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Le cardinal canadien jésuite Michael Czerny, préfet du dicastère pour le Service du développement humain intégral, place Saint-Pierre. Le cardinal canadien jésuite Michael Czerny, préfet du dicastère pour le Service du développement humain intégral, place Saint-Pierre.  

Cardinal Czerny: la question migratoire est «le sacrement» du magistère François

Le préfet du dicastère pour le Service du développement humain intégral, le cardinal canadien Michael Czerny, dresse le bilan de la décennie de Jorge Mario Bergoglio sur le trône de Pierre. Selon lui, la fraternité, la miséricorde et la sauvegarde de la Maison commune sont ses priorités.

Salvatore Cernuzio - Cité du Vatican

«Bon Samaritain», «fraternité», «Maison commune»; et «la migration» comme «sacrement» de tout ce magistère. Le cardinal jésuite Michael Czerny, préfet du dicastère pour le Service du développement humain intégral, résume en ces mots-clés les dix années du Pape François à la tête de l'Église universelle. Une Église qui, avec le Pape argentin, est devenue «plus inclusive envers les pauvres, les femmes, les déplacés et les marginalisés». Une Église également «plus attentive à la création et ouverte au dialogue interreligieux, plus synodale, plus miséricordieuse et éloignée de la culture du cléricalisme», ajoute le cardinal canadien dans un entretien aux médias du Vatican.

Éminence, comment résumeriez-vous la décennie de François sur le trône de Pierre?

Je la résumerais en quelques mots: bon samaritain, fraternité, maison commune. Ce ne sont pas des priorités abstraites mais globales; ce sont des priorités pour les dirigeants, les croyants et les personnes de bonne volonté, pour tous ceux qui se soucient de la vie humaine et de l'avenir de la famille humaine.

Selon vous, comment se déroulera le pontificat à l'avenir? Quelles sont les questions et les défis sur lesquels le magistère du Pape François devra se pencher?

Je crois que, grâce aussi à la réforme de la Curie romaine, le besoin le plus urgent est un «saut qualitatif» des Églises locales. Il ne s'agit pas d'un programme politique a priori, mais plutôt d'une invitation à la vocation et à la mission d'accompagner les Églises locales dans leurs priorités, dans leurs urgences.

C'est justement en regardant la réforme cristallisée dans la Constitution apostolique Praedicate Evangelium que le dicastère pour le Service du développement humain intégral que vous présidez s'est adapté à la «nature missionnaire» de la Curie voulue par le Pape, en changeant sa structure interne. Quelles sont vos évolutions?

Notre mission principale est d'essayer de tout faire pour écouter les Églises locales et tous ceux qui relèvent le défi du développement humain intégral. Nous nous tenons prêts à voir comment aider, encourager, stimuler et même critiquer, bref, aider l'Église à grandir et à donner des réponses au monde d'aujourd'hui. La question doit être la suivante: quels sont les principaux sujets de préoccupation pour les Églises locales? Les pauvres, la sauvegarde de la création, la santé, l'(in)sécurité, les migrations? Développons donc tout cela dans des relations mutuelles.

Ce monde est aujourd'hui blessé par la guerre, mais aussi par la migration. Il y a quelques jours, une tragédie a frappé le sud de l'Italie, causant la mort de plus de 70 personnes. Vous avez une longue expérience dans le domaine des migrations. Que pensez-vous de ce que beaucoup appellent «une tragédie annoncée»?

Ce n'était pas une tragédie annoncée, mais une tragédie dénoncée. Je pense qu'il est hypocrite de dire qu'il n'était pas possible de donner une réponse.... Non, nous n'avons pas pu ou voulu anticiper. Dans l'Église, à commencer par le Pape François, beaucoup l'ont souligné mille fois: il n'y a pas de surprise dans ces événements, ce sont des choses attendues et très politiques. Et aussi très tristes.

Lors de l'angélus du 5 mars dernier, le Pape a lancé un appel très fort demandant d'arrêter les trafiquants. Est-ce là le problème?

Oui. Je crois cependant que le problème sous-jacent est une confusion, une incohérence même dans la politique migratoire européenne. D'un côté, il y a les trafiquants. D'autre part, il y a les trafiquants qui sont rusés, entrepreneurs, et qui profitent de l'incohérence pour faire prospérer leurs affaires.

En parlant de migration et en revenant sur le pontificat, l'un des moments les plus symboliques a été le voyage de juillet 2013 à Lampedusa. Depuis, le Pape n'a cessé d'attirer l'attention du monde sur cette question et sur ces personnes contraintes de quitter leur pays...

On peut dire que la question migratoire est «le sacrement» du magistère du Pape François. Cette question, si concrète, si humaine et aussi si «sainte» dans le sens de sa grande importance, il a essayé de la communiquer à tous les fidèles et au-delà. À tous les habitants de la planète, le Pape a fait comprendre à quel point la dignité de la vie humaine est fondamentale et combien il est nécessaire de répondre à notre prochain. Il a rendu pertinent le phénomène de la migration, il a rendu évidente la présence de Jésus, de la Sainte Famille, parmi ceux qui fuient. Il a ouvert à tous la possibilité de répondre -en tant que chrétiens et en tant qu'hommes- par son enseignement: accueillir, promouvoir, protéger et intégrer.

À votre avis, ces quatre indications du Pape, même à la lumière des récentes tragédies, ont-elles été comprises et accueillies?

Il est certain que tout le monde a compris ce que le Pape a dit, même les responsables de ces soi-disant tragédies. Ce sont des résultats d'actions politiques. Il faut donc faire attention à ne pas mélanger les deux choses... Les paroles de François atteignent tout le monde, surtout les croyants, les personnes qui croient en Dieu, en la vie, en la fraternité, en la maison commune. Celles-là répondent aux paroles du Saint-Père et ne cèdent pas à un rejet cruel et inhumain de leur prochain.

Quel vœu souhaiteriez-vous adresser au Pape?

Plus qu'un vœu, c'est un désir fort qu'il reçoive encore la grâce et qu'il sache combien est infinie notre gratitude, la gratitude du monde entier pour ces dix années qui nous ont tous changés pour le meilleur.


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10 mars 2023, 10:14