Golgotha «il y a notre exode vers une terre nouvelle», parce que le Christ est «venu changer le monde», et donc nous devons «changer de direction, voir la bonté de» ses «traces». C'est pourquoi «le Chemin de Croix est la prière de ceux qui se déplacent. Il interrompt nos chemins habituels». Et c'est un chemin qui «nous coûte», «dans ce monde qui calcule tout» et où «la gratuité a un prix élevé». Mais «dans le don», note le Pape, «tout refleurit: une ville divisée en factions et déchirée par les conflits s'achemine vers la réconciliation; une religiosité desséchée redécouvre la fécondité des promesses de Dieu» et «même un cœur de pierre peut se transformer en un cœur de chair».

La liberté de l'homme

La condamnation à mort de Jésus est l'occasion de rappeler «le jeu dramatique de nos libertés» (Ière station). De la confiance «irrévocable» avec laquelle Dieu se remet «entre nos mains», signe d'une «sainte agitation», on peut tirer des «merveilles», souligne François: «en libérant ceux qui sont accusés injustement, en approfondissant la complexité des situations, en contrant les jugements qui tuent». Cependant, nous sommes «prisonniers de rôles» dont nous ne voulons pas «sortir, préoccupés par les désagréments d'un changement de direction», de sorte que «nous avons déjà trop souvent abandonné le chemin de la croix».

Pourtant, le Christ, «silencieusement devant nous en chaque sœur et frère exposé au jugement et au préjugé», nous provoque, mais «mille raisons» comme «les arguments religieux, les tracasseries juridiques» et «le bon sens apparent qui ne s’intéresse pas au sort des autres» nous font ressembler à Hérode, aux prêtres, à Pilate et à la foule. Malgré cela, Jésus ne s'en lave pas les mains, mais il aime «encore, en silence». Le thème de la liberté est repris à la XIe station: le Christ est cloué sur la croix et «nous montre qu'en toute circonstance, il y a un choix à faire». C'est «le vertige de la liberté». Jésus choisit d'accorder son «attention» aux deux hommes crucifiés à ses côtés, laissant «glisser les insultes de l'un» et accueillant «l'invocation de l'autre». Et il n'oublie pas ceux qui l'ont cloué au bois, il demande pardon pour «ceux qui ne savent pas ce qu'ils font» et les conduit à Dieu.

Tomber et se relever

La troisième station décrit Jésus «tombant pour la première fois», une image qui nous apprend que «le chemin de croix est tracé en profondeur sur la terre: les grands s’en éloignent, ils voudraient toucher le ciel. Au contraire, le ciel est là, il est abaissé, on le rencontre même en tombant, en restant à terre». Dans sa deuxième chute (VIIe station), au contraire, le Christ enseigne à lire «l'aventure de la vie humaine»: «tomber et se relever ; tomber et se relever encore», observe le Pape, de sorte que les hommes «chancellent, se distraient, se perdent» et «connaissent» aussi «la joie: celle des nouveaux départs, celle des renaissances». Mais ils sont «uniques, entrelacés de grâce et de responsabilité». Jésus, en se faisant «l'un de nous», n'a pas «craint de trébucher ou de tomber», et pourtant il y a «ceux qui en sont gênés, ceux qui font étalage d'infaillibilité», considère l’évêque de Rome, «ceux qui cachent leurs propres chutes et ne pardonnent pas celles des autres, qui nient le chemin» choisi par le Christ, qui, cependant, prend soin de chacun «comme d'une brebis qui s'est égarée».

Or, il existe aujourd'hui des économies inhumaines, où «99 vaut plus qu'un seul», parce que ce que «nous avons construit» est «un monde de calculs et d'algorithmes, de logiques froides et d'intérêts implacables». L'«économie divine», au contraire, «est autre», et c'est pourquoi se tourner vers le Christ qui tombe et se relève «c'est changer de cap et changer de rythme. Une conversion qui redonne la joie et nous ramène à la maison». Enfin, avec sa troisième chute, Jésus, le Fils de Dieu, qui est sans péché, «s'approche de chaque pécheur» -en aimant son cœur et en le réchauffant- il se relève et se remet «sur le chemin jamais parcouru, audacieux, généreux». «De nouveau à terre, sur le chemin de la croix», le Christ est «le Sauveur de cette terre qui est la nôtre».

