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Le cardinal Jean-Claude Hollerich (au centre), lors de la présentation de l'Instrumentum Laboris à la presse, au Vatican, le 20 juin 2023. Le cardinal Jean-Claude Hollerich (au centre), lors de la présentation de l'Instrumentum Laboris à la presse, au Vatican, le 20 juin 2023.   (Vatican Media) Les dossiers de Radio Vatican

Cardinal Hollerich: "Apprendre à voir l'Église universelle dans les Églises locales"

L’archevêque de Luxembourg, rapporteur général de l'assemblée synodale du mois d'octobre prochain, revient sur les travaux qui ont permis d'élaborer l'Instrumentum Laboris, présenté mardi 20 juin au Vatican.

Entretien réalisé par Olivier Bonnel - Cité du Vatican

L'Instrumentum Laboris, l'instrument de travail de la prochaine assemblée synodale du mois d'octobre a été présenté mardi 20 juin en salle de presse du Saint-Siège. Un solide document d'une cinquantaine de pages, synthèse de près de deux ans de travaux dans les diocèses du monde entier. Qu'il s'agisse de la place des femmes, de la liturgie, de la participation des minorités à la vie de l'Église ou encore du rapport à l'autorité, les sujets sont nombreux, et reflètent les questions posées par les Églises locales. C'est d'abord d'un processus d'écoute qu'est né cet outil qui sera la base des travaux des participants à l'assemblée d'automne, comme l'explique le cardinal Jean-Claude Hollerich, archevêque de Luxembourg et rapporteur-général du synode.

Cardinal Jean-Claude Hollerich, rapporteur-général du Synode

C’était vraiment une joie de pouvoir cheminer ensemble en Église, et c'était merveilleux. Cela s’est fait tout d'abord au niveau local, puis au niveau national et au niveau continental. Maintenant, la deuxième étape va commencer, l'étape de célébration dans le synode des évêques.

Nous avons vu les mêmes thèmes avec des couleurs différentes dans les différents continents, des nuances. Nous avons vu la richesse de l'Église catholique et ce qui pour moi était surprenant, c'est de voir comment dans des cultures différentes, qu’il s’agisse de l'Église catholique en Asie, en Afrique, en Amérique latine, nous retrouvons cette soif d'une plus grande modalité de marcher ensemble en tant que baptisés.

Est-ce un processus qui a fait que l'Église se connaît mieux elle-même?

C'est un peu cela, oui. Nous en avons besoin car l'Église est en crise profonde avec tous les abus sexuels. Chaque jour, nous recevons, même en Europe, d'un pays ou de l'autre, de mauvaises nouvelles. Il faut rester humble. Cela ne doit pas nous empêcher d'accepter avec joie la mission que le Christ donne à son Église et de cheminer avec humilité tous ensemble.

Cet instrument de travail n'est pas une ébauche du document final du Synode du mois d'octobre, mais plutôt une première compréhension de la dimension synodale de l'Église. Comment résumer cette dimension?

Si je prends le document en anglais, il y a 24 pages après l'introduction sur le thème de la mission qui est partout présente avec la communion et la participation. Ensuite, nous avons pour chacun de ces trois thèmes cinq fiches de travail. Ces fiches de travail posent des questions et comportent des éléments pour la prière personnelle communautaire. Nous précisons d'ailleurs, et nous avons vu dans tout le processus l'importance de la conversation dans l'Esprit. C’est une manière de parler ensemble en tant que chrétiens qui évite de tomber dans le politique, de tomber dans des confrontations. Le synode devra aussi travailler ou on continuera à avoir cette méthode de la conversation dans l'Esprit.

Le cardinal Hollerich dans les studios de Radio Vatican
Le cardinal Hollerich dans les studios de Radio Vatican

Nous posons des questions, nous ne demandons pas des réponses. Je ne sais pas d’ailleurs si toutes les questions auront des réponses. C’est parce que nous avons pris conscience d'une marche que nous faisons ensemble, au fur et à mesure, que l'Église réussira à trouver les réponses. Si nous marchons, cela conduit à l'Esprit-Saint.

Je reviens sur cette «conversation dans l'Esprit», une dimension très importante de ce document de travail. En quoi consiste précisément cette conversation?

Tout d'abord, c'est l'écoute qui vient en premier, c'est l’écoute d'une sœur, ou d'un frère, avec la volonté de comprendre pourquoi cette sœur, pourquoi ce frère parle de telle manière, ce qui a motivé ces opinions, etc.

