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Salle où se tiennent les audiences du procès - Cité du Vatican, le 20 mai 2022 Salle où se tiennent les audiences du procès - Cité du Vatican, le 20 mai 2022 

«Tirabassi savait que le Vatican perdrait le contrôle de Sloane Avenue»

C'est ce qu'a déclaré l'avocat Nicola Squillace lors de la 24e audience du procès pour des délits présumés liés à des fonds provenant du Saint-Siège, qui s’est déroulée vendredi 8 juillet au Vatican.

Alessandro Di Bussolo - Cité du Vatican

Lors de la réunion qui s'est tenue à Londres du 20 au 22 novembre 2018, au cours de laquelle le Saint-Siège est sorti du fonds Athena de Raffaele Mincione pour entrer dans la société Gutt avec Gianluigi Torzi, les deux représentants de la Secrétairerie d'État Fabrizio Tirabassi et Enrico Crasso «étaient bien conscients de la différence entre les actions avec et sans droit de vote. Et en réponse à ma question, Tirabassi a dit, le soir du 21 novembre, qu'ils laissaient les actions avec droit de vote à Torzi, parce qu'ils faisaient de même dans d'autres situations similaires».

Tel fut le passage le plus important de l'interrogatoire de l'avocat Nicola Squillace, accusé d'escroquerie, de détournement de fonds, de blanchiment d'argent et d'auto-blanchiment dans le procès pour délits présumés sur les fonds de la Secrétairerie d'État, dont la 24e audience s’est tenue ce 8 juillet au Vatican. De 9h45 à 16h30, l'avocat qui a assisté le financier Torzi et la société Gutt, mais aussi la Secrétairerie d'État, dans les négociations avec le courtier Mincione et au moment de l'entrée du Saint-Siège dans la société Gutt, a répondu aux questions du promoteur de justice Alessandro Diddi. Et plus tard aussi à ceux des avocats des parties civiles IOR et de la Secrétairerie d'État. Il devra encore être entendu par les avocats des neuf autres prévenus, le 15 juillet prochain.


Des versions différentes

La version de Squillace concernant le Share Purchase Agreement (SPA) qui laissait à Torzi 1 000 actions avec droit de vote de la société Gutt – celle qui a contrôlé le bâtiment de Sloane Avenue pendant six mois, laissant à la Secrétairerie d'État 30 000 actions sans droit de vote - est complètement différente de celle donnée la veille par Tirabassi et il y a 15 jours par Crasso. Tant l'ancien fonctionnaire du Bureau administratif du Secrétariat d'État que le consultant externe pour les finances ont en effet déclaré dans la salle d'audience qu'ils n'avaient pas compris que l'accord prévoyait de laisser à Torzi les seules actions avec droit de vote, lui donnant ainsi le contrôle total du bâtiment. Et qu'ils avaient ainsi conseillé à Mgr Alberto Perlasca, chef du bureau administratif de la Secrétairerie d'État, qui était partie civile dans le procès, de signer le SPA. Tirabassi avait également affirmé lors de l’audience de jeudi 7 juillet qu'il avait été «escroqué» par Torzi.

Des honoraires de 350 000 £, «jamais payés» 

L'avocat a commencé l'audience de ce vendredi par une longue déclaration spontanée, dans laquelle il a voulu préciser tout le travail que lui et son cabinet d'avocats avaient accompli pour Gutt et aussi pour la Secrétairerie d'État, qui l'avait désigné pour protéger ses intérêts à partir du  21 novembre. Il a également justifié les 350 000 £ d'honoraires demandés par son cabinet Libonati-Jeager à la Secrétairerie d'État et à la société 60 sa, propriétaire du bien mais contrôlée d'abord par le fonds Athena et ensuite par Gutt. «Des honoraires qui, bien que la Secrétaireire d'État ne nous ait jamais contesté, n'a pas été payée depuis», a-t-il expliqué. Dans sa déclaration, Squillace a dit avoir rédigé huit projets de l'accord-cadre, le contrat de cession de l'immeuble du fonds Athena à Gutt, au cours des 40 heures de négociations entre le 20 et le 22 novembre 2018, alors que pourtant, le prix de la sortie de Mincione de l'affaire Sloane Avenue avait déjà été estimé avec Torzi à 40 millions de livres, avant l'arrivée des représentants de la Secrétairerie d'État.

Le deuxième projet incluait déjà le Vatican en tant que partie «fournissant l'argent». Mais, comme l’a rappelé Squillace, ils ne voulaient pas qu'il s'agisse d'un accord de vente et d'achat, mais plutôt d'un mémorandum moins exigeant. Dans une autre pièce, pendant ce temps, on discutait du SPA, qui devait servir à façonner Gutt, une «boîte vide acquise par Torzi pour d'autres affaires qui n'ont pas été lancées». Torzi «voulait en faire un fonds d'investissement et le Vatican ne voulait pas», a-t-il précisé.

Négociations

En outre, a souligné l'avocat, «tout le monde savait que le bien était grevé d'une dette, le prêt de ‘Cein capital’». Dans les tâches suivantes de Squillace, il y eut en effet la recherche d’un prêt moins cher, en termes d'intérêts, que celui qui était en place.  Tard dans la soirée du 21, se souvient-il, «Tirabassi m'a dit que l’on pouvait fermer, car il s'agissait d'un accord amical entre la Secrétairerie d'État et Torzi. J'avais l'impression que Tirabassi informait toujours son supérieur Perlasca». «Tirabassi m'a dit que le contrat du SPA arriverait avec la vente de 30.000 actions de la société Gutt à la Secrétairerie d'État. Et la demande d'augmenter le capital de Gutt à 50 millions de livres». 

Le 22 au matin, chez Torzi, se trouvaient Tirabassi, Crasso et l'avocat de Torzi, Intendente. «En raison d'une clause du contrat qui prévoyait des engagements pour la Secrétairerie d'État, a poursuivi Squillace, Perlasca a téléphoné pour dire qu'il n'était pas d'accord sur une chose.  Je l'ai modifiée et lui ai dit qu'on ne pouvait pas faire plus». Et pourtant, il était convaincu que «le cabinet d'avocats Baker & McKenzie, qui assistait souvent la Secrétairerie d'État, examinerait le contrat avant de le signer».

Prochaines audiences les 14 et 15 juillet

Les dernières audiences de ce procès, avant une pause estivale, auront lieu le jeudi 14 juillet, à partir de 14 heures, et le vendredi 15, toute la journée. Elles permettront conclure l'interrogatoire de Tirabassi puis celui de Squillace. Le calendrier de la reprise de septembre, communiqué par le président Pignatone, prévoit des audiences pour l'audition des témoins cités par l'accusation et par les parties, le 28 à partir de 14 heures, le 29 et le 30 à partir de 9h30. En octobre, le 12 à partir de 14h00, puis les 13, 14, 19, 21, 27 et 28, à chaque fois à partir de 9h30.

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09 juillet 2022, 11:52