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Davi Kopenawi, du peuple Yanomami, en interview avec les médias du Vatican après l'audience avec le Pape François, mercredi 10 avril 2024. Davi Kopenawi, du peuple Yanomami, en interview avec les médias du Vatican après l'audience avec le Pape François, mercredi 10 avril 2024. 

Le chef Yanomami dénonce l’exploitation de l'Amazonie et de ses peuples

Avant la tenue de l’audience générale mercredi 10 avril, le chef du groupe ethnique Yanomami a été reçu au Vatican par le Pape François. Davi Kopenawa a fait part au Souverain pontife de la situation «calamiteuse» des terres assiégées par des activités minières sans scrupules. Il a également exprimé son inquiétude pour l’avenir, car «les prochaines générations auront besoin de la forêt», a-t-il déclaré.

Antonella Palermo - Cité du Vatican

«Je n'ai pas peur de l'homme blanc, mais j'ai tellement peur des machines qui détruisent la terre, abattent les arbres et creusent des fossés dans le sol pour extraire les minéraux. J'ai peur que cette exploitation minière ne ruine nos communautés, nos rivières, notre santé, notre survie et notre richesse même». Tels sont les propos avancés par Davi Kopenawa, représentant des Yanomami du Brésil, au micro des médias du Vatican, après sa rencontre privée avec le Pape François en salle Paul VI au Vatican, dans la matinée du 10 avril.

L'appel à l'aide du Pape pour protéger l'Amazonie

«Je savais qu'il était très important pour moi et pour la cause de mon peuple, d’échanger avec le Pape François. J'ai été très bien reçu, avec respect», raconte le chef yanomami, qui souligne avoir signalé au Saint-Père la situation «calamiteuse» dans laquelle les communautés autochtones d'Amazonie vivent depuis trop longtemps, une situation qui, selon lui, s'est beaucoup aggravée ces derniers temps. «Bien que la protection de ces territoires ait été reconnue au niveau international, ils ont été envahis en permanence parce que les autorités le permettent». Des autorités qui ont été jusqu’à encourager ce phénomène, indique-t-il, confiant ensuite: «J'ai demandé que le Pape intercède auprès du Président de la République du Brésil pour le convaincre de faire reculer les chercheurs d'or et autres exploiteurs».

Frère Zacquini: un cadeau extraordinaire pour vivre avec les Yanomami

L'ethnographe français Bruce Albert, qui a vécu avec eux pendant des décennies, a écrit sur les Yanomami, qui vivent à la frontière entre le Brésil et le Venezuela, dans La chute du ciel (Plon, 2010), un ouvrage dans lequel est détaillée leur authentique façon de comprendre le monde, la vie et les relations humaines, loin de la logique du profit et de la commodité. C'est précisément ce qui a attiré le frère Carlo Zacquini, des Missionnaires de la Consolata, qui a contacté ce groupe dès la fin des années 1960 et ne l'a jamais abandonné depuis. C'est lui qui accompagne le représentant des Yanomami, Davi Kopenawa, lors de ses visites en Italie: «J'aimerais avoir autant de foi qu'eux», confie-t-il. «Pour moi, c'était un cadeau extraordinaire d'être avec eux. Dès le début, j'ai été choqué par la façon dont ils étaient traités. J'étais parti dans un autre but et je suis resté». Leur sagesse, explique-t-il, «peut être un don pour l'Église universelle et pour tous les peuples, car elle est faite de spontanéité, de confiance profonde, de sens de la communauté et de capacité à surmonter les difficultés, qui ne manquent pas».

L'importance d'avoir des dirigeants politiques qui aiment les autochtones

Pour le frère Carlo, bien que l'Église locale ait fait des pas de géant en offrant de nombreuses orientations pour la protection de ce patrimoine de l'humanité, il reste encore beaucoup à faire pour que les souhaits du Pape exprimés dans son exhortation apostolique d'il y a quatre ans, Querida Amazonia, soient mis en pratique. Pour résoudre ces problèmes, estime le chef Yanomami, l'important est de choisir des personnes qui aiment les autochtones et connaissent parfaitement leur réalité.


«Les politiciens locaux et nationaux ne permettent pas de préserver la santé du peuple Yanomami, ce qui est également le cas pour d'autres groupes. Les propriétaires terriens, les commerçants en bois ne permettent pas que nos terres soient respectées». Sa dénonciation porte également sur la Funai (Fondation nationale des [Peuples] Indigènes) elle-même  chargée de veiller au respect de leurs droits, énoncés dans la Constitution brésilienne, et le statut de l'Indien qui, selon lui, «a été démonté à un point tel, qu'il ne peut plus répondre aux besoins pour lesquels il a été créé».

La forêt ne peut pas guérir, mais il est urgent de la faire vivre

Depuis les années 1980 jusqu'à aujourd'hui, Davi Kopenawa, s'est fait le porte-parole à l'international de «la protection des droits des autochtones» et de la préservation de la forêt tropicale au profit de l'humanité. En 1989, il a reçu au nom de tous les peuples autochtones le prestigieux Right Livelihood Award, le prix Nobel alternatif décerné à Survival International, l'association qu'il a également fondée pour promouvoir des projets éducatifs, pour son «engagement acharné, cohérent et constant» en faveur des peuples les plus menacés de la planète.

Il a reçu des menaces de mort de la part de criminels soupçonnés d’être de connivence avec des mineurs illégaux qui envahissent le territoire des Yanomamis. À la question «la forêt peut-elle guérir?» il répond laconiquement «Nonla forêt a déjà été défrichée. Seul Dieu peut la guérir. Les hommes n'y parviendront pas».

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11 avril 2024, 16:47