Et puis je dois prier pour cela, je dois l'accueillir vraiment dans l'Esprit Saint, dans une écoute humble et pleine d'empathie. Ensuite, il y a un dialogue qui s'engage et le résultat de ce dialogue: nous avons vu quand, par exemple, quand nous étions en Asie, à Bangkok, on a demandé que toutes les tables rondes votent, table par table donc pas un vote personnel. On pourrait dire que c'est risqué, mais cela a marché. Les tables rondes sont venues à des conclusions qui ne sont pas une uniformité, mais qui montrent combien l'Esprit pousse dans telle ou telle direction. Et j'espère que nous serons capables de faire la même chose au synode. D'ailleurs, il est bon en ce sens de voir que nous commencerons avec une retraite de trois jours après avoir prié ensemble le matin saint Pierre. Le synode n'est pas un parlement. Il ne s'agit pas de prendre des positions politiques pour ceci, contre ceci. Ce n'est pas ça l'Église.

Il y a des tentations parfois de politiser, de polariser. On le sait qu'au niveau de certaines Églises locales, comme en Allemagne, mais pas seulement, il y a pu avoir des moments où cela «tanguait un peu». Comment dans votre travail de préparation, avez-vous essayé de recentrer un peu les travaux?

Il y a des tentatives de gauche et de droite, mais cela est normal puisque si l'Église marche ensemble avec Jésus, il y a nécessairement des gens qui marchent à droite et des gens qui marchent à gauche de Jésus, il y en a qui vont un peu plus vite, il y en a qui traînent un peu derrière. Mais si tout le monde a le regard centré sur Jésus, on ne voit jamais Jésus seul, on le voit avec les gens qui marchent de l'autre côté.

Et je pense que c'est très sain de savoir que nous sommes tous l'Église. Il faut trouver un consensus. Pour cela, il faut la réflexion et la prière.

“L'Église synodale n'a de sens que si c'est une Église synodale missionnaire”

Cette phase de réflexion pour élaborer cet instrument de travail a mis au cœur les Églises locales dans toute leur diversité. Qu'est-ce que ces Églises ont-elles à apprendre à l'Église universelle?

Je pense que j'ai appris à voir l'Église universelle dans les Églises locales, c'est à dire que l'Église universelle n'existe pas sans des Églises locales. C'est beau d'entendre, de voir les mêmes choses avec des nuances, avec des couleurs différentes, avec des parfums différents.

L'accent est mis également sur la formation du peuple de Dieu, sur l'effort pour un renouvellement du langage utilisé dans la liturgie, dans la prédication, dans la catéchèse. Ce synode est-il une manière d'élaborer un nouveau langage de l'Église pour le monde d'aujourd'hui?

Oui, l'Église a toujours besoin d'un langage théologique, mais le langage théologique change. Je ne dis pas que l'essence de la foi change, mais ces élaborations théologiques changent. Je ne peux pas dire aujourd'hui exactement la même chose que comme saint Thomas d'Aquin, même si je peux m'inspirer de saint Thomas d'Aquin. Je pense que nous, les évêques et les théologiens, nous avons un peu la tendance d'utiliser le langage de notre formation théologique, et très souvent, ce langage-là ne convainc pas les croyants qui vivent dans un monde très différent, qui vivent des défis pour proclamer, pour témoigner de la foi, et en ce sens, c'est d'eux que vient un langage en dialogue avec le monde. L'Église synodale n'a de sens que si c'est une Église synodale missionnaire, et pour cela, il nous faut parler un nouveau langage. C'est un peu la fête de la Pentecôte, où les gens entendent les apôtres parler dans leur langage. Ce serait bien si les gens ne s'entendaient aussi parler dans leur langage.

Vous avez énormément voyagé ces deux dernières années. Qu’avez-vous entendu de l’attente de ces Églises de cette grande assemblée qui va s'ouvrir au mois d'octobre?

Il y a des attentes différentes, mais il y a aussi des traits communs, j'imagine, dans cette espérance de cette Église qui continue de cheminer dans l'écoute.

Il y a une joie de cheminer ensemble. Quand nous avons préparé, par exemple, la réunion européenne de Prague, on a deux Europes complètement différentes, l'Europe occidentale et l'Europe centrale ou l'Europe orientale, et l’on aurait pu s'attendre à des confrontations terribles. Mais non, on a dit les choses de part et d'autre, mais on a senti que l'Esprit Saint travaillait, qu'on voulait cheminer ensemble. J'ai retrouvé cette même volonté dans toutes les assemblées continentales.

Dans la préparation on s'aperçoit aussi de pas mal de choses. Par exemple à Frascati, quand nous avons fait le document pour la phase continentale européenne on a choisi l'image de la tente qui doit être étendue. Quand j'étais en Afrique, j'ai vu qu'une image ne suffit pas, qu'un image est toujours culturelle et que l’image de la tente évoque plutôt le provisoire, la pauvreté, les réfugiés. En Afrique, on préfère plutôt parler de la famille, de «l'Église- famille», et certainement l'Église en Europe a à apprendre de cette image. La richesse de l'Église se perçoit si l'on réussit à s'écouter les uns les autres avec beaucoup d'humilité et de fraternité.

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20 juin 2023, 16:29