Sainte Kateri Tekakwiha
Le sang des martyrs
En 1646, le village mohawk d'Ossernenon, près de l'actuelle Auriesville, dans l'État de New York, n'était guère un territoire accueillant pour les missionnaires chrétiens. Le père jésuite Isaac Jogues et le laïc Jean de la Lande y ont été tués cette année-là. Quatre ans auparavant, dans le même village, le père Jogues avait subi des tortures si longues et si brutales qu'il avait été considéré comme un "martyr vivant", et son compagnon, René Goupil, avait également été tué. Trois des huit martyrs nord-américains ont arrosé de leur sang la terre de ce petit village amérindien, et l'on aurait pu croire que l'histoire s'arrêtait là….
Un chrétien mohawk
...Mais dix ans plus tard, en 1656, une fille nait dans ce même village d'une mère Algonquine chrétienne, capturée par les Mohawks et mariée au chef du clan Mohawk. Les parents et le frère de l'enfant moururent d’une épidémie de variole qui laissa son visage marqué et ses yeux endommagés. On l'appelait "Tekakwitha", "celle qui se heurte aux choses", ce qui témoignait de sa mauvaise vue. La jeune fille fut adoptée par son oncle, qui devint chef à son tour.
Tekakwitha apprit les arts traditionnels des femmes de sa tribu : confectionner des vêtements, tresser des paniers, préparer la nourriture et aider aux récoltes. Elle écoutait les prêtres français qui passaient dans son village, mais elle n'osait pas interagir davantage avec eux. Pas avec son oncle et de nombreux membres de son clan si hostiles au christianisme.
À dix-sept ans, les tantes de Tekakwitha la poussent à se marier. Elle refusa, subissant leurs railleries et leurs punitions. À dix-huit ans, elle rencontra un prêtre, le père Jacques de Lamberville, et se sentit enfin assez libre pour dire ce qu'elle avait sur le cœur. Elle demanda le baptême. L'année suivante, Tekakwitha fut baptisée "Kateri", la forme mohawk du nom "Catherine". Dans ce village qui n'accueillait pas les chrétiens, elle était une chrétienne.
Une nouvelle vie
Kateri savait que ce serait difficile. Elle priait, suscitant le mépris. Elle ne voulait pas travailler le dimanche et ne recevait donc aucune nourriture ce jour-là. Elle était traitée un peu mieux qu'une esclave. Bientôt, des villageois l'accusèrent de sorcellerie. Kateri était en danger, et le prêtre lui conseilla de partir à pied pour un voyage de 200 milles vers une mission jésuite et un village chrétien autochtone au sud de Montréal.
Kateri y arriva en 1677. Une femme iroquoise chrétienne, Anastasia, lui apprit à prier, à faire pénitence et à aider les personnes dans le besoin. Kateri embrassa cette nouvelle vie de tout son cœur. Elle priait seule dans les bois, tombant toujours plus amoureuse du Seigneur qui l'avait rachetée, et faisait une pénitence intense - d'un style influencé par les traditions mohawks - demandant au Seigneur d'avoir pitié de son peuple qui ne le connaissait pas encore. Les deux prêtres et les habitants de la mission l’observaient avec une admiration croissante.
"Le lys des Mohawks”
À 23 ans, Kateri prit une décision étonnante pour une jeune fille mohawk, dont le bien-être dépendait du mariage. Elle a dit à l'un des prêtres : "J'ai assez réfléchi. Depuis longtemps, ma décision sur ce que je vais faire est prise. Je me suis consacrée à Jésus, Fils de Marie. Je l'ai choisi comme époux, et lui seul m'aura comme épouse." Avec deux amies, elle aspire à une forme de vie religieuse, mais le prêtre leur dit qu'elles sont encore trop jeunes dans la foi. Kateri vécut ainsi sa vie ordinaire en y cachant un grand amour. Elle appartenait à son Seigneur, et en lui, à tous ceux qui étaient dans le besoin.
Au cours de la semaine sainte de 1680, la santé de Kateri se détériore. Elle meurt le mercredi saint. Les personnes présentes racontèrent que son visage était devenu radieux peu après sa mort et que ses cicatrices de variole avaient disparu. Deux amies autochtones et un prêtre, le père Chauchetière, dirent tous qu'elle leur était apparue quelques semaines après sa mort.
Sur la pierre tombale de cette fille spirituelle des martyrs était inscrite cette épitaphe : "Kateri Tekakwitha, Ownkeonweke Katsitsiio Teonsitsianekaron", "La plus belle fleur qui ait jamais fleuri parmi les hommes rouges". En 2012, le "Lys des Mohawks" est devenu la première amérindienne à être déclarée sainte.