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Le Pape François s'expirmant dans l'avion devant les journalistes. Le Pape François s'expirmant dans l'avion devant les journalistes.  

Abus, avortement, migrants : le Pape s'exprime devant les journalistes

Malgré la fatigue après son dense voyage au Panama, le Saint-Père a répondu avec patience aux traditionnelles questions des journalistes dans l'avion du retour de son voyage apostolique, revenant sur des thèmes aussi divers que les migrations, l'avortement, les jeunes et leur rapport à l'Eglise, sans oublier les dossiers géopolitiques comme la crise au Venezuela.

Olivier Bonnel-Cité du Vatican 

Comme le veut la tradition, le Pape a donné une conférence de presse dans l'avion qui le ramenait du Panama. Malgré la fatigue de ces cinq jours de voyage en Amérique Centrale, le Saint-Père a échangé pendant 50 minutes avec les journalistes et de nombreux thèmes ont pu être abordés. 

Interrogé d'abord sur l'impact provoqué par ce voyage au Panama, le Pape a rappelé le sens de ce voyage: «la mission d'une JMJ est la mission de Pierre, a-t-il dit, c'est-à-dire confirmer dans la foi, en me laissant toucher le cœur par ce qu'il s'y passe. C'est comme cela que je le vis. Cela me coûte de penser que l'on puisse mener une mission "qu'avec la tête". Pour accomplir une mission il faut écouter, et quand on écoute on est touché». 

«Je dis toujours aux jeunes, a poursuivi le Pape: ce que vous faites dans la vie vous devez le faire en cheminant, à travers trois langages, celui de la tête, du cœur et des mains. Je ne saurais faire un bilan de ma mission. Je porte tout cela dans la prière devant le Seigneur, parfois je m'endors devant le Seigneur, mais en portant toutes ces choses que j'ai vécues dans la mission et je lui demande de les confirmer dans la foi à travers moi. Voilà comment je cherche à vivre la mission du Pape, comment je la vis».

Pour une juste éducation sexuelle

Interrogé sur le problème des grossesses précoces qui sont nombreuses en Amérique Centrale (10 000 au Panama rien que l'année passée), le Saint-Père a rappelé l'importance d'une éducation sexuelle à l'école. «Le sexe est un don de Dieu, et non un monstre. Il est le don de Dieu pour aimer et si quelqu'un l'utilise pour gagner de l'argent ou exploiter l'autre, c'est un autre problème». Aussi, a t-il plaidé «il faut offrir une éducation sexuelle objective, comme elle est, sans colonisations idéologiques». Ces colonisations «détruisent la personne» a ajouté François, qui a appelé à «éduquer, pour faire émerger le meilleur de la personne, et l'accompagner sur le chemin». Le Pape explique aussi que cette éducation sexuelle doit commencer en famille, avec les parents, mais que dans les situations où cela est difficile, l'école doit suppléer, «elle doit le faire sinon reste un vide qui est comblé par une idéologie».

Le Pape est également revenu sur ses rencontres avec des jeunes qui s'éloignent de l'Église, après qu'on lui en a demandé les raisons. «Elles sont nombreuses, a t-il répondu, parfois pour des motifs personnels, mais le plus souvent c'est le manque de témoignage des chrétiens, prêtres ou évêques. Je ne parle pas des Papes, parce que cela serait trop... mais quoique. Si un pasteur fait "l'entrepreneur", s'il n'est pas proche des gens, il ne donne pas un témoignage de pasteur». François a évoqué aussi les catholiques «qui vont à la messe mais paient au noir, exploitent les gens. Ils vont en vacances aux Caraïbes en exploitant les gens. Si tu fais cela, tu donnes un contre-témoignage».

Pas de célibat optionnel

Une autre question a porté sur la possibilité d'ordination d'hommes mariés, dans l'Eglise latine, comme le permettent les Eglises Orientales. A ce sujet, le Pape a répondu qu'il n'était pas d'accord pour permettre le célibat optionnel. «Je pense personnellement que le célibat est un don pour l'Eglise » a t-il rappelé. «Suis-je fermé? Peut-être, mais je ne me sens pas de me présenter devant Dieu avec cette décision» a t-il commenté. François a néanmoins reconnu que le débat «doit rester ouvert là où il y a un problème pastoral, par manque de prêtres», reconnaissant que les «théologiens en discutent». 

