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Des fidèles ukrainiens lors de la prière de l'Angélus ce dimanche 12 novembre 2023. Des fidèles ukrainiens lors de la prière de l'Angélus ce dimanche 12 novembre 2023.  (VATICAN MEDIA Divisione Foto)

Ukraine: prière du Pape pour la paix, mémoire de saint Josaphat

À l’issue de la prière de l'Angélus, François a salué les pèlerins ukrainiens présents à Rome pour la célébration, à Saint-Pierre, de la Divine Liturgie présidée par l'Archevêque Majeur de Kiev, pour les 400 ans du martyre de saint Josaphat. À cette occasion, le supérieur de l'Ordre basilien fondé par le saint revient sur les enseignements du saint dans un contexte de guerre: «Son témoignage nous exhorte à avoir le courage de dénoncer le péché et de prier pour la conversion de l'ennemi».

Svitlana Dukhovych - Cité du Vatican

«Je prie avec vous pour la paix dans votre pays martyrisé», a lancé le Pape ce dimanche depuis les fenêtres des appartements pontificaux, appelant les fidèles à ne pas oublier l'Ukraine.

Alors que l'Église célèbre le saint ukrainien Josaphat Kuncewycz, le Pape a pris le temps de saluer les pèlerins ukrainiens et les moines basiliens venus de divers pays pour célébrer le quatrième centenaire du martyre de l'évêque de Polotzk, qui a vécut entre le XVIe et le XVIIe siècle, exhortant son troupeau à l'unité catholique avec un zèle constant tout en cultivant le rite byzantino-slave avec dévotion.

Une Divine Liturgie 400 ans après son martyre

Né à Wolodymyr en Volynie, Josaphat Kuncewycz est mort le 12 novembre 1623 et a été canonisé en 1877 en tant que premier représentant d'une Église orientale en communion avec Rome. Sa dépouille repose sous l'autel de saint Basile le Grand dans la basilique Saint-Pierre, où une Divine Liturgie a été présidée ce dimanche, à l'occasion du 400e anniversaire de son martyre, par le chef de l'Église gréco-catholique ukrainienne, l'archevêque majeur Sviatoslav Chevchouk, et concélébrée par l'archevêque métropolitain de Vilnius, Gintaras Grušas, président du Conseil des Conférences épiscopales d'Europe (CCEE).

Dans une interview accordée à Radio Vatican-Vatican News, le père Robert Lisseiko, OSBM, supérieur général de l'Ordre Basilien de Saint Josaphat, explique comment leur fondateur a mis en pratique le concept d'unité, pour lequel il a donné sa vie. Il revient également sur le rôle joué par son Ordre dans la construction du tissu social et religieux de la société ukrainienne, et sur la manière dont les enseignements de saint Josaphat peuvent aider les fidèles ukrainiens à faire face à la tragédie de la guerre aujourd'hui.

Dimanche, en la basilique Saint-Pierre, une divine liturgie est consacrée au 400e anniversaire du martyre de saint Josaphat Kuncewycz, connu sous le nom de "martyr de l'unité". Pouvez-vous nous expliquer pourquoi on le désigne ainsi?

Saint Josaphat est un saint de l'époque où la métropole de Kiev, après l'Union de Brest (1595-1596), est passée de la juridiction du patriarcat de Constantinople à celle du Pape, retrouvant ainsi l'unité avec le Pontife romain de l'Église chrétienne primitive. En tant que moine basile, prêtre puis évêque, saint Josaphat a toujours cherché à amener les personnes qui lui étaient confiées à l'unité - d'abord avec le Christ. Sa figure a parfois été perçue comme celle d'un homme cherchant à convertir les orthodoxes à la foi catholique, mais si nous examinons sa vie, nous constatons que son attitude était tout à fait différente. Tout d'abord, en tant que moine entré au monastère de la Sainte-Trinité à Vilnius, il a recherché l'unité personnelle avec le Christ par la prière personnelle et liturgique et une profonde ascèse. Josaphat est entré dans un monastère en ruines, matérielles et spirituelles, où il n'y avait presque plus personne et où la vie monastique s'était dégradée. Au contraire, par l'exemple qu'il a donné aux autres, il a réussi à attirer de nombreux jeunes à la vie monastique en quelques années. Il a ensuite ramené de nombreuses âmes humaines à l'unité avec le Christ, parce qu'il a été un grand confesseur qui a prêché la parole du Christ, l'Évangile, en appelant à la conversion et à la pénitence. C'est surtout pour cela que Josaphat est un apôtre et un martyr de l'unité, parce que son travail a été vu d'un mauvais œil par ceux dont la conscience avait probablement été touchée par sa parole. Ce sont ceux qui ne voulaient pas entendre la parole de vérité de saint Josaphat ; la colère a été la cause du martyre.

