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Les hôpitaux des Frères de la Charité ne sont plus des «institutions catholiques»

En Belgique, les hôpitaux des Frères de la Charité avaient accepté en 2017 de pratiquer l’euthanasie dans des cas extrêmes. Plusieurs rencontres avec les responsables de Dicastères romains n’ayant pas permis de trouver un accord, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi communique que les 12 hôpitaux belges gérés par les Frères ne sont plus des «institutions catholiques».

Jean Charles Putzolu – Cité du Vatican

Dans une lettre datée du 30 mars et adressée au Supérieur Général des Frères de la Charité, frère René Stockman, le Cardinal Lui Ladaria, Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, annonce une décision «soufferte» après un long «parcours» de dialogue fait de multiples rencontres entre 2017 et 2019 dont la finalité était de trouver une solution qui n’aurait en rien engagé la responsabilité des Frères de la Charité. Car en Belgique, l’euthanasie est une pratique légale depuis 2002. Mais force est constater que la position adoptée il y a trois ans dans un document de l’association qui gère les centres hospitaliers des frères en Belgique n’a pas évolué. Ce document admet, sous certaines conditions, la pratique de l’euthanasie dans une structure hospitalière catholique. Le texte controversé s’appuie sur trois critères, souligne le cardinal Ladaria : «l’inviolabilité de la vie, l’autonomie du patient et le rapport aux soins», mais ne fait aucune «référence à Dieu, à la Sainte Écriture, ou à la vision chrétienne de l’homme». Dès 2017, rappelle le préfet, la gravité d’une telle prise de position avait été communiquée au Pape François.

De nombreux espaces de dialogue

Au Vatican, la Secrétairerie d’État, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et la Congrégation pour les Instituts de Vie Consacrée et les Sociétés de Vie Apostolique se sont emparées du dossier et ont réuni les représentants des Frères de la Charité, de l’Association du Provincialiat Belge (gérante des hôpitaux), et de la Conférence des évêques afin d’ouvrir un espace de dialogue sur ce thème extrêmement sensible pour trouver une convergence sur la Doctrine catholique en la matière. Le Cardinal Ladaria fait mention de sept rencontres entre le 31 aout 2017 et le 20 juillet 2019, au cours desquelles il a été demandé aux représentants de l’association de mettre par écrit, et sans équivoque, le caractère inacceptable de l’euthanasie et le refus absolu de la pratiquer dans les instituts sous la responsabilité des Frères de la Charité. «Malheureusement, déplore le préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, les réponses n’ont donné aucune assurance».

La perversité de la culture du déchet

Rappelant «l’Évangile de la Vie» du saint Pape Jean Paul II, la lettre du préfet rappelle que l’euthanasie reste un acte inadmissible, même dans des cas extrêmes. Elle constitue «une violation de la Loi de Dieu», et une «mise à mort délibérée». Jean Paul II allait beaucoup plus loin dans sa condamnation de l’acte en s’inquiétant de la «perversion» de cette «fausse pitié», lorsque le geste de l'euthanasie «est accompli par ceux qui, comme la famille, devraient assister leur proche avec patience et avec amour, ou par ceux qui, en raison de leur profession, comme les médecins, devraient précisément soigner le malade même dans les conditions de fin de vie les plus pénibles».

A plusieurs reprises, François a lui aussi rejeté «la culture du déchet» qui tend à attribuer à la vie humaine une valeur basée sur son «efficacité» et son «utilité». Une société ne peut se considérer «civile» que si elle développe des anticorps contre cette échelle de valeurs. Aux membres de la Congrégation pour la Doctrine de la foi le 30 janvier dernier, le Pape soulignait que «l’approche relationnelle — et pas simplement clinique — avec le malade, considérée dans l’unicité et l’intégralité de sa personne, impose le devoir de ne jamais abandonner personne en présence de maux incurables. En raison de sa destination éternelle, la vie humaine conserve toute sa valeur et toute sa dignité en toute situation, y compris de précarité et de fragilité, et en tant que telle, elle est toujours digne de la plus haute considération».

Une douloureuse et inévitable conclusion

La congrégation pour la Doctrine de la Foi motive sa décision autour de quatre points. D’abord, la mise en doute par les Frères de la Charité que la vie doit être «toujours respectée». Ensuite, le fait qu’ils s’appuient sur la législation belge «qui ouvre la possibilité de recourir à l’euthanasie aux malades psychiatriques sans être en phase terminale». En troisième lieu le fait de «laisser au médecin le choix de pratiquer ou non l’euthanasie, excluant de facto le choix de l’hôpital». Et enfin, le maintien de «la possibilité d’accomplir l’acte au sein même de l’hôpital se justifiant d’éviter ainsi à la famille de devoir trouver une alternative».

Quatre points sur lesquels le rapport de Mgr Jan Hendriks, en qualité de visiteur apostolique envoyé par le Saint Siège, n’a enregistré aucune avancée significative.

Par conséquent, conclut «avec une profonde tristesse» le cardinal Luis Ladaria, «constatant l’absence de volonté d’accepter la Doctrine catholique en matière d’euthanasie», «les hôpitaux psychiatriques gérés par l’association Provincialiat des frères de la Charité ASBL en Belgique ne pourront plus, à partir de maintenant, être qualifiés d’institutions catholiques».

Les structures non hospitalières, autrement dit les cinquante écoles et les quinze centres orthopédagogiques sous la responsabilité des frères en Belgique, ne sont pas concernées par la décision de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi.

Les Frères de la Charité se sépareront des hôpitaux

La lettre du cardinal Ladaria a été remise ce jeudi 7 mai au président des évêques de Belgique par le nonce apostolique, fait savoir la conférence épiscopale qui dans un communiqué reconnait une situation «extrêmement complexe». Les évêques appellent à la poursuite du dialogue et assurent qu’ils resteront engagés «en faveur de l’unité et de la communion au sein de la communauté ecclésiale».

Le supérieur Général des Frères de la Charité n’est pas très optimiste quant à une éventuelle poursuite du dialogue. «Ça fait trois ans que l’on discute et on a fait notre possible», dit frère René Stockman qualifiant de «douloureuse» la décision de la congrégation pour la Doctrine de la Foi. Les frères, tient-il à rappeler, ont été les premiers en Belgique, dès 1815 à s’occuper des malades psychiatriques. Mais il réitère que la pratique de l'euthanasie n’est pas conciliable avec le charisme de la charité. «La Congrégation, dit-il, devra se séparer de ses hôpitaux psychiatrique en Belgique». Cette séparation comportera certains volets délicats: les hôpitaux en question utilisent des propriétés appartenant aux frères de la Charité et un accord devra être trouvé avec l’association qui gère les centres hospitaliers. Le Supérieur Général souhaite couper tous les liens avec ces structures qui «ne peuvent plus être associés, cela doit être très clair, dit-il, aux Frères de la Charité».

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07 mai 2020, 17:53