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Andrea Riccardi, fondateur de la Communauté de Sant’Egidio Andrea Riccardi, fondateur de la Communauté de Sant’Egidio 

Andrea Riccardi: «Il ne peut y avoir de fraternité entre les hommes s’il y a la guerre»

L'encyclique du Pape François “Fratelli tutti” propose, dans le septième chapitre, une réflexion sur le thème de la guerre, «menace constante». Andrea Riccardi, fondateur de la Communauté de Sant’Egidio établit un lien étroit entre la fraternité et la paix dans le monde.

Entretien réalisé par Hélène Destombes - Cité du Vatican

Andrea Riccardi faisait partie des intervenants qui ont proposé, ce dimanche 4 octobre 2020, une lecture sous différents angles de l’encyclique sur la fraternité humaine signée la veille par le Pape à Assise, ville de saint François. Le fondateur de la Communauté de Sant’Egidio pointe les conséquences dramatiques des guerres et les risques d’une «accoutumance collective aux logiques de conflit». Mettant en garde contre le nationalisme et le populisme, il voit dans ce texte du Saint-Père, une invitation à une conversion, à un changement de paradigme, à travers la fraternité.

Engagé dans la résolution de nombreux conflits depuis des décennies, Andrea Riccardi entraperçoit à la lecture de cette encyclique «l’espoir d’une paix possible». Elle ne peut se construire qu’à travers le dialogue et la rencontre que le Saint-père appelle de ses vœux. Le fondateur de la Communauté de Sant’Egidio relève que les institutions internationales «dans une situation de crise» ont un rôle fondamental à jouer dans la construction d’un monde plus fraternel. «Personne ne peut se sauver seul», observe t-il, rappelant que le Pape François exhorte, «face au vide de la globalisation» à promouvoir une culture du “vivre ensemble”, en poursuivant un idéal de paix.

Entretien avec Andrea Riccardi

Je pense que le Pape a allumé la lumière de la paix alors que, selon moi, la paix est l’idéal oublié. Elle semble impossible, confinée dans le monde de l’utopie ou du royaume des Cieux. Je crois que la paix reste aujourd’hui un idéal pour les chrétiens et pour le monde entier. Le Pape François l’a proposée avec force mais non pas de manière isolée mais dans le cadre d’une recherche de la fraternité. L’aspiration universelle à la fraternité, c’est son idéal. Et il ne peut y avoir de fraternité entre les hommes s’il y a la guerre car la guerre est la mère de toutes les pauvretés.

Dans son encyclique, le Pape François affirme qu’il n’est plus possible de penser à une «guerre juste». Le Saint-Père va encore plus loin sur cette question des conflits ?

Oui, et il y a une croissance de la conscience catholique à ce niveau. Il y a un grand changement que je trouve très important. Depuis la Seconde Guerre mondiale, l’idée de la guerre juste a été démantelée.

 

Le Pape François, dans “Fratelli tutti”, appelle à une nouvelle gouvernance. Il évoque notamment le rôle des institutions internationales. Mais reflètent-elles aujourd’hui cette aspiration à un monde fraternel, quelles sont les pistes pour une réforme en profondeur ?

Je pense que les institutions internationales sont dans une situation de crise. Pensez notamment à l’OTAN et aux Nations unies. Il y a une crise en lien avec la renaissance des nationalismes et du populisme. Il faut redécouvrir ces organisations en tant qu’instrument du bien commun.

Quel est sur cette question l’appel lancé par le Saint-Père dans cette encyclique ?

Personne ne peut se sauver seul, qu’il s’agisse de l’homme, de la femme, des nations, des groupes sociaux et des continents. Ensemble, il faut se sauver ensemble ! Le Pape propose, face au vide de la globalisation, de la mondialisation, une culture de “l’être ensemble”. Il s'agit de vivre ensemble, de résoudre ensemble les problèmes, à travers le dialogue.

Développer une culture de la rencontre, qui nécessite une conversion, à commencer par les leaders politiques et économiques, n’est-ce pas utopique ?

Nous avons besoin d’utopies car nous sommes effondrés par le réalisme, qui provoque en chacun de nous un effondrement.

Cette appel à la conversion du Pape François, dans un monde lacéré par différents maux et en cette période de pandémie, est en quelque sorte une invitation à inverser certaines tendances: privilégier le bien commun, privilégier les intérêts collectifs et non pas personnels, prendre en compte l’autre, celui qui est diffèrent et plus petit ?

Oui, si nous voulons être heureux, nous devons gérer notre vie en tenant compte de “l’autre”. Il faut intégrer “l’autre” dans notre vie, y compris d’autres religions. Il n’y a plus de monde homogène, il y a une réalité complexe dans laquelle nous sommes immergés, à la fois réelle et virtuelle. Il s’agit de notre réalité et c’est pour cette raison que la fraternité est capitale.

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04 octobre 2020, 16:48