Quel rôle votre Ordre, fondé par le saint, a-t-il joué dans la construction du tissu religieux et social de l'Ukraine au cours de ces 400 ans?

Depuis le début du XXe siècle, notre ordre était le seul ordre monastique de ce que nous appelons aujourd'hui l'Église gréco-catholique ukrainienne. En tant qu'unique ordre monastique renouvelé, fondé par saint Josaphat et le métropolite Josyf Veljamyn Rutskyj, il a été à l'origine du développement de la métropole de Kiev en unité avec le Pape. Au fil des ans, il s'est consacré non seulement à la prédication de l'Évangile, mais aussi à l'éducation des gens: nous avions de nombreuses écoles, des imprimeries (la plus célèbre étant celle de Pochaiv) où l'on imprimait non seulement des livres ecclésiastiques et liturgiques, mais aussi des livres populaires en langue vernaculaire. Cela a contribué à la croissance de la société, car les personnes qui savaient lire pouvaient accéder aux différentes sources de connaissances et devenaient intérieurement plus libres.

Alors que nous célébrons le 400e anniversaire du martyre de saint Josaphat Kuncewycz, l'Ukraine traverse l'une des périodes les plus difficiles de son histoire en raison de la guerre. Quelles leçons pouvons-nous tirer de la vie de ce saint pour faire face à la tragédie actuelle?

Je crois que dans le contexte que nous vivons, la figure de saint Josaphat peut nous enseigner des choses fondamentales, à savoir avoir le courage de dénoncer le péché et essayer de grandir dans la vérité du Christ. Dans le contexte de la guerre, il y a deux extrêmes: l'un consiste à dire que nous devons pardonner à nos ennemis et ne pas défendre le peuple ukrainien, c'est ce que nous pouvons appeler un "faux pacifisme" ; l'autre extrême consiste à se venger, parce que notre ennemi est en train de détruire notre peuple. Au contraire, l'Évangile nous enseigne autre chose: nous devons savoir pardonner à notre ennemi, non pas en cherchant à l'anéantir, mais en travaillant à sa conversion. Le Christ nous dit: "Priez pour vos ennemis, aimez vos ennemis", non pas dans le sens de ne pas s'opposer à la violence qui vient de lui, mais dans le sens de faire tout ce qui dépend de nous pour sa conversion, afin que l'ennemi devienne un frère. C'est ce qu'a fait saint Josaphat en tant que prêtre, en tant qu'évêque. Il a cherché à convertir à la vérité du Christ tous ceux qui étaient éloignés de l'Évangile, et il a réussi à convertir les gens aussi bien pendant sa vie qu'après son martyre: tant de ses adversaires sont devenus de vrais chrétiens uniquement parce qu'ils ont vu l'exemple de saint Josaphat au service du Christ dans la vérité.

Le saint a été tué par une foule en colère qui n'acceptait pas son idée d'unité. Dans ce contexte, que pouvez-vous dire de la tolérance entre les représentants de différentes confessions et religions? Quel devrait être le bon critère pour la défense de son identité, en l'occurrence religieuse ? À quoi faut-il veiller pour ne pas dépasser la limite de l'injustice dans la défense de l'identité?

Je crois que la tolérance dans le contexte évangélique est l'attitude qui consiste à respecter l'opinion d'autrui qui est différente de la nôtre. Nous respectons le fait que chacun a des limites et que pour arriver à la vérité, pour comprendre le message du Christ, il faut du temps. Pour comprendre de nombreuses vérités prêchées par le Christ, il faut du temps ; c'est une croissance continue, une méditation continue de la Parole de Dieu. C'est cela la tolérance: tolérer les limites de différentes personnes, même les nôtres, en sachant que nous voulons grandir. En même temps, nous devons être vrais. Si, dans le dialogue interreligieux, nous pouvons discuter de certains sujets, nous devons toujours le faire pour rechercher la vérité de Dieu, pas seulement pour faire prévaloir une opinion, mais pour trouver ce qui nous aide à vivre dans l'unité, dans l'amour mutuel inclusif, capable aussi de renoncer à certaines choses. Car sans renoncement, il n'est pas possible de parvenir à l'unité chrétienne et à l'amour entre frères d'autres religions. C'est pourquoi être tolérant, c'est toujours rechercher la vérité de Dieu qui nous a créés frères et sœurs.

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12 novembre 2023, 14:11