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 Alice Rohrwacher et le préfet du Dicastère pour la Communication, Paolo Ruffini, lors de la remise du prix Robert-Bresson à la Mostra de Venise, le 6 septembre 2021. Alice Rohrwacher et le préfet du Dicastère pour la Communication, Paolo Ruffini, lors de la remise du prix Robert-Bresson à la Mostra de Venise, le 6 septembre 2021. 

Mostra de Venise: le prix Robert-Bresson remis à Alice Rohrwacher

La réalisatrice italienne a été récompensée par le Dicastère pour la Communication, le Conseil pontifical pour la Culture et l’Ente dello Spettacolo (un organisme de la conférence épiscopale italienne).

Vatican News

Créé en l’an 2000 à l’initiative des Conseils pontificaux pour la Culture et pour les Communications sociales, ce prix qui porte le nom du réalisateur français Robert Bresson (1901-1999) récompense des films selon des critères de compatibilité avec l’Évangile, sans forcément qu’ils ne traitent de thèmes directement confessionnels. Dans une dynamique comparable à celle du Jury œcuménique au Festival de Cannes, le prix Robert-Bresson à la Mostra de Venise a donc récompensé au fil des ans des personnalités d’horizon très varié, comme le Grec Theo Angeloupoulos, le Britannique Ken Loarch ou encore l’Allemand Wim Wenders.

Cette année, l’Italienne Alice Rohrwacher, 39 ans, est devenue la plus jeune récipiendaire de l’histoire de ce prix. Lauréate du Grand Prix du festival de Cannes en 2014 pour Les Merveilles et du prix du scénario en 2018 pour Heureux comme Lazzaro, elle est connue pour mettre en scène le monde rural italien, avec une sensibilité écologique que les membres du jury ont relié à l’encyclique du Pape François Laudato si’.

«Nous récompensons Alice Rohrwacher pour l'extraordinaire et douce puissance de ses films, pour son attention au mystère et au sens de la vie et de la mort, pour sa capacité à nous donner une autre façon, inquiète mais pas fataliste, de voir les gens et les choses; de s'étonner et de s'émerveiller. Car l'étonnement, répète souvent le Pape François, "est une vertu humaine qui ne se trouve plus sur le marché"», a expliqué, Paolo Ruffini, préfet du Dicastère pour la communication du Saint-Siège, lors de la remise du prix.

Interrogée par Alessandro di Bussolo, envoyé spécial à Venise pour la section italienne de Radio Vatican-Vatican News, la réalisatrice italienne confie le sens qu'elle donne ce prix.

Alice Rohrwacher, quel effet cela fait-il de recevoir un prix aussi prestigieux, et d'être la plus jeune à le recevoir jusqu'à présent?

C'est bien sûr un grand honneur, pour la signification de ce prix, et pour l'admiration que j'ai aussi pour le nom de ce prix, dédié à Bresson, et pour sa signification spirituelle. Mon souhait pour l'avenir est qu'il soit confié à des réalisateurs encore plus jeunes!

Dans les motivations du prix, il est fait mention de votre référence constante au monde rural, réinterprété dans une tonalité moderne. Qu'est-ce qui vous fascine dans la vie rurale ?

Comme un arbre, je pense que la vie rurale est nos racines, nous venons de là. J'ai le sentiment que notre passé a été liquidé, d'une certaine manière, de façon très hâtive et aussi incorrecte. C'était une transition très violente qui a eu d'énormes conséquences sociales et culturelles. La fin du monde paysan n'est pas seulement la fin d'un travail, c'est la fin d'une culture, d'une appartenance, d'une communauté qui d'une certaine manière a marqué notre identité, et donc je pense qu'il est important de confronter ces identités.

Dans les motivations, on lit aussi que vous utilisez un espace, celui du monde paysan, qui n'existe presque plus, réinterprété dans un temps qui n'existe pas encore. Que reste-t-il de l'ancien monde paysan dans la vie numérique d'aujourd'hui?

Je dirais tout d'abord que nous sommes ce que nous mangeons, et donc que le fait même que nous soyons en vie est dû à un bon ou mauvais travail agricole. Ensuite, il y a l'agriculture industrielle, qui est probablement l'une des principales causes de la destruction de notre planète à l'heure actuelle. Mais nous devons réfléchir : tout comme nous réfléchissons à ce qui nous influence spirituellement, nous devons aussi réfléchir au chemin qu'a pris ce qui nous nourrit. L'âme et le corps vont de pair.

Le monde paysan était très profondément religieux, et vous avez souvent enquêté sur la vie religieuse des communautés, comme dans "Corpo Celeste". Quelle est votre relation avec la foi et la pratique religieuse?

Comme nous le voyons dans "Lazzaro felice" (Heureux comme Lazzaro), le monde paysan avait, je dirais, deux religions : une religion profonde, dans laquelle Lazzaro est un saint, parce que l'apparence de la bonté est reconnue par tous et célébrée par tous; et puis malheureusement il était aussi la victime d'une autre religion, qui exerçait son pouvoir pour maintenir des liens de soumission. Réfléchir à ce double monde religieux qui animait le monde paysan était donc important pour moi.

Ma relation avec la religion est fondamentale. Je n'appartiens à aucune religion, mais je suis une personne de foi, de confiance au sens étymologique du terme. Je crois et donc pour moi, malgré ma liberté, car "religio" signifie encore être lié. Malgré le fait que je ne suis liée à aucune religion, je suis attentive au monde spirituel et à la façon dont la spiritualité est cultivée au sein d'un peuple. En tant qu'Italienne, je suis également très intéressée par la manière dont est cultivée la spiritualité catholique, qui est la religion la plus importante qui a marqué notre culture. Je suis donc une croyante "laïque".

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06 septembre 2021, 17:49