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Conférence de presse du synode, 11 octobre 2023 Conférence de presse du synode, 11 octobre 2023 

Les victimes de la guerre et le secours aux migrants à l'ordre du jour du synode

Pauvreté, migration, abus, rôle des femmes, et identité sexuelle ont été au centre des travaux du synode ces dernières heures. Il n’y a pas de «polarisation», mais il se vit une «expérience de partage», rend compte Paolo Ruffini lors de la conférence de presse du 11 octobre.

Salvatore Cernuzio - Cité du Vatican

La sixième Congrégation générale du Synode en cours au Vatican s'est ouverte par une méditation du cardinal Arthur Roche, qui a évoqué «le danger d'une guerre sanglante» en constatant le conflit en Israël et à Gaza. Elle a été suivie par une série d’interventions et d’échanges sur des sujets tels que les guerres, la pauvreté, les abus, l'identité sexuelle, a indiqué le président de la Commission pour l'information, Paolo Ruffini, accompagné de la secrétaire, Sheila Pires, lors de la conférence de presse du mercredi 11 octobre.

Parmi les membres du synode présents, le cardinal Gérald Cyprien Lacroix, archevêque de Québec, a fait part de son expérience d'«enrichissement» à l’écoute des différentes interventions et des témoignages. Grace Wrakia, témoin du processus synodal en Océanie, a pour sa part fait entendre la voix des communautés de Papouasie-Nouvelle-Guinée. Luca Casarini, activiste et fondateur de l’ONG Mediterranea Saving Humans, a exprimé son «indignation» devant les milliers de morts parmi les migrants qui tentent la traversée de la Méditerranée. Invité spécial du Synode, Luca Casarini a livré un témoignage poignant sur l’activité de son ONG, évoquant une rencontre entre deux pauvretés: celle matérielle de ceux qui sont contraints de quitter «la seule richesse en leur possession», leur propre terre, et la pauvreté spirituelle d'un Occident qui semble avoir perdu la capacité de s’émouvoir et refuser «l'horreur».

Un petit cercle mineur à la Maison Sainte-Marthe

Paolo Ruffini a révélé aux journalistes qu’un petit «cercle mineur» a vu le jour pas très loin de la salle Paul VI, à la Maison Sainte-Marthe où réside le Pape. Ce dernier a réuni pour le déjeuner plusieurs pauvres de la capitale avec le cardinal Konrad Krajewski, aumônier apostolique. Une question a été posée aux invités à la table du Saint-Père: «Qu’attendez-vous de l’Église?» Question à laquelle ils ont répondu: «De l'amour, rien que de l'amour».

Dans le sillage du Concile

339 membres étaient présents à la Congrégation générale de mardi après-midi. Ils étaient 345 mercredi matin lorsque le cardinal Matteo Zuppi les a invités à réciter ensemble la prière de l’Angélus. Le président des évêques italiens a invoqué l’intercession de saint Jean XXIII, profitant de sa commémoration liturgique, le 11 octobre; date qui est aussi celle de l’ouverture du concile Vatican II (11 octobre 1962). Revenant un instant sur cet événement historique pour l’Église, le cardinal Gérald Cyprien Lacroix, affirmé que le synode sur la synodalité se situait dans la continuité de l’inspiration «prophétique» de Jean XXII, qui âgé et malade, s’est laissé guider par l’Esprit sur la nécessité de «vivre un Concile œcuménique», dont il ne verrait pas la fin.

Le cardinal québécois a lu le discours d'ouverture du Concile prononcé alors par Jean XXIII, le disant d'une extraordinaire actualité en ce temps synodal que l'Église vit depuis octobre 2021. «La méthodologie que nous utilisons est orientée vers l'écoute du Seigneur, de sa Parole, de sa présence en chaque baptisé, et cela nous permet de nous ouvrir à l'autre et aux autres». En écoutant la Parole de Dieu, nos frères et sœurs, «nous pouvons trouver des nuances, changer notre façon de penser, et voir ainsi l’œuvre et le travail de Dieu dans tous les peuples», a déclaré l'archevêque de Québec, révélant que vivre tout cela sur le plan personnel l'amène à «ajuster, à affiner, à revoir un peu ma façon de penser».

Le cardinal Gérald Cyprien lacroix, archevêque de Québec
Le cardinal Gérald Cyprien lacroix, archevêque de Québec

La voix des «petites» îles d'Océanie

L’idée originelle de ce Synode sur la synodalité «est de se laisser interpeller par ce qui émerge dans les autres interventions de manière libre». Et aussi de donner la parole à ceux qui sont restés jusqu'à présent en retrait. Grace Wrackia, à cet égard, a exprimé sa gratitude au Pape pour avoir invité des représentants des Îles Salomon et de Papouasie-Nouvelle-Guinée au Synode. «Pendant tant d'années, a-t-elle dit dans un discours empreint d’émotion, nous avons écouté et maintenant nous voudrions parler et nous voudrions que vous écoutiez, parce que nous avons quelque chose à donner au monde: notre façon de vivre, de vivre en communion, de vivre ensemble et de construire des relations».

Des appels puissants pour la paix

En énumérant les thèmes abordés lors des cercles mineurs et des congrégations, le préfet Paolo Ruffini a expliqué que de nombreuses interventions ont porté sur le thème de la paix et des victimes de la guerre: «On a évoqué la façon dont les chrétiens peuvent être un signe de paix et de réconciliation dans un monde défiguré par les guerres et la violence». Des «appels puissants» ont été lancés pour les pays en proie à des conflits et pour «les souffrances de certaines Églises orientales».