Comme des Cyrénéens

Dans les différents personnages du Chemin de Croix, François identifie des expériences que tout homme peut vivre. Comme celle de Simon de Cyrène (Ve station) qui, revenant des champs, est arrêté pour aider Jésus à porter la croix. Cet homme, qui se retrouve à porter la croix du Christ «sans l'avoir demandé», nous fait comprendre que «l'on peut rencontrer Dieu» même par hasard, quand notre «direction» est autre, reconnaît le Pape. Mais le joug de Jésus «est léger» et «facile à porter», lit-on dans l'Évangile, et il aime «nous impliquer» dans son «travail, qui cultive la terre pour qu'elle soit à nouveau ensemencée». Dans la réalité d'aujourd'hui, «nous avons besoin de ceux qui nous arrêtent parfois, reconnaît François, et qui mettent sur nos épaules un morceau de réalité qu'il faut simplement porter». Mais si l'on œuvre sans Dieu, «on se disperse», c'est pourquoi «sur le chemin de la croix se lève la nouvelle Jérusalem» vers laquelle il faut se tourner comme le Cyrénéen, en changeant de «chemin» et en œuvrant avec Jésus.

Les femmes sur le chemin du Calvaire

Dans les IVe, VIe et VIIIe stations, plusieurs figures féminines s'approchent de Jésus. Marie, tout d'abord, qui vit les événements non pas comme «un renoncement, mais une découverte continue, jusqu'au Calvaire», une «ouverture» à la «nouveauté» de Dieu. Elle, «le premier disciple», nous aide à comprendre que pour le Christ, sa «mère» et ses «frères sont ceux qui écoutent et se laissent changer. Ils ne parlent pas mais font», car «en Dieu les paroles sont des actes, les promesses sont réalité». En outre, Marie nous «sommes mis de nouveau au monde par la foi».

Puis il y a Véronique, qui essuie avec amour le visage de Jésus, nous invitant à regarder ce visage dans lequel nous pouvons lire clairement «la décision de nous aimer jusqu'au dernier souffle: et même au-delà, parce que l'amour est aussi fort que la mort». Un visage qui change «notre cœur», souligne François, parce que Jésus se livre «à nous, jour après jour, dans le visage de chaque être humain», et donc «chaque fois que nous nous tournons vers le plus petit», nous prêtons «attention à ses membres».

Les «filles de Jérusalem», quant à elles, rappellent l'entente particulière que le Christ a établie avec les femmes. Mais face à leur compassion et à leurs larmes, Jésus recommande de pleurer plutôt pour les nouvelles générations. Aujourd'hui, cependant, il y a un besoin de «larmes de reconsidération dont nous ne devrions pas avoir honte», a fait remarquer le Pape, «des larmes qui'il ne faut pas garder pour soi», en particulier pour «notre vivre-ensemble blessé» qui, «dans ce monde brisé, a besoin de larmes sincères, et non de circonstance».  

Jésus est parmi ceux qui espèrent encore

À la fin du Chemin de Croix, la scène émouvante de Jésus descendu de la Croix (XIIIe station) et remis à Joseph d'Arimathie, «qui attendait le Royaume de Dieu», suggère que le Christ est «parmi ceux qui espèrent encore, parmi ceux qui ne se résignent pas à penser que l'injustice est inévitable» et nous invite «à une grande responsabilité», nous rend «audacieux». Enfin, la quatorzième station introduit le silence du Samedi Saint. Face à la mort du Christ, «dans un système qui ne s'arrête jamais», François élève une forte prière: «Apprends-nous à ne rien faire, quand on nous demande seulement d'attendre. Éduque-nous aux temps de la terre, qui ne sont pas ceux de l'artifice». Jésus, «mis au tombeau», partage «la condition que nous partageons tous» et atteint «les abîmes qui nous font si peur» et dont «nous nous échappons en multipliant nos activités», tournant «souvent en rond». Le Christ semble maintenant «dormir dans la tempête du monde», mais avec sa résurrection, qui impliquera toute la création, viendra la paix entre toutes les nations. 

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18 avril 2025, 12:00