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La relique du bienheureux Rosario Livatino apportée dans la bibliothèque du Sénat italien lors d'une conférence à Rome, le 18 janvier 2023, en présence du cardinal Pietro Parolin, secrétaire d'État du Saint-SIège. La relique du bienheureux Rosario Livatino apportée dans la bibliothèque du Sénat italien lors d'une conférence à Rome, le 18 janvier 2023, en présence du cardinal Pietro Parolin, secrétaire d'État du Saint-SIège. 

Cardinal Parolin: la mafia est un choix d'esclavage, revenons à la légalité

Le secrétaire d'État du Saint-Siège a participé mercredi 18 janvier à une conférence au Sénat italien sur le bienheureux Rosario Livatino, jeune juge assassiné par la mafia en 1990, «un exemple pour les magistrats». La relique de la chemise ensanglantée portée le jour de son martyre, en pèlerinage à Rome jusqu'au 21 janvier, a été apportée au Sénat pour l'occasion. Le cardinal Parolin a égalem qualifié l’arrestation de Matteo Messina Denaro, chef de la Cosa Nostra, de «succès de l'État».

Alessandro Di Bussolo - Cité du Vatican

Si la capture de Matteo Messina Denaro est un «succès de l'État», mettre la personne au centre, comme l'a fait le bienheureux Rosario Livatino, premier magistrat que l'Église a élevé aux honneurs des autels, reste fondamental, dans l'exercice de la justice, a affirmé le cardinal Pietro Parolin qui participait à la conférence organisée mercredi 18 janvier au Sénat sur «L'importance du bienheureux Rosario Livatino»

En répondant aux journalistes qui l'interrogeaient sur l'arrestation du chef de la mafia après trente ans de cavale, le secrétaire d'État du Vatican s'est dit favoralble à une justice qui soit «rédemptrice, et qui réussisse à récupérer tous ceux qui se sont mis dans le camp de la délinquance».. Le colloque, organisé par le centre d’études Rosario Livatino, s'est ouvert par un geste symbolique avec l'exposition de la relique du juge -la chemise ensanglantée qu'il portait lors de son martyre le 21 septembre 1990- dans la bibliothèque du Palazzo Madama, siège du Sénat italien à Rome.

«La mafia est un esclavage»

L'interpellation lundi à Palerme du chef de Cosa Nostra a redonné, avant tout au peuple sicilien, «le sens que nous devons vivre ensemble selon des valeurs», a relevé le cardinal Parolin, ajoutant: «En fin de compte, même le choix de la délinquance, le choix de la mafia, est un choix d'esclavage tant pour ceux qui le vivent que pour les autres personnes qui en sont victimes. Nous devons sortir de cela».

Un magistrat chrétien intègre

Du bienheureux Livatino, «une figure merveilleuse» dont le cardinal Parolin dit avoir approfondi la connaissance grâce à la conférence, le premier diplomate du Saint-Siège assure: «c'était un chrétien intègre, qui a su vivre pleinement sa foi dans l'exercice d'une profession particulièrement délicate comme la magistrature, en conformant son interprétation et son application de la justice aux principes chrétiens».

Son sacrifice, également à la lumière du coup de filet de lundi à Palerme, n'a pas été vain: «Les temps du Seigneur sont différents des nôtres et il n'est pas certain que les résultats soient immédiats, mais il est certain que tout geste de générosité, tout acte d'amour, toute offrande de sa vie, tout sacrifice fait au nom du Seigneur est toujours récompensé et porte du fruit».

Un magistrat qui a su allier justice et charité

Livatino a su unir la justice et la charité, un message important pour les magistrats d'aujourd'hui. «Avant tout, cette dimension par laquelle la justice devient rédemptrice, met la personne au centre et est un effort fait aussi par l'État et la communauté, pour réussir à récupérer tous ceux qui sont entrés dans le camp de la délinquance et de la criminalité», a encore observé le cardinal Parolin. Introduisant les travaux de la conférence, le secrétaire d’État a ensuite souligné que la belle figure du béatifié, mort en martyr alors qu'il n'avait pas encore 38 ans, mérite d'être proposée aux jeunes en particulier. La cause de béatification a prouvé que la mafia d'Agrigente voulait le tuer «pour s'opposer à son œuvre de justice imprégnée de l'Évangile». Le magistrat chrétien Livatino a démontré «que la foi peut être l'âme et le guide dans l'administration de la justice». Choisir, a rappelé le jeune juge, est l'une des choses les plus difficiles pour un magistrat, mais en cela, s'il est croyant, il peut trouver une aide dans la rencontre avec Dieu dans la prière et la lecture de l'Évangile. Il nous donne une «mystique du pouvoir judiciaire», qui «dans l'exercice correct de ses décisions, devient une extension de l'activité de Dieu».

Les mafiosi détestaient aussi «la vie de foi et de prière» de Rosario Livatino, le traitant de «saint» et de «bigot», a rappelé le cardinal italien. Un homme qui «tout en les condamnant, priait pour les âmes de ceux qui sont morts dans les guerres de la mafia». Des mafieux qui, «s'ils font preuve de dévotion envers les saints et la Vierge, renient le christianisme par leurs actes et vivent une forme de paganisme consacré au dieu argent». Le bienheureux Livatino «a toujours su exercer la vertu du pardon. Il n'a jamais oublié son prochain dans le besoin, même s'il était emprisonné. En regardant le Christ, il se souvient qu'il a mis la charité en premier, avant même la justice. C'est pourquoi il a beaucoup souffert de la condamnation pénale de l'accusé. Comme le Christ sur la croix, a conclu le cardinal, il a demandé à ses bourreaux "Quel mal vous ai-je fait’’?».

Sa mort tragique «s'est transformée en une conversion pour certains de ses mandants et meurtriers». Ils ont tué «un vrai chrétien et un juge laïc, qui reste maintenant vivant en nous et nous parle par son exemple», a conclu le cardinal Parolin dans son intervention.

Le président Mattarella: en sa mémoire nous défendons la légalité

Avant le discours du cardinal Parolin, le vice-président du centre d’études Rosario Livatino, Domenico Airoma, procureur de la République d'Avellino, a lu le message envoyé par le président de la République, Sergio Mattarella. Selon ce dernier, la mémoire de l'exemple de Rosario Livatino «invite tout le monde à poursuivre la bataille pour la défense de la légalité, en renouvelant l'engagement auquel nous sommes tous appelés à combattre toutes les formes de criminalité, avec la même cohérence et la même détermination qui ont distingué ses actions». Rosario Livatino a, selon Giorgio Mattarella, «sacrifié sa vie pour affirmer les valeurs de l'État de droit contre la violence aveugle du crime» et «exercé ses fonctions avec rigueur morale, autorité, dévouement inlassable et sens du devoir».

Proclamer la justice avec la vérité

Le sous-secrétaire à la présidence du Conseil des ministres, Alfredo Mantovano, ancien vice-président du Centre d'études «Rosario Livatino», a souligné dans son discours que le juge assassiné «proclamait la loi avec vérité», car c'était un bon magistrat. «La quantité de décrets qu'il a réussi à écrire en 12 mois de travail au tribunal d'Agrigente» avant d'être tué est impressionnant, reappelle-t-il. Il a travaillé avec une extrême efficacité, avec le souci du détail et de la reconstruction de l'ensemble. Mais pour lui, être magistrat n'était pas un métier comme les autres, c'était «être» magistrat. Enfin, Alfredo Mantovano se souvient de la discrétion du procureur puis du juge Livatino: en douze ans, il n'a jamais donné d'interviews ou participé à une émission de télévision.

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19 janvier 2023, 07:00