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Le Pape François au Capitole, la mairie de Rome, le 26 mars 2019. Le Pape François au Capitole, la mairie de Rome, le 26 mars 2019.  

Le message du Pape François à la ville de Rome

A l’occasion de l’ouverture ce lundi des festivités commémorant les 150 ans de Rome, capitale de l’Italie réunifiée, le Pape François a écrit un message, lu par le cardinal Pietro Parolin. Un texte dans lequel le Saint-Père salue la beauté de la ville et la contribution que les catholiques peuvent y apporter au quotidien.

Le 2 octobre 1870, Rome est proclamée capitale de l'Italie, confirmant l'annexion des Etats Pontificaux.  A l'occasion des 150 ans de la proclamation de Rome capitale, de nombreux évènements commémoratifs auront cours cette année dans la Ville Eternelle. Des festivités qui ont débuté ce lundi 3 février au Teatro Opera, où se déroulait un concert en présence notamment du président de la République Italienne Sergio Mattarella. Egalement présent, le Secrétaire d'Etat du Saint-Siège le cardinal Pietro Parolin qui a lu à cette occasion un message écrit par le Pape François. 

Voici le message du Saint-Père en intégalité

 

«Mesdames et Messieurs,

Je suis heureux de me joindre, en tant qu'évêque de Rome, à l'ouverture des célébrations du 150e anniversaire de Rome Capitale qui, à l'initiative du maire de Rome, Mme Virginia Raggi, commencent aujourd'hui en présence du Président de la République. En souvenir de l'événement de Rome Capitale, à la veille du Concile Vatican II, le cardinal. Montini a dit : "Cela semblait un effondrement ; et pour le domaine territorial pontifical, c'en était un[...]. Mais la Providence, maintenant que nous la voyons bien, avait arrangé les choses différemment, en jouant presque dramatiquement dans les événements".  La proclamation de Rome comme capitale a été un événement providentiel, qui a ensuite suscité des controverses et des problèmes. Mais Rome, l'Italie et l'Église elle-même ont changé : une nouvelle histoire commençait.

En 150 ans, Rome a tellement grandi et changé : «d'un environnement humain homogène à une communauté multiethnique, dans laquelle coexistent, à côté de cette vision catholique de la vie inspirée par d'autres croyances religieuses et aussi par des conceptions non religieuses de l'existence» (Saint Jean-Paul II, Discours au Capitole, 15 janvier 1998). L'Église, dans cette affaire, a partagé les joies et les peines des Romains. Je voudrais, à titre d'exemple, rappeler au moins trois moments de cette riche histoire commune.

Mes pensées se tournent vers les neuf mois d'occupation nazie de la ville, marqués par tant de douleur, entre 1943 et 1944. A partir du 16 octobre 1943, la terrible chasse à la déportation des Juifs se développe. La Shoah fut vécue à Rome. À cette époque, l'Église était un asile pour les persécutés : d'anciennes barrières et des distances douloureuses tombaient. De ces moments difficiles, tirons tout d'abord la leçon de la fraternité éternelle entre l'Église catholique et la Communauté juive, que j'ai réaffirmée lors de ma visite à la Synagogue de Rome. Nous sommes également convaincus, avec humilité, que l'Église représente une ressource d'humanité dans la ville. Et les catholiques sont appelés à vivre la vie de Rome avec passion et responsabilité, en particulier ses aspects les plus douloureux.

Je voudrais rappeler, en second lieu, les années du Concile Vatican II, de 1962 à 1965, où la ville a accueilli des Pères du Concile, des observateurs œcuméniques et bien d'autres. Rome brillait comme un espace universel, catholique et œcuménique. Elle est devenue une ville universelle de dialogue œcuménique et interreligieux, de paix. On a vu ce que la ville signifiait pour l'Église et pour le monde entier. Car, comme le rappelait le savant allemand Theodor Mommsen à la fin du XIXe siècle : «Rome n'est pas sans intentions cosmopolites».

Le troisième moment que je voudrais rappeler est typiquement diocésain, mais il a touché la ville : la soi-disant conférence sur les «maux de Rome» en février 1974, organisée par le cardinal-vicaire de l'époque, Ugo Poletti. Dans les assemblées populaires participatives, les gens ont écouté les attentes des pauvres et des banlieues. Là, c'était une question d'universalité, mais dans le sens de l'inclusion des banlieues. La ville doit être la maison de chacun. C'est une responsabilité encore aujourd'hui : les banlieues sont aujourd'hui marquées par trop de misères, habitées par une grande solitude et pauvres en liens sociaux.

Il existe une demande d’inclusion inscrite dans la vie des pauvres et de ceux qui, immigrants et réfugiés, voient Rome comme un port de salut. Souvent, leurs yeux, de façon incroyable, voient la ville avec plus d'attente et d'espoir que nous, les Romains, qui, en raison des nombreux problèmes quotidiens, la regardent de manière pessimiste, comme si elle était destinée à décliner. Non, Rome est une grande ressource de l'humanité ! «Rome est une ville d'une beauté unique» (Célébration des premières Vêpres de Marie, Mère de Dieu, 31 décembre 2013 : Insegnamenti I, 2 [2013], 804). Rome peut et doit se renouveler dans le double sens de l'ouverture sur le monde et de l'inclusion de tous. Les Jubilés l'y incitent aussi, et celui de 2025 n'est plus très loin.

Nous ne pouvons pas vivre à Rome «la tête baissée», chacun dans ses propres circuits et engagements. En cet anniversaire de Rome Capitale, nous avons besoin d'une vision commune. Rome ne vivra sa vocation universelle que si elle devient de plus en plus une ville fraternelle. Oui, une ville fraternelle ! Jean-Paul II, qui aimait tant Rome, a souvent cité un poète polonais : «Si tu dis Rome, l'amour te répond». C'est cet amour qui ne fait pas vivre les gens pour eux-mêmes, mais pour les autres et avec les autres.

Nous devons nous rassembler autour d'une vision de la ville fraternelle et universelle, qui est un rêve proposé aux jeunes générations. Une telle vision est inscrite dans les chromosomes de Rome. À la fin de son pontificat, Saint Paul VI a dit : «Rome est l'unité, et pas seulement du peuple italien, mais l'héritière de l'idéal typique de la civilisation en tant que telle et comme centre, encore aujourd'hui, de l'Église catholique, c'est-à-dire universelle» (Angelus, 9 juillet 1978 : Insegnamenti XVI [1978], 541). Rome sera promotrice de l'unité et de la paix dans le monde, tant qu'elle sera capable de se construire en tant que ville fraternelle.

Nous célébrons les 150 ans de Roma Capitale, une longue et importante histoire. L'oubli de l'histoire s'accompagne souvent d'un faible espoir d'un avenir meilleur et de la résignation à le construire. Assumer la mémoire du passé nous pousse à vivre un avenir commun. Rome aura un avenir si nous partageons la vision d'une ville fraternelle, inclusive et ouverte sur le monde. Sur la scène internationale, pleine de conflits, Rome pourrait être une ville de rencontre : «Rome parle au monde de fraternité, d'harmonie et de paix» - disait Paul VI (ibid.). Avec de tels sentiments et espoirs, je forme de fervents souhaits pour l'avenir de la ville et de ses habitants.»

Rome, Saint Jean de Latran, 3 février 2020

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03 février 2020, 17:47