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À la recherche d’exemples de fraternité vécue, le jury du prix Zayed reçu par le Pape

Le jury de l'édition 2024 du prix créé en 2019, après la signature à Abu Dhabi du Document sur la Fraternité humaine par le Pape et le grand imam d'Al-Azhar, a été reçu ce lundi matin 18 décembre par le Souverain pontife. Le cardinal Sandri préfet émérite du dicastère pour les Églises orientales et représentant du Saint-Siège au sein du panel, relate les traits marquant de leur audience, et répète que le dialogue est le seul moyen de construire un monde meilleur.

Alessandro Di Bussolo - Cité du Vatican

À la suite de la signature du document sur la fraternité humaine par François et Ahmed Al-Tayeb il y a près de cinq ans à Abu Dhabi, fut créé le prix Zayed qui récompense «un nouvel état d'esprit et un mouvement mondial, sur le dialogue, la fraternité et la coopération entre les différentes religions et cultures». Aujourd'hui, le prix veut devenir plus solide et plus connu, mais déjà, «de 40 candidatures soumises en 2019, nous sommes passés à plus d'une centaine», rapporte le juge égyptien Mohammed Abdelsalam, secrétaire général du prix Zayed pour la fraternité humaine, premier Arabe et premier musulman à être distingué par un ordre équestre pontifical. Il s’exprimait lors d'une table ronde organisée ce 18 décembre par Vatican News - Radio Vatican, dans la salle de réunion du dicastère pour la Communication, et modérée par Sœur Bernadette Reis, de la coordination éditoriale multimédia. Les protagonistes de l’événement étaient les membres du jury 2024, reçus peu avant par le Pape François. Seule Rebeca Grynspan Mayufis, secrétaire générale de la CNUCED, la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement, était absente en raison d'un empêchement.

Le jury, composé d'experts en matière de consolidation de la paix et de coexistence, était réuni au Vatican pour évaluer les candidatures au prix, qui sera remis le 4 février 2024, à l'occasion du cinquième anniversaire de la signature du document, coïncidant avec la Journée internationale de la fraternité humaine instituée en décembre 2020 par les Nations unies. Les membres du jury se sont, tour à tour, exprimé pour souligner les champs d’expertise à considérer de manière prioritaire.

Une meilleure éducation,  «une grammaire du dialogue»

Pour le juge Abdelsalam le changement climatique est le défi que l'humanité est appelé à relever. Il a d’ailleurs souligner que pour cette raison le Haut Comité pour la fraternité humaine, créé pour diffuser et donner corps au document d'Abou Dhabi, a organisé une réunion entre les chefs religieux avant la Cop28 à Dubaï. Il s'agit, a-t-il dit, d'un défi «pour les principes de coexistence et de vie en paix et en harmonie, car le changement climatique menace la vie des gens».

Lors de leur audience avec le Pape, Megawati Sukárnoputrì, première femme à occuper le poste de présidente en Indonésie (2001-2004) et première femme à diriger un État musulman moderne, a également évoqué la question du réchauffement climatique mais aussi l'importance de l'accès à une meilleure éducation pour la jeune génération, en particulier pour les femmes, qui doivent avoir des chances égales à celles de leurs homologues masculins. Megawati Sukárnoputrì fut classée huitième sur la liste des 100 femmes les plus puissantes du monde, établie par le magazine Forbes en 2004.

A ses côtés, une autre femme de talent. L’ancienne Première ministre de Bulgarie, Irina Bokova, qui occupa le poste de directrice générale de l'Unesco pendant deux mandats, voit également dans l’éducation une priorité. La membre du Haut Comité depuis 2020 estime que ce document «doit être considéré comme un document éthique fondamental de notre temps, dans lequel les jeunes peuvent trouver des réponses, d’autant qu’il est en harmonie avec le quatrième point des Objectifs de développement durable des Nations unies sur l'éducation». Elle voit en François un «grand humaniste» pour qui l’éducation est une «grammaire du dialogue dont les fondements sont la curiosité, l'écoute et le respect».

Rabbin Cooper : Le Pape, un homme de passion

«Nous devons enseigner aux jeunes générations que la vie consiste à faire des choix et à prendre des responsabilités», a surenchéri le rabbin Abraham Cooper, membre du jury mais également président de la Commission américaine sur la liberté religieuse internationale - qui surveille les violations de la liberté religieuse dans 28 pays du monde, et directeur de l'action sociale au Centre Simon Wiesenthal, une importante organisation juive de défense des droits de l'homme. Il souligne l’importance de les atteindre en communiquant avec eux également par le biais des réseaux sociaux. L’Américain se félicite de l’action du Pape, un «homme de passion, avec un grand désir de paix, qui encourage les gens et les peuples à faire le bien».

