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Procès sur la gestion des fonds du Saint-Siège, le 20 mai 2022. Procès sur la gestion des fonds du Saint-Siège, le 20 mai 2022.  

Justice vaticane: déclaration spontanée du cardinal Becciu

Lors de la trentième audience du procès pour trafics illicites des fonds du Saint-Siège qui s’est déroulée ce vendredi 14 octobre dans la salle des Musées du Vatican, le cardinal Becciu a répondu aux déclarations du commissaire de la Gendarmerie. L'audience a également été marquée par les témoignages de Marco Simeon et d'Andrea Pozzi, ancien vice-président de la Fondation Enasarco.

Salvatore Cernuzio - Cité du Vatican

La trentième audience du procès pour les présumés trafics illicites des fonds du Saint-Siège, s'est ouverte par une nouvelle déclaration du cardinal Angelo Becciu, en réponse aux déclarations faites le 13 octobre, lors de l'interrogatoire du commissaire Stefano De Santis. 

Avant l'audition des témoins, le cardinal est revenu sur sa rencontre le 3 octobre 2020 dans son appartement avec Stefano De Santis et le commandant de la gendarmerie, Gianluca Gauzzi Broccoletti. Ce dernier avait demandé au cardinal Becciu de discuter avec lui d'un certain nombre de questions, notamment des dépenses faites par la conseillère du prélat. Tirant prétexte d'une mission humanitaire, Cecilia Marogna avait acheté des produits de luxe, avec les fonds du Saint-Siège.

Rencontre chez le cardinal 

Selon le cardinal, le commandant Gauzzi avait demandé à ce que la rencontre soit «protégée par la plus grande confidentialité». «Je confirme absolument qu'on m'a dit de garder le secret et j'ai respecté cet engagement et, même dans les moments les plus difficiles et les plus tourmentés, je n'ai jamais fait de confidences à personne sur cette réunion», a affirmé le cardinal. Le commissaire a pour sa part déclaré au contraire, qu'aucune contrainte de secret n'ait jamais été imposée. 

Dans la salle des Musées du Vatican, le mis en cause, le cardinal Angelo Becciu, a rapporté certaines phrases que le commissaire aurait prononcées lors de cet entretien. Comme celle, lui suggérant de retourner en Sardaigne vivre «tranquillement». «Vous ne voulez quand même pas participer à un procès ? Savez-vous combien de choses négatives pourraient sortir!» aurait dit Gianluca Gauzzi, selon le récit du prélat. «Cela fait deux ans que je m'interroge sur le sens de ces mots», a déclaré le cardinal dans la salle d'audience, assurant qu'il continuerait à assister aux audiences, jusqu'au bout, la tête haute, en étant sûr que la vérité éclatera, et qu'il en sera de même pour son innocence. 

Pour le bien des pauvres

Le cardinal Angelo Becciu a également évoqué le financement versé par la conférence épiscopale italienne à la Caritas du diocèse sarde d'Ozieri, dévolu à la Coopérative Spes, dont son frère Tonino était le propriétaire. «Je ne nie pas mon intérêt, je n'y voyais et n'y vois aucun crime. Car il s'agit d'une pratique normale dans l'Église, celle de l'entraide», a-t-il souligné. L'Église, n'est pas «une entreprise ou même un bureau municipal» a-t-il ajouté. Dans l'Église «règne la loi de l'amour et du désintéressement... Aider à créer de bonnes œuvres est ce que doit faire un chrétien, un prêtre et encore plus un évêque». Et dans le cas de la coopérative Spes, plus de soixante-dix personnes ont été aidées à trouver un emploi. 

«Je n'ai jamais enrichi les membres de ma famille»


L'accusé a également fait une large place dans sa déclaration aux soixante-mille euros versés par la Secrétairerie d'État à la coopérative Simpatia de Côme, où travaille le père de Mgr Alberto Perlasca, un témoin clé du procès. 

