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Première phase de test d'un vaccin à Soweto en Afrique du Sud, le 24 juin 2020. Première phase de test d'un vaccin à Soweto en Afrique du Sud, le 24 juin 2020.  

La riposte à la pandémie dans un monde d'inégalités

Dans une tribune intitulée "Répondre à la pandémie dans un monde d'inégalités - La voie à suivre pour le vaccin", publiée ce samedi dans l'Osservatore Romano, le secrétaire général de Caritas Internationalis, Aloysius John, plaide pour ne laisser personne de côté dans la course à la vaccination. «Les vaccins constituent un droit humain fondamental» rappelle-t-il.

L'Osservatore Romano

La Covid-19 a transformé nos sociétés, en bouleversant les économies, les communautés, les familles et les individus. Un vaccin apparaît maintenant à l'horizon, mais sommes-nous prêts à en faire un usage équitable ?

La pandémie a montré que l'humanité tout entière est interconnectée et que tout ce qui se passe en un endroit affecte l'humanité tout entière. Le Nord et le Sud ne peuvent plus être considérés comme des réalités distinctes. En outre, la pandémie actuelle n'est pas seulement une question de santé, mais un phénomène politique, social, économique, culturel et mondial complexe.  

Dans ce contexte, le vaccin n'est pas une option, mais l'un des principaux outils pour sortir de cette pandémie. Le débat sur les vaccinations doit donc être holistique, axé sur les personnes et fondé sur le multilatéralisme et la volonté politique de promouvoir un accès sans restriction aux vaccinations.

Adopter la logique d'un ''vaccin pour les gens'' permettra d'échapper à la tentation naturelle de tirer profit des vaccins. À une époque où l'humanité tout entière a été prise par la surprise et la panique, des milliards de dollars ont été investis par les entreprises pharmaceutiques afin de trouver une solution rapide à la pandémie et de revenir à la normale. Mais le financement public de la recherche, accordé sans aucune condition, a fait que les pays investisseurs ne demandent des vaccins que pour leurs propres populations nationales. Un mécanisme mondial de régulation est nécessaire à ce stade, mais le multilatéralisme a cédé la place au nationalisme et aux intérêts nationaux, reléguant la solidarité mondiale au second plan. 

L'accès au vaccin est un problème moral et mondial qui ne peut être résolu par des solutions nationalistes. A fortiori dans un contexte d'interconnexion mondiale, l'exclusion des pays les plus pauvres de l'accès aux vaccins sapera des décennies de progrès économique et constituera également un risque pour les économies avancées. Si nous faisons une distinction entre le Nord et le Sud sans tenir compte des pays où réside la majorité de la population mondiale, une telle décision reviendra comme un boomerang sur les nations les plus riches, car l'économie mondiale ne peut être relancée et nos sociétés reconstruites si le manque d'accès aux vaccinations condamne certains pays à l'isolement en tant que vecteurs potentiels de transmission de Covid-19.

Personne ne doit être laissé pour compte. Les vaccins sont un droit humain fondamental et devraient être accessibles à tous, comme l'a déclaré à plusieurs reprises le Pape François. On estime pourtant que les gouvernements des pays où vit seulement un sixième de la population mondiale ont déjà réservé plus de la moitié des vaccins pour leur propre population nationale.

Les dirigeants de ces Nations sont désormais confrontés à deux options: ils peuvent regarder uniquement à l'intérieur de leurs propres frontières et donner la priorité aux intérêts financiers des entreprises pharmaceutiques, ou ils peuvent renoncer au ''nationalisme vaccinal'' et chercher des solutions innovantes qui profitent aux plus vulnérables du monde.

Cette urgence mondiale ne peut être traitée que s'il existe une volonté politique de rendre le vaccin contre la Covid-19 disponible aux quatre coins du monde et à des prix abordables. Il est temps de donner la priorité à la vie sur les brevets en suspendant les droits de propriété intellectuelle sur la production de vaccins.

Dans les pays du Sud, atteindre l'immunité de groupe sera un défi majeur, surtout en raison du manque de ressources pour traiter le volume de vaccins requis. Cela est dû à un manque d'installations, d'infrastructures et de personnel qualifié. Dans de nombreux pays, les gens souffrent de malnutrition et de mauvaises conditions sanitaires, et leur état de santé risque de se détériorer à cause de la vaccination. Un suivi attentif des personnes vaccinées sera donc nécessaire. 

Dans les pays les plus pauvres, le stockage et le transport des vaccins constitueront également un problème logistique majeur nécessitant des investissements importants. Les dispensaires des villages ruraux ont peu accès à l'électricité et manquent de réfrigérateurs et d'expertise sur les effets secondaires possibles du vaccin.

Il faut ensuite sensibiliser systématiquement les communautés afin de motiver les gens à se rendre dans les centres de vaccination. À cette fin, la sensibilisation à l'importance du vaccin devrait être intégrée dans les projets de développement. Il sera également essentiel d'impliquer les commissions nationales de santé des conférences épiscopales catholiques et les organisations Caritas locales, afin qu'elles puissent exercer une pression appropriée sur les gouvernements locaux et mettre à disposition des dispensaires de l'Église pour le processus de vaccination. 

Dans les pays en développement, le Covid-19 représente également aujourd'hui une occasion unique de renforcer durablement l'ensemble du système de santé.

La recherche menée doit être considérée comme un bien commun et doit bénéficier à chaque être humain. Il est donc essentiel que les gouvernements occidentaux posent des conditions au financement public accordé aux entreprises pharmaceutiques pour la recherche afin de garantir que le vaccin Covid-19 soit un bien public mondial. 

Il est également urgent de mettre en place une coordination supranationale, qui doit impliquer les Nations unies au niveau du Conseil de sécurité afin de créer un organisme international indépendant et de promouvoir une conférence internationale sur les vaccins Covid-19 à laquelle participeront les acteurs du Sud et les organisations de la société civile.

Parallèlement à ce qui a déjà été dit, le travail de plaidoyer pour l'annulation et la reconversion de la dette des pays les moins avancés doit se poursuivre, car sans investissements, la pandémie finira par se transformer en une crise prolongée, difficile à contrôler.  

Enfin, les groupes de population les plus exposés, tels que les migrants et les réfugiés, ne doivent pas être oubliés et constituent une priorité pour Caritas. Ces personnes sont très vulnérables, surtout dans les zones de conflit, et ne doivent absolument pas être exclues du processus de vaccination. 

Aloysius John

Secrétaire-général de Caritas Internationalis

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23 janvier 2021, 14:56