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Prédication de l'Avent par le cardinal Cantalamessa en salle Paul VI, le 04 décembre 2020 Prédication de l'Avent par le cardinal Cantalamessa en salle Paul VI, le 04 décembre 2020 

Prédication de l’Avent: dans la vie présente, garder foi en l’éternité

Le cardinal Raniero Cantalamessa a prononcé ce vendredi 11 décembre sa deuxième prédication de l’Avent, proposant devant le Saint-Père et la Curie romaine une réflexion sur la vie éternelle, qui n’est pas seulement «promesse» mais «présence et expérience». Elle permet de traverser les tribulations du temps présent sans se laisser accabler. Encore faut-il y croire fermement, ce que ne favorisent pas la mentalité et les courants de pensée actuels.

Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican

«Nous vous annonçons la vie éternelle», affirme saint Jean dans sa première épitre (1 Jn 1,2). Mais deux millénaires plus tard, quel crédit y accordons-nous? Si ce n’est à cause de ce qui habite notre cœur, c’est au moins par la force des évènements que la notion d’éternité a effleuré notre esprit ces derniers mois.

Raviver sa foi en ce qui ne passe pas

Cette «vérité éternelle» que la pandémie «a ramenée à la surface est la précarité et le caractère transitoire de toutes choses», a expliqué le cardinal Cantalamessa. «Tout passe: la richesse, la santé, la beauté, la force physique... C'est quelque chose que nous avons sous les yeux en permanence».

Ainsi, la crise actuelle a au moins un mérite, celui de nous faire «redécouvrir avec soulagement qu'il existe - malgré tout - un point fixe, un terrain solide, ou plutôt un rocher, sur lequel fonder notre existence terrestre». Autrement dit, «nous devons redécouvrir la foi en un au-delà de la vie», en ce qui ne passe pas, en «l’éternité».

Pour les chrétiens, a rappelé le prédicateur de la Maison pontificale, «la foi en la vie éternelle ne repose pas sur des arguments philosophiques discutables sur l'immortalité de l'âme. Elle se fonde sur un fait précis, la résurrection du Christ, et sur sa promesse». L’éternité est une personne.

Attention à la frénésie du bien-être

Cependant, cette vérité chrétienne a grandement perdu du terrain dans les consciences au cours du 20e siècle et jusqu’à nos jours. Le cardinal Cantalamessa a développé son analyse en revenant sur le «phénomène complexe et ambivalent» de sécularisation, ainsi que sur les effets de la laïcité envisagée comme «temporalisme, réduction du réel à la seule dimension terrestre». Ces phénomènes ont conduit à «l’élimination radicale de l’horizon de l’éternité», non sans conséquences sur la foi des croyants. Celle-ci est devenue «timide et réticente» lorsqu’il s’agit de penser ou d’évoquer «la résurrection des morts et la vie du monde à venir», pourtant affirmées dans le Credo. L’impact atteint plus largement notre manière de vivre: «le désir naturel de vivre toujours, déformé, devient désir, ou frénésie, de vivre bien, c'est-à-dire agréablement, même aux dépens des autres si nécessaire», a alerté le prêtre capucin.

Une force pour l’évangélisation et la sanctification

La foi en la vie éternelle déborde de notre personne. Elle «est l’une des conditions pour pouvoir évangéliser», a poursuivi le cardinal Cantalamessa. «L’annonce de la vie éternelle constitue la force et le «mordant» de la prédication chrétienne». «En annonçant la vie éternelle, nous pouvons faire valoir non seulement notre foi, mais aussi sa correspondance avec le désir le plus profond du cœur humain». Nous sommes en effet des «êtres finis capables d'infini», a fait remarquer le religieux. Cette capacité, ce désir, ne nous détachent pas des réalités présentes. «Ce ne sont pas ceux qui désirent l'éternité, expliquait le penseur Miguel de Unamuno, qui méprisent le monde et la vie ici-bas, mais au contraire, ceux qui ne la désirent pas».

La foi en l’éternité donne ainsi «un nouvel élan à notre chemin de sanctification». En effet, ne plus croire à l’éternité, c’est voir s’amoindrir sa «capacité à faire face avec courage aux souffrances et aux épreuves de la vie». «Nous devons redécouvrir une partie de la foi de saint Bernard et de saint Ignace de Loyola. Dans chaque situation et devant tout obstacle, ils se disaient: "Quid hoc ad aeternitatem", c'est-à-dire “qu’est-ce, face à l'éternité ?”», a rapporté le prédicateur.

Les paroles de saint Paul sont elles aussi un appui précieux pour garder la juste perspective: «Car notre détresse du moment présent est légère par rapport au poids vraiment incomparable de gloire éternelle qu'elle produit pour nous. Et notre regard ne s'attache pas à ce qui se voit, mais à ce qui ne se voit pas ; ce qui se voit est provisoire, mais ce qui ne se voit pas est éternel» (2 Co 4, 17-18). Ou encore: «J'estime, en effet, qu'il n'y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire qui va être révélée pour nous» (Rm 8, 18).

Quand «l’éternité a fait irruption dans le temps»

Cet horizon de la vie éternelle n’a rien de l’entrée dans un lieu d’une monotonie sans fin. «Demandons aux vrais amoureux s’ils s’ennuient au sommet de leur amour, et s’ils ne voudraient pas au contraire que cet instant dure éternellement», a lancé le cardinal italien.

Mais l’éternité n’est pas seulement devant nous. On peut déjà la toucher dans le présent.

«Pour le croyant, l’éternité n’est pas seulement une promesse et une espérance (…). C’est aussi une présence et une expérience», a souligné le prêtre capucin. «Avec le Christ, le Verbe incarné, l’éternité a fait irruption dans le temps. Nous en faisons l’expérience chaque fois que nous faisons un véritable acte de foi en Christ», que nous recevons la communion ou que nous écoutons l’Évangile. «Cette présence de l’éternité dans le temps s’appelle l’Esprit Saint». Le Christ, écrit saint Augustin, «a promis la vie éternelle dont l’Esprit qu’il nous a donné est l’acompte».

Gratitude et courage dans l’épreuve

La vie éternelle représente tout un chemin, une préparation en vue d’une nouvelle naissance, tout comme l’enfant se développe dans le sein de sa mère. «L’Église devrait être cette petite fille qui aide les hommes à prendre conscience de leur désir non avoué et parfois même tourné en dérision», a estimé le cardinal Cantalamessa, qui a aussi souhaité «démentir l’accusation à l’origine du soupçon moderne contre l’idée de la vie éternelle, selon lequel l’attente de l’éternité détourne de l’engagement envers la terre et du soin de la création». Et le prédicateur de conter l’histoire de saint François d’Assise qui, perclus de douleur sur son lit de mort, et après avoir dialogué en esprit avec son Créateur, trouve en son cœur un étonnant surplus de force pour chanter un cantique des Créatures désormais bien connu. «La pensée de la vie éternelle ne lui avait pas inspiré le mépris de ce monde et des créatures, mais un enthousiasme et une gratitude encore plus grands à leur égard, et avait rendu la douleur actuelle plus supportable».

Cette foi ravivée en l’éternité ne nous épargnera pas les difficultés inhérentes à l’épreuve de la pandémie, a conclu le cardinal Cantalamessa, «mais elle devrait au moins nous aider, nous les croyants, à ne pas nous laisser submerger (…) et à pouvoir insuffler courage et espérance même à ceux qui n’ont pas le confort de la foi». 

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11 décembre 2020, 11:19