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Les portraits des saints lors de la messe de canonisation du 13 octobre dernier, sur la Place Saint-Pierre. Les portraits des saints lors de la messe de canonisation du 13 octobre dernier, sur la Place Saint-Pierre. 

La sainteté: dans les coulisses de la Congrégation pour les Causes des saints

Comment un simple croyant devient un saint officiel de l’Église ? À l’occasion de la fête de la Toussaint, nous avons interrogé don Rémi Bazin de la Communauté Saint-Martin. Il sert le Saint-Siège en tant qu’official à la Congrégation pour les Causes des saints. En cinq ans, il a travaillé sur 250 causes en béatification ou canonisation.

Entretien réalisé par Marie Duhamel – Cité du Vatican

Ce vendredi, le Pape a récité la prière de l’Angélus à l’occasion de la fête de la Toussaint. Chaque 1er novembre, l’Église commémore la foule innombrable des saints, connus et inconnus, qui ont vécu en fidélité à l’Évangile, au service de tous.

Comme le rappelle cette fête, tous les baptisés sont appelés à la sainteté, chacun selon les talents que Dieu a déposé en eux, en suivant leur propre chemin. Pour les inspirer, les encourager, les soutenir, les Papes leur proposent des modèles, des saints officiellement reconnus, dont la vie constitua une véritable catéchèse.

Mais comment ces hommes et femmes accèdent-ils au statut officiel de saints ? «Cela commence toujours localement, explique le père Bazin, dans le peuple de Dieu, quand un croyant a laissé un souvenir marquant autour de lui, le témoignage d’une vie lumineuse. Se répand alors une réputation de sainteté».

Leur vie est à ce point marquante qu’une partie des fidèles manifeste le désir de voir celui ou celle qu’ils se sont mis à spontanément vénérer, devenir saint. Conscient de cette demande, l’évêque du diocèse doit «procéder à un discernement et confirmer ce sentiment du Peuple de Dieu», précise l’official du dicastère où l’on "fabrique" les saints.

Une procédure menée avec patience et délicatesse

Une première phase d’instruction commence. La cause est ouverte, un postulateur nommé pour établir la réputation de sainteté. Conformément à ce qu’exigent les Normes vaticanes, des témoignages sont recueillis, des documents sont rassemblés: ce que le candidat a écrit ou ce qui a été publié sur lui. Par décret, l’évêque nomme les membres d’un tribunal, une équipe formée d’un promoteur de justice, d’un théologien ou encore d’un historien.

D’un diocèse à l’autre, les moyens qui peuvent être mis à disposition varient, mais les difficultés lors de l’instruction dépendent des cas, explique le père Bazin. «Pour un missionnaire qui a sillonné tout un pays ou plusieurs pays, cela va nécessiter une enquête et plus de temps. Si c’est un fidèle catéchiste qui a toujours vécu au même endroit, ça va être plus facile, surtout si cette personne n’a pas écrit. On va s’appuyer sur des témoignages, cela peut aller assez vite.»

Une fois rassemblés, les actes sont envoyés à Rome sous scellés. Avec d’autres, le père Rémi Bazin réceptionne les caisses, cartons, porte-documents à la Congrégation pour les Causes des saints. Il en vérifie le contenu. Est-ce juridiquement valide ? Les témoignages sont-ils recevables ? Les preuves sont-elles suffisantes et complètes ? Il arrive que des compléments d’enquête soient demandés. Les dossiers repartent ainsi dans les diocèses. Parfois, ils ne reviennent plus à Rome.

Quand les actes sont validés, et «ce n’est jamais la décision d’une personne sinon, in fine, du Pape», le dossier passe à différentes commissions composées d’historiens, de théologiens, et finalement aux cardinaux et évêques nommés membres de la Congrégation pour les Causes des saints par le Pape.

Plusieurs milliers de dossiers en cours d'examen

Actuellement au Vatican, entre 2 000 et 3 000 causes sont ouvertes. Régulièrement, les membres du dicastère sont sollicités, et pas uniquement par les postulateurs. Des personnes leur écrivent, et souligne don Rémi Bazin, «nous répondons à toutes les lettres, en respectant le secret de l’instruction qui garantit la liberté de parole. Nous leur disons où en est le cas, et de continuer à prier, surtout lorsque ne manque que le miracle. Le miracle comme dit le Pape François, c’est le doigt de Dieu qui vient confirmer le jugement de l’Église.»

Avec autant de causes ouvertes, certaines peuvent-elles passer sur le dessus de la pile ?Don Rémi Bazin n’est pas en mesure de confirmer le fait que saint Jean-Paul II ait, ou non, demander une accélération du processus pour Mère Teresa, en revanche il confirme que certaines causes peuvent être privilégiées «dans  des pays où il n’y a pas encore de saint». Une «attention particulière » est ainsi accordée aux causes venant d’Afrique. «C’est important pour que chacun puisse se retrouver dans un modèle de sainteté». Don Rémi Bazin précise que ces dossiers sont jugés selon les mêmes critères que tous les autres. «Il n’y a pas de favoritisme». Il note cependant que les dossiers parvenant à la Congrégation viennent «de plus en plus de pays très différents, et que les états de vie représentés sont de plus en plus diversifiés».

Le prêtre de la Communauté Saint-Martin revient enfin sur l’importance des saints. Pourquoi l’Église propose des saints ? «Pour que chacun puisse se reconnaître et trouver en eux un encouragement pour reprendre ce même chemin de sainteté auquel tous les baptisés sont appelés». Les saints sont à la fois des modèles et des intercesseurs.

«On fait tous parti d’une même famille, avec des frères ainés qui nous précèdent sur le chemin et qui nous encouragent et nous attirent. Plus il y a de modèles, plus on peut s’identifier à l’un ou l’autre». On prend exemple mais il ne n’agit pas de copier car chacun est unique, poursuit  don Rémi Bazin. Il souligne que le Pape François dans son exhortation apostolique Gaudete et exsultate sur l'appel à la sainteté dans le monde actuel, appelle à s’appuyer sur les saints, à être stimulé par leurs exemples pour chercher à développer «ce que Dieu a déposé en chacun de nous, pour le faire s’épanouir et que grandisse en nous la stature du Christ, la pleine mesure du Christ, c’est-à-dire la charité».

Entretien avec don Rémi Bazin

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01 novembre 2019, 12:59