Pourquoi la caritas Ozieri a fait l'objet d'une enquête et pas la coopérative Côme? La raison, selon le cardinal Becciu, est que l'on soupçonnait les membres de sa famille de s'être enrichis. À ce propos, le cardinal a invité le commissaire De Santis à déclarer publiquement si ou ou non les enquetes menées avaient permis de mettre en évidence des revenus irréguliers sur les comptes de sa famille. «Jamais un centime n'est entré dans les poches de mes frères», s'est-il exclamé.

L'opération humanitaire

Au sujet de l'opération humanitaire qui a conduit à la libération de la religieuse colombienne sœur Gloria Cecilia Narvaez enlevée au Mali, le cardinal Becciu qui a été délié du secret pontifical a déclaré qu'il se sentait «encore lié par le secret» et qu'il «n'avait pas besoin d'entrer dans les détails».

Il a seulement révélé qu'à cette occasion «une fuite d'informations qui a été déjouée seulement à la dernière seconde, aurait mis en danger l'image du Saint-Siège et la sécurité des missionnaires engagés dans des territoires difficiles». «Seulement pour cette raison», dans l'affaire concernant Cecilia Marogna il a été décidé «de ne pas en parler, même avec la gendarmerie». Toujours à propos d'elle, le cardinal s'est dit «irrité» d'apprendre que «l'on avait commencé à dépenser de l'argent sur cette somme destinée à des fins très précises». «Je me suis promis de clarifier immédiatement la question avec elle. Ce que j'ai fait, et elle m'a totalement assuré que ce n'était pas vrai. Je n'ai pas manqué de lui dire que si elle avait puisé dans cet argent non pour les opérations convenues, elle devait absolument le remettre».

L’interrogatoire de Marco Simeon

Marco Simeon fut ensuite le premier témoin à comparaître. Il s'agit d'une personne qui entretient des relations avec le Saint-Siège, entre fondations et nominations, depuis 2000. Résidant à Rio de Janeiro depuis de nombreuses années, il a été interrogé sur son rôle dans le projet d'achat à Londres de l'immeuble de la Sloane Avenue, d'une valeur de 315 à 330 millions, présenté par le prestigieux groupe américain Bizzi & Partners. 

Le promoteur adjoint de la justice, Roberto Zannotti, a interrogé Marco Simeon sur la genèse du projet et l'implication de l’ancien préfet du dicastère pour les Causes des saints qui s'est toujours tenu à l'écart des négociations, a déclaré le témoin, expliquant qu'Innocenzi aurait souhaité se rapprocher du cardinal, pour lui présenter la proposition de Bizzi & Partners. Marco Simeon, qui avait rencontré le cardinal Becciu en 2018, et qui a toujours entretenu des «relations cordiales» avec lui, lui en a parlé. Le cardinal a dit avoir reçu une indication de ses supérieurs, qu'il y avait une volonté d'évaluer la vente mais «en suivant les voies ordinaires» et à travers les «organes compétents». Dans ce cas précis, le père Juan Antonio Guerrero, préfet du secrétariat à l'Économie pour la partie opérationnelle, et le Secrétaire d'État, le cardinal Pietro Parolin, représentant le Secrétairerie d'État, propriétaire du bien. La proposition n'a pas été adoptée, après que Guerrero, ait souligné certains problèmes critiques. 

Andrea Pozzi, ancien vice-président de la Fondation Enasarco, a également été entendu au cours de l'audience. Appelé par l'accusation au sujet de certains investissements du fonds Athena dont on peut remonter jusqu'à Raffaele Mincione, son interrogatoire s'est terminé en quelques minutes, après qu'il ait été souligné que les faits n'étaient pas inhérents aux accusations. 

La prochaine audience aura lieu le 19 octobre. L'archevêque de Fermo, Mgr Rocco Pennacchio, et trois gendarmes seront entendus. 

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15 octobre 2022, 14:42