Cardinal Sandri: une invitation de François à poursuivre le dialogue

Enfin, le cardinal italo-argentin Leonardo Sandri, préfet émérite du dicastère pour les Églises orientales, qui a été diplomate à Madagascar, ou aux États-Unis comme représentant du Pape auprès de l'Organisation des États américains, au Venezuela, au Mexique, a souligné qu'à Abou Dhabi où il était présent, un document prophétique a été signé. Ce texte «a ouvert une nouvelle voie de compréhension et de dialogue».  Il a accepté de revenir au micro de Vatican News sur leur audience avec le Pape

Le cardinal Sandri avec Alessandro di Bussolo de Vatican News.
Le cardinal Sandri avec Alessandro di Bussolo de Vatican News.

Éminence, quels sujets le Pape François a-t-il abordés lors de sa rencontre avec votre commission et quel était son message pour ce prix?

Le Pape a souligné l'importance du document d'Abou Dhabi sur la fraternité universelle, sur le dialogue pour la paix, et a rappelé les situations de guerre qui existent encore dans le monde depuis la Seconde Guerre mondiale, en 1945. Nous avons vécu toutes ces années jusqu'à aujourd'hui, avec des guerres semées ici et là, et pour pouvoir résoudre le drame de l'humanité en guerre, divisée au sein des pays et entre les pays, nous devons construire un monde de paix et de fraternité. C'est la seule façon de pouvoir dire: «Vivons en frères dans ce monde, en nous aidant les uns les autres». Il a ensuite souligné l'importance de continuer par le dialogue, à construire ce monde meilleur.

Il a également parlé de l'importance de l'éducation, afin que les valeurs contenues dans le document sur la fraternité humaine atteignent également les jeunes générations?

L'un des membres de notre jury est un ancien directeur général de l'Unesco, et le Pape a donc insisté sur cette valeur de l'éducation, pour que le monde des jeunes ne soit pas un monde vide, sans valeurs, mais que ces valeurs de dialogue et de fraternité impactent leur vie de tous les jours. Pour qu'ils grandissent dans cette éducation à la paix, sinon il n'y aura pas d'avenir pour une humanité qui continue à se faire la guerre et à se diviser.

Dans cette situation dramatique de conflit entre Israël et le Hamas, sur une terre sainte pour les trois religions abrahamiques, quel message peut apporter le prix Zayed pour la fraternité humaine ?

Il peut constituer un appel à l'attention, comme l'a manifestement répété le Pape lors de la réunion d'aujourd'hui. Ceux qui profitent de ces guerres sont uniquement les fabricants d'armes. Il a surtout rappelé les larmes, la douleur, l'angoisse, le désespoir de tant de jeunes vies fauchées par ces guerres. Il a rappelé le débarquement de Normandie, dont le 75e anniversaire a été commémoré en 2019 par tous les chefs d'État, qui ont célébré sur le sable de ces plages ensemencées par les victimes de la guerre. Il est également revenu sur sa dernière visite, le 2 novembre, au cimetière américain ici à Rome où il a célébré la messe et s'est promené parmi les tombes pour lire, qu'il s'agit de jeunes gens âgés de 20 à 23 ans, qui ont vu leur vie fauchée dans la fleur même de la jeunesse. À quoi cela sert-il, s'est-il demandé? Quelle contribution apporte-t-on au monde avec la mort, avec la haine, avec la guerre, avec les armes? Et aujourd'hui, il se souvient qu'il a lui-même pleuré devant ces tombes.

Que pouvez-vous nous dire sur les nominations pour l’édition de cette année? De nombreux candidats se sont-ils présentés? Qu'attendez-vous d'eux?

Il existe de nombreuses candidatures et de nombreuses initiatives, de merveilleuses actions menées dans le monde entier pour sortir l'humanité de la maladie, de la pauvreté, de l'humiliation des personnes par le biais de la traite des êtres humains. De nombreuses initiatives viennent à nous pour présenter leurs résultats, sur ces questions qui sont angoissantes. Ce que nous voulons, du moins moi, c'est trouver parmi elles des modèles de vie concrets, pour dire aux nouvelles générations: «Regardez, si vous voulez avoir une vie qui a un sens, qui n'est pas vide, sans espoir, la voie est d'imiter ces personnes et ces organisations qui font ces grandes choses pour la personne humaine».

 

 

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18 décembre 2023, 18:18