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Le Pape François a reçu en audience les participants à l'assemblée plénière de la Comece, le 23 mars 2023 au Palais apostolique. Le Pape François a reçu en audience les participants à l'assemblée plénière de la Comece, le 23 mars 2023 au Palais apostolique.   (VATICAN MEDIA Divisione Foto)

Unité et paix, les deux rêves urgents du Pape pour l’Europe

Que l’Église forme des fidèles sachant lire les signes des temps, afin de redonner du souffle au projet européen. C’est le souhait du Pape François partagé jeudi 23 mars devant les participants à l’assemblée plénière de la Commission des épiscopats européens (Comece), reçus en audience en salle du Consistoire du Palais apostolique. Dans ce nouveau discours sur la vocation européenne, le Pape a répété sa volonté de lui redonner du sens, loin des paradigmes technocratiques souvent prédominants.

Delphine Allaire – Cité du Vatican

Remerciements du Pape au cardinal Jean-Claude Hollerich et vœux de succès à Mgr Mariano Crociata, évêque de Latina (Italie), élu nouveau président de la Comece le 22 mars par les évêques délégués des épiscopats européens réunis en plénière de printemps à Rome. Ainsi François a débuté son adresse aux 71 évêques réunis sous les armoiries du Pape Clément VIII ornant le plafond de la salle du Consistoire. Pour le Pape, les évêques chargés des questions européennes fournissent un travail exigeant et passionnant, à deux conditions: «ne pas s'enliser dans la bureaucratie» et «garder les yeux rivés sur les valeurs ayant inspiré le projet européen».

Le fleuve Europe vit de ses affluents

Dans ce bref nouveau discours sur l’Europe, le Pape est donc revenu sur les deux grands rêves des pères fondateurs: l'unité et la paix.

Pour le premier, le Saint-Père a précisé que l'unité européenne ne peut être «uniforme et homogénéisante», mais au contraire «une unité qui respecte et valorise les singularités des peuples et des cultures qui la composent». François illustre son propos citant les origines variées des pères fondateurs: De Gasperi et Spinelli en Italie, Monnet et Schuman en France, Adenauer en Allemagne, Spaak en Belgique, Beck au Luxembourg.

 

«La richesse de l'Europe réside dans la convergence de différentes sources de pensée et d'expériences historiques. Comme un fleuve, elle vit de ses affluents. Si les affluents sont affaiblis ou bloqués, c'est tout le fleuve qui souffre et perd de sa force», a fait remarquer le Pape, pour qui l'Europe a un avenir «si elle est vraiment une union et non une réduction de pays avec leurs caractéristiques respectives». Complexe articulation que représente l'unité dans la diversité.

L'inspiration chrétienne plutôt que technocratique

Un défi possible s'il est alimenté par «une forte inspiration». Sinon, «l'appareil prévaut, le paradigme technocratique prévaut», a prévenu François. Naturellement, bureaucratie et technocratie n’enthousiasment personne, a estimé le Pape, détaillant le rôle de l'inspiration chrétienne dans ce défi alors que le Vieux continent se sécularise.

L’inspiration chrétienne a joué un rôle fondamental dans l’aventure européenne, car elle animait le cœur et l’esprit des pères fondateurs, a rappelé François. Et si aujourd’hui, la praxis religieuse a changé, «ce sont toujours les hommes et les femmes qui font la différence». Le Pape espère que l’Église forme ainsi des personnes qui, «lisant les signes des temps», sachent interpréter le projet européen dans l'histoire contemporaine.

L’irruption de la guerre dans la Pax Europaea

Or, deuxième point développé par le Successeur de Pierre, l’histoire d’aujourd’hui a besoin «d'hommes et de femmes animés par le rêve d'une Europe unie au service de la paix». Et si le continent européen a vécu la plus longue période de paix de son histoire après la Seconde Guerre mondiale, plusieurs guerres se succédaient toutefois dans le monde. Alors qu’au cours de ces dernières décennies, certaines guerres se sont prolongées jusqu'à aujourd'hui, à tel point que «l'on peut désormais parler d'une troisième guerre mondiale».

Saluant une nouvelle fois la manière dont les nations voisines de l’Ukraine ont tout mis en œuvre pour accueillir les réfugiés, de même que la participation de tous les peuples européens à l'effort de solidarité avec le peuple ukrainien, le Pape a souhaité qu’«à cette réponse chorale au niveau de la charité corresponde un engagement cohérent en faveur de la paix», reconnaissant la tâche comme «ni facile ni évidente».

Ce défi est très complexe, car les pays de l'Union européenne sont impliqués dans de multiples alliances, intérêts, stratégies, une série de forces qu'il est difficile de faire converger en un seul projet, a-t-il encore soutenu, pointant toutefois un principe éthico-politique «qui devrait être partagé par tous», avec clarté et détermination: ne plus penser à la guerre comme une solution (Fratelli tutti, 258). Si les pays de l'Europe d'aujourd'hui ne partagent pas cela, cela signifie pour François qu'ils se sont éloignés du rêve originel.

Prophétie, vision, créativité, conditions de la paix

Dans ce contexte, François a souligné la contribution de la Comece en termes de valeurs et de professionnalisme à ce défi de la paix; cette Commission par nature «pont entre les Églises en Europe et les institutions de l'Union», et par mission «bâtisseurs de relations, de rencontres, de dialogues». Cela fonctionne déjà pour la paix, mais cela ne suffit pas. «Il faut de la prophétie, une vision, de la créativité pour faire avancer la cause de la paix. Ce chantier a besoin d'architectes et d'artisans, mais je dirais que le véritable bâtisseur de la paix doit être à la fois architecte et artisan», a exhorté le Pape.

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23 mars 2023, 11:30