Une Église humble pour les pauvres

Sheila Pires souligne un autre thème abordé au cours des échanges: «le désir d'une Église en faveur des pauvres, humble, voyageant, marchant avec les pauvres». Des pauvres qui «ont de nombreux visages»: les exclus, les migrants, les victimes du changement climatique, incluant même les femmes et les religieuses dans certaines parties du monde considérées comme des «citoyens de seconde zone». «Il a été dit que ces dernières devraient être protégés contre les abus», a expliqué Sheila Pires.

Pendant les travaux du synode en salle Paul VI
Pendant les travaux du synode en salle Paul VI

Aucun stéréotype de la polarisation

Les abus n’ont pas été omis des réflexions: «On a parlé de notre crédibilité remise en cause par des scandales tels que les abus sexuels et de la nécessité d'éradiquer tous les abus: sexuels, de pouvoir, spirituels, et de tout faire, de continuer à tout faire, pour être proche des victimes», a déclaré Paolo Ruffini.

Dans les groupes et les discours, la question de l'identité sexuelle a elle aussi été abordée, «avec responsabilité et compréhension, en restant fidèle à l'Évangile et aux enseignements de l'Église», a expliqué le préfet chargé de la communication. Certains ont appelé à «un plus grand discernement sur l'enseignement de l'Église en matière de sexualité»; pour d'autres, en revanche, ce discernement supplémentaire n’apparait pas nécessaire. Répondant aux questions des journalistes, Paolo Ruffini explique que dans les interventions, «aucun élément ne peut-être encadré dans le stéréotype de la polarisation». Le synode vit «une expérience de partage».

La question que les participants au synode se sont posée est: «Comment incarner la pastorale de l'amour pour les couples homosexuels, pour les divorcés en restant fidèle à l'enseignement de l'Église?». «À peu près tous ceux qui se sont exprimés sur ces questions ont dit que nous devons rejeter toute forme d'homophobie», a fait observer le président de la Commission pour l’information, expliquant que pour plusieurs membres du synode, «beaucoup de difficultés proviennent de la méconnaissance de la réalité et du cheminement personnel des individus».

La question des migrants

Concernant les migrants, certains évêques -a-t-on expliqué lors du point presse- ont «demandé l'aide d'autres conférences épiscopales» qui se trouvent dans une meilleure situation du point de vue de l'intégration et de l'accueil, de façon à «pouvoir bénéficier» des compétences développées pour assurer l'intégration des personnes accueillies dans la société. «La nécessité pour les migrants et les réfugiés de respecter les lois des pays dans lesquels ils se trouvent» a été soulignée.

Luca Casarini (à droite)
Luca Casarini (à droite)

Témoignage de Luca Casarini

Toujours en matière de flux migratoires, le témoignage de Luca Casarini a touché la plupart des personnes présentes en Salle de presse du Saint-Siège. Le fondateur de l’ONG Mediterranean saving humans s’est d’abord décrit comme «un homme privilégié», car «dans un monde où l’on observe une course à celui qui tuera le plus grand nombre de personnes, un monde dominé par la haine, venir en aide à une vie, embrasser des frères et des sœurs au milieu de la mer, c'est un don infini qui change la vie», qui a changé la sienne.

L'activiste a également abordé la question de la pauvreté: «En haute mer, nous rencontrons des frères et sœurs, et là, deux pauvretés se côtoient». D'une part, la pauvreté économique et sociale qui oblige les gens à «quitter leur terre, leur famille, leur mémoire», leurs seules richesses; d'autre part, la pauvreté désolante d'une partie du monde qui considère aujourd'hui «l'horreur comme normale». «Nous ne sommes plus capables de pleurer la mort d'un enfant», a regretté Luca Casarini. «Ces deux pauvretés se viennent en aide mutuellement et font place à quelque chose que nous devrions désespérément rechercher aujourd'hui dans le monde de la haine: l'amour. C'est ainsi que j'ai rencontré Jésus et Dieu».

Avec gentillesse et non sans ironie, l'invité spécial a répondu aux questions de ceux qui lui demandaient s'il ne se sentait pas «en décalage» dans un événement comme le Synode, ponctué de divers rituels et moments spirituels. «Je me sens toujours en décalage et inadéquat dans tous les contextes», a-t-il répondu en souriant. «Je considère vraiment toutes les personnes présentes au Synode comme mes frères et sœurs, j'apprends à transformer le ressentiment et la rancune en piété». Le secret est que «j'essaie d'apprendre est de se mettre à la place de l'autre. Qu'il ne faut pas prétendre pouvoir résoudre soi-même, mais que c'est l'Esprit Saint qui agit. C'est ainsi que des choses folles peuvent se produire... comme le fait que je sois au Synode».

Le fondateur de Mediterranean Saving Humans a été interrogé sur son «repentir» pour ses actions lors du G8 de Gênes en 2001 et l'accusation d'aide à l'immigration clandestine. «Pour Gênes, j'ai subi huit ans de procès et j'ai été acquitté», a répondu Luca Casarini, tandis que «je ne parviens pas à comprendre» l'autre chef d’accusation. Il développe: «Pour moi, aucun être humain n'est clandestin.... J'ai compris que je faisais l'objet d'une enquête parce que j'ai sauvé 38 personnes pendant 38 jours au milieu de la mer. C'est la plus grande épreuve de force que l'Europe ait jamais connue. Parmi ces personnes, il y avait une fille qui avait été violée par cinq gardes libyens avant de prendre la mer, et qui n'avait même pas eu de médecin pendant 38 jours. Ai-je commis un crime? Arrêtez-moi, je suis content de l'avoir commis».

Synode: point presse du 11 octobre

 



 

 

 

 

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12 octobre 2023, 07:26