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Un retraité lors d'une manifestation de la Cgil à Rome le 16 décembre. Un retraité lors d'une manifestation de la Cgil à Rome le 16 décembre.  

Le Pape s’inquiète de la précarisation de nombreux travailleurs

En recevant lundi 19 décembre les membres de la Cgil, la première confédération syndicale italienne, François a tenu à rappeler l'importance d'humaniser le monde du travail alors que la culture du profit immédiat gagne de nombreuses sphères.

Olivier Bonnel - Cité du Vatican

«Il n'y a pas de syndicat sans travailleurs et il n'y a pas de travailleurs libres sans syndicat» a affirmé le Pape qui a tenu d’emblée à pointer les dangers de «ce système pervers appelé technocratie» qui a, dans une certaine mesure, déçu les attentes de justice dans le domaine du travail. Et cela demande avant tout un nouveau départ dans la valeur du travail, comme lieu de rencontre entre la vocation personnelle et la dimension sociale.

«Le travail permet à la personne de se réaliser, de vivre la fraternité, de cultiver l'amitié sociale et d'améliorer le monde» a expliqué François, évoquant ses encycliques Laudato si' et Fratelli tutti qui «peuvent aider à entreprendre des parcours de formation qui offrent des raisons de s'engager dans les temps que nous vivons».

Le travail construit la société a poursuivi le Saint-Père rappelant qu’il s’agit «d’une expérience première de citoyenneté, dans laquelle prend forme une communauté de destin, fruit de l'engagement et des talents de chacun».  Une communauté qui est «bien plus que la somme des différentes compétences professionnelles, car chacune est reconnue dans la relation avec les autres et pour les autres». C’est dans ce «réseau ordinaire des connexions entre les personnes et les projets économiques et politiques, que le tissu de la "démocratie" prend vie jour après jour» a encore expliqué François.

Sens du travail et fraternité

Parmi les tâches du syndicat figure celle «d'éduquer le sens du travail, de promouvoir la fraternité entre les travailleurs»  a poursuivi le Pape aux membres de la Cgil. Une préoccupation éducative qui ne peut faire défaut, car elle est «le sel d'une économie saine, capable de rendre le monde meilleur».

Et François de rappeler que «les dysfonctionnements économiques entraînent toujours aussi des coûts humains». «Renoncer à investir dans les personnes au nom d'un plus grand profit immédiat est une mauvaise affaire pour la société» a-t-il expliqué en citant Laudato si'.

Le Pape a tenu aussi à rappeler les distorsions du travail. «La culture du gaspillage» qui s'est insinuée dans les relations économiques et a également envahi le monde du travail. «Nous le voyons, par exemple, lorsque la dignité humaine est foulée aux pieds par la discrimination sexuelle - pourquoi une femme devrait-elle gagner moins qu'un homme ? Pourquoi les gens doivent-ils retarder leurs choix de vie à cause de la précarité chronique ? - ; ou dans la culture du licenciement ; et pourquoi les emplois les plus exigeants sont-ils encore si mal protégés ?» s’est-il interrogé.  «Trop de personnes souffrent du manque de travail ou d'un travail indigne» : leur visage mérite d'être entendu et l'engagement syndical.

Contre l’idôlatrie de l’argent

Poursuivant sa réflexion, le Souverain pontife a tenu à partager certaines de ses préoccupations concernant le monde du travail, comme la sécurité des travailleurs. «Il y a encore trop de morts, de mutilés et de blessés sur le lieu de travail !» s’est-il indigné, rappelant que «chaque décès au travail est une défaite pour la société dans son ensemble». François a dénoncé une nouvelle fois «l'idolâtrie de l'argent» qui a tendance «à piétiner tout et tous et ne chérit pas les différences».

Une deuxième préoccupation est l'exploitation des personnes, «comme si elles étaient des machines à rendement» a noté le Pape dénonçant «l'asservissement des travailleurs dans l'agriculture ou sur les chantiers de construction et autres lieux de travail, l'obligation de faire des quarts de travail épuisants, le jeu à la baisse dans les contrats, le mépris de la maternité, le conflit entre le travail et la famille».

Une augmentation des précaires

«Combien de contradictions et combien de guerres entre les pauvres ont lieu autour du travail !»  s’est encore interrogé le Souverain pontife, en manifestant son inquiétude devant l’augmentation, des dernières années, des «travailleurs pauvres». Face à cette réalité, le syndicat est appelé à être «la voix des sans-voix», a-t-il rappelé. Face aux nombreux défis que posent la précarisation des emplois, «le syndicat peut agir comme une force préventive» afin d’aider à humaniser le monde du travail.

Le Saint-Père a ainsi invité les membres de la Cgil à être des «sentinelles du monde du travail», en générant des alliances et non des oppositions stériles. «Les gens ont soif de paix, surtout en ce moment historique, et la contribution de chacun est fondamentale. L'éducation à la paix, même sur le lieu de travail, souvent marqué par des conflits, peut devenir un signe d'espoir pour tous. Aussi pour les générations futures» a-t-il conclu en remerciant le syndicat pour son engagement pour les pauvres, les immigrants, les personnes fragiles et handicapées ou les chômeurs.

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19 décembre 2022, 11:25