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Le Pape François en compagnie du jeune camerounais Bentolo, le 22 juillet 2023. Le Pape François en compagnie du jeune camerounais Bentolo, le 22 juillet 2023.   (© Nello Scavo - Avvenire)

Le Pape reçoit un migrant rescapé de la violence et des naufrages

Vendredi 21 juillet au matin, une délégation de l’ONG Mediterranea Saving Humans a été reçue par le Pape François à la Maison Sainte Marthe. Était également présent un jeune réfugié camerounais, prisonnier des geôles libyennes où il apportait du réconfort à ses compagnons mourants, en les faisant prier avec un téléphone portable, récupéré secrètement avec l'aumônier de l'ONG, le père Mattia Ferrari. Pour ce dernier, «Bentolo a réalisé un rêve: celui de rencontrer le Pape».

Salvatore Cernuzio - Cité du Vatican

«Comment est-il possible que la personne la plus importante de la planète veuille me rencontrer, moi qui suis sans-papiers à l'heure actuelle?», a déclaré Bentolo, un jeune camerounais qui, en 2020, s'est retrouvé confronté à un conflit dans son pays. À la croisée des chemins, combattre ou fuir, il choisit la seconde option: ne pas céder à la logique de la haine. Sa fuite, comme celle de milliers de migrants africains, a été marquée par la violence, l'emprisonnement, les naufrages, ainsi que par la douleur de voir ses compagnons succomber sous la torture.

Audience avec l’ONG Mediterranea Saving Humans

Le jeune réfugié camerounais a été reçu en audience privée le 21 juillet à la Maison Sainte-Marthe par le Pape François, accompagné d'une délégation de Mediterranea Saving Humans, l'ONG fondée par Luca Casarini (présent à l'audience), qui a permis à Bentolo de recommencer une nouvelle vie. Une vie différente, une vie meilleure ou simplement une vie. Celle que Sami et les autres réfugiés restés en Libye n'ont pas la chance de vivre aujourd'hui.

Le chemin de croix de Bentolo

Dans le journal de la Conférence épiscopale italienne Avvenire, le journaliste Scavo retrace le chemin de croix de Bentolo en Libye, capturé par des trafiquants et vendu à des gardes de l'État, qui l'ont emmené dans un camp de prisonniers officiel à Zawiyah, sous le contrôle de la milice al-Nasr et de la bande du commandant des garde-côtes Abdurahman al-Milad, puis à Zuara. Dans l'un des centres de détention, le jeune camerounais a trouvé d'autres réfugiés chrétiens subsahariens, dont certains étaient mourants après des mois de torture et de privations.

Près de ses camarades mourants

Depuis la Libye, le jeune homme a réussi à entrer en contact avec des militants des droits de l'homme, grâce à un téléphone portable que les prisonniers avaient caché. Par l'intermédiaire de ces militants, il est entré en contact avec le père Mattia Ferrari, à qui il a demandé «un mot de réconfort pour ces frères qui sont en train de mourir». Le prêtre de Modène a pu prier avec les jeunes prisonniers, accompagnant l'un d'entre eux jusqu'à la mort.

De cette façon, se souvient Bentolo, «est mort Sami, avec le réconfort d'une bénédiction, ce qui lui a donné un peu de sérénité avant de nous quitter».

Toutes les traces de Bentolo ont été ensuite perdues. «Nous craignions qu'il ait été englouti par le système criminel libyen, explique le père Mattia Ferrari, ou qu'il soit mort en mer». Puis un jour, le navire de sauvetage de l'organisation humanitaire allemande Sea Watch est intervenu en Méditerranée centrale, sauvant des dizaines de réfugiés tombés à l'eau depuis une embarcation. Parmi eux se trouvait Bentolo lui-même qui, une fois arrivé en Italie, a tenté de retrouver le père Ferrari. Il est aujourd'hui hébergé dans un centre d'accueil.


«Guéri» par l'étreinte du Pape

De toutes ces blessures, Bentolo s'est cependant dit «guéri» lorsqu'il s'est retrouvé dans les bras du Pape, qui avait été informé ces dernières semaines de la douloureuse histoire du garçon. «J'attendais de vous rencontrer. Votre geste m'a ému», a déclaré le jeune homme au Pape. Et lui tenant la main, il affirma: «Maintenant, je vais appeler mes amis encore emprisonnés en Libye et leur envoyer la bénédiction du Pape».

«Lorsque Bentolo nous a contactés depuis la Libye il y a plus d'un an, je ne pensais pas le revoir un jour», raconte le père Ferrari dans son message sur les réseaux sociaux. Tant de gens m'ont toujours appris que lorsqu'on aime, il faut se battre jusqu'à la fin et que si nous le faisons jusqu'à la fin, des miracles se produisent. Bentolo s'est battu et a finalement réussi à rejoindre l'Europe. Non seulement il est ici, mais aujourd'hui il a vu son rêve de rencontrer le Pape François se réaliser. Cela semblait un rêve impossible et c'est devenu une réalité», ajoute le prêtre italien. 

Le Pape,  à l'écoute

Le Saint-Père, rapporte l'aumônier, a non seulement voulu rencontrer le jeune camerounais, mais «il l'a vraiment écouté, il est resté à l’écoute de son expérience, de ses désirs». Ce qui a surtout frappé le Pape, c'est le fait que Bentolo, souligne le père Ferrari, «a continué à aimer et à être proche de ses compagnons en difficulté alors même qu'il se trouvait en Libye, dans une situation terrible».

La "situation inhumaine" en Tunisie et en Libye

L'aumônier rapporte que lors de l'audience avec le Saint-Père, la «situation inhumaine» que vivent de nombreux autres migrants en Tunisie et en Libye a également été évoquée. Un drame représenté par la photo qui a circulé récemment sur la toile, d'une femme avec sa fille de cinq ans à ses côtés, dans le désert , mortes de faim, de chaleur et de soif. Une image que François aussi a eu l'occasion de voir, et devant laquelle il a exprimé sa douleur.

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22 juillet 2023, 11:56