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La famille Bergoglio en 1960 à Buenos Aires - au centre, sur le canapé, la grand-mère du Pape, "nonna Rosa". La famille Bergoglio en 1960 à Buenos Aires - au centre, sur le canapé, la grand-mère du Pape, "nonna Rosa".  

Les racines piémontaises du Pape ou l’histoire des grands-parents Bergoglio

Le Pape se rend les 19 et 20 novembre dans le diocèse d’Asti, au nord-ouest de l’Italie, pour célébrer en privé les 90 ans d’une de ses cousines, la descendante d’un frère de son grand-père, Carlo Bergoglio, le seul de la fratrie à ne pas avoir immigré en Argentine. Retour sur les origines piémontaises du Pape avec Orsola Appendino, généalogiste piémontaise par passion, co-auteur d’un ouvrage sur la grand-mère du Pape intitulé «Nonna Rosa».

Marie Duhamel – Cité du Vatican

«Nombreuses sont les familles piémontaises à avoir immigré vers l’Argentine au moment de l’Unité d’Italie à la fin du XIXe siècle, pendant l’entre-deux guerres et même après la Seconde guerre», la famille du Pape est l’une de celles-ci, explique Orsola Appendino. Cette passionnée de l’histoire de l’immigration piémontaise en Argentine a mené une longue enquête sur les racines italiennes du Pape François lors de son élection au siège de Pierre.

Le nom Bergoglio remonterait au Moyen-Âge, et proviendrait du village de Bergolo, dans la province piémontaise de Coni, révèle une étude d’Alda Rossebastiano, enseignante à l’université de Turin. Mais pour sa part, Orsola Appendino n’a «retrouvé des traces» - entendez des actes notariés ou certificats d’État civil-  des Bergoglio qu’au XVIII siècle.

Il s’agissait d’une famille paysanne qui réussit, après avoir été salariée dans différentes localités, à devenir propriétaire, à force de travail. Elle s’installe en 1862 aux confins d’Asti, vers Portacomaro où naît le grand-père du Pape en 1884, explique la férue d’histoire. Giovanni est l’ainé de sa fratrie, et quand son père Francesco vient à manquer en 1903, le jeune homme part s’installer chez un oncle aisé, propriétaire de la «trattoria della nocciola» où il apprend le métier de «liquorista», l’équivalent de barman. C’est d’ailleurs ce métier qu’il pratiquera lorsqu’il s’installera un ou deux ans plus tard à Turin, poursuit Orsola Appendino. Il vend du vermouth, une liqueur à base de plantes originaire de la ville. C’est à ce moment-là que Giovanni rencontre sa future épouse, Rosa Margherita Vassalo, qui a le même âge que lui.

Le Pape François, prêtre jésuite, avec sa grand-mère "nonna Rosa"
Le Pape François, prêtre jésuite, avec sa grand-mère "nonna Rosa"

La grand-mère du Pape vient d’une famille pauvre, comme souvent sont les foyers se trouvant dans les collines situées loin de la ville, précise la co-autrice de Nonna Rosa, la roccia delle Langhe. Elle est la 8ème enfant d’Angela Crema et de Pietro Vassallo et «elle eut la chance d’être accueillie par une sœur de sa mère et son époux qui l’emmenèrent avec eux à Turin. Elle fréquente une école, y fait sa première communion et sa confirmation, apprend le métier de couturière».

La famille Bergoglio à l’épreuve de la Première Guerre mondiale

En 1907, Rosa et Giovanni se marient dans l’église baroque de Sainte-Thérèse d’Avila, et accueillent leur premier et unique enfant Mario l’année suivante.

Leur vie est bouleversée par Première Guerre Mondiale. Giovanni est appelé à prendre les armes. Il prendra part à la bataille du Piave, en juillet 1918, quand l’armée italienne -au prix d’un lourd tribut- mit en défaite l’armée austro-hongroise. Pour rendre hommage aux soldats tombés lors de cette bataille, le Pape François se rendra en septembre 2014 à Redipuglia où il dénoncera pour la première fois la folie de la guerre.

Giovanni sort indemne de la bataille et retrouve son foyer. En 1919, la famille rentre dans les terres bergogliennes. Elle ouvre une pâtisserie dans le centre d’Asti. Ils y restent dix ans, avant de prendre la décision de quitter l’Italie.

L’exil

Giovanni, Rosa et leur fils Mario, âgé de 21 ans, embarquent sur un navire à destination de l’Argentine. La mère couturière a dissimulé tous leurs biens dans la doublure de son manteau d’hiver. Les Bergoglio partent cependant confiants puisqu’ils rejoignent sur place les deux frères et la sœur de Giovanni qui ont monté une entreprise florissante dans la ville de Paranà. «L’immeuble Bergoglio» est alors le seul à avoir un ascenseur dans toute la ville. Notons toutefois que l’entreprise fit faillite, et que la famille du Pape dut repartir de zéro à Buenos Aires.

Seul un frère de la fratrie Bergoglio resta en Italie, et ce sont les descendants de cet homme, Carlo, que le Pape rencontre ce samedi.

Le Pape François avec ses parents en 1958, alors qu'il est séminariste à Buenos Aires
Le Pape François avec ses parents en 1958, alors qu'il est séminariste à Buenos Aires

Une famille italienne à Buenos Aires

En quittant l’Italie, les grands-parents et le père de Jorge Mario Bergoglio ne quittent ni leur culture, ni leur foi. «Chez les Bergoglio, on parlait en dialecte piémontais et c’est nonna Rosa qui l’apprit à son petit-fils», dont elle eut la charge - la mère du Pape sortit en effet éprouvée de sa deuxième grossesse. Nonna Rosa lui cuisinait des plats italiens, par exemple le Frappe qu’elle rebaptisait les bugie (les mensonges) car en les mordant les biscuits gonflés se révèlent vides. Nonna Rosa fut également celle qui appris au Pape à prier. Elle l’emmenait avec elle assister à des processions. Engagée dans les prémices de l’Action catholique en Italie, c’est elle qui lui transmit la foi catholique.

Des liens qui perdurent entre Piémont et Argentine

«Mais on peut dire que chez toutes les familles piémontaises en Argentine, on cuisine la Bagna cauda, ou i tajarin une ou deux fois par an. On célèbre le 2 juin ou le 25 avril (ndlr, fêtes nationales italiennes) au sein d’associations de Piémontais d’Argentine. Il existe aujourd’hui 60 jumelages entre le Piémont et l’Argentine avec des échanges d’étudiants, d’élèves, pour maintenir les contacts», explique Orsola Appendino, qui a elle-même des parents outre-Atlantique.

La Piémontaise participe de ces liens. Elle va souvent en Argentine, où elle recherche les certificats de décès, de mariage ou de naissance des familles italiennes en quête de leurs ancêtres ayant migré à l’autre bout du monde. Orsola Appendino est en lien avec la famille du Pape en Italie mais aussi en Argentine. Elle accompagne d’ailleurs les membres de la famille de nonna Rosa, les Vassalo, dans leurs pérégrinations en Italie, de la place Saint-Pierre au Piémont.


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19 novembre 2022, 08:06