Avortement et miséricorde

François a également répondu à une question sur l'avortement. Interrogé sur les paroles d'un jeune lors du Chemin de Croix, qui demandait que soient «annulées les lois qui tuent la vie», on lui a demandé si cette position respectait la souffrance des femmes et si elle correspondait à son message de miséricorde. «Le message de miséricorde est pour tous, aussi pour la personne humaine en gestation» a répondu le Saint-Père. «Après cet échec (l'avortement, ndlr), il y a aussi la miséricorde, mais une miséricorde difficile, car le problème n'est pas de pardonner mais d'accompagner une femme qui a pris conscience d'avoir avorté. Ce sont des drames terribles. Il faut être au confessionnal, et là offrir consolation, et c'est pour cela que j'ai concédé à tous les prêtres la faculté d'absoudre le péché d'avortement par la miséricorde. Avec Dieu, la réconciliation est là, Dieu pardonne toujours, mais la femme doit se rendre compte de ce qui est arrivé. Le drame de l'avortement, pour bien le comprendre, il faut aller au confessionnal, c'est terrible».

Le Venezuela a besoin de paix

Une question a également été posée sur la crise en cours au Venezuela, que le Pape suit de près. «J'appuie tout le peuple vénézuelien en ce moment, des deux côtés, a souligné le Saint-Père, parce qu'il souffre. Si je devais souligner ce qu'un pays dit ou m'exprimer sur quelque chose que je ne connais pas, ce serait une imprudence pastorale de ma part et je ferais des dommages. Je souffre devant ce qu'il se passe au Venezuela ces temps-ci, a t-il poursuivi, et c'est pour cela que j'ai demandé que l'on trouve une solution juste et pacifique». Le Saint-Père n'a pas caché que ce qui lui faisait peur est un «bain de sang». «Le problème de la violence me terrorise, après tout le processus de paix en Colombie, regardez ce qui est arrivé il y a quelques jours avec cet attentat qui a visé l'école de police, c'est quelque chose de terrifiant». 

Prendre conscience du drame des abus

Le Pape François a également été interrogé sur ses attentes en vue du prochain sommet sur les abus qui sera organisé fin février au Vatican, et sur les moyens de reconstruire la confiance dans l'Église. «Nous avons la responsabilité de donner "une catéchèse" aux conférences épiscopales. D'abord il faut que la conscience du drame soit prise en compte, ce qu'a vécu un mineur abusé. Il faut ensuite que les évêques sachent quoi faire, quelle est la procédure. Et puis que se fassent des programmes généraux mais qui puissent rejoindre toutes les conférences épiscopales. Il faut qu'il y ait des protocoles clairs, c'est cela l'objectif principal» a expliqué le Pape. «Mais ce qu'il faut faire avant tout c'est prendre conscience, a t-il poursuivi. Je me permets de dire que j'ai perçu une attente un peu exagérée. Il faut redimensionner les attentes parce que le problème des abus continuera, c'est un problème humain. C'est un drame humain dont il faut prendre conscience. Nous aussi, en résolvant le problème dans l'Eglise, nous aiderons à le résoudre dans la société et dans les familles, où la honte couvre tout».

L'équation difficile de la crise migratoire

François a enfin répondu à une question sur les migrants, en Italie en particulier après la fermeture d'un centre d'accueil de demandeurs d'asile au nord de Rome. Le Saint-Père a expliqué ne pas connaître avec précision cet épisode, mais a insisté sur un mot: «recevoir». «Accompagner, faire grandir et intégrer. Le gouvernant doit faire preuve de prudence, parce que la prudence est la vertu de celui qui gouverne. C'est une équation difficile». Le Pape a répeté que «les pays les plus généreux (dans l'accueil des migrants, ndlr) ont été l'Italie et la Grèce, un peu la Turquie». François est aussi revenu sur «le mode de résolution du problème des migrations et aider les pays de provenance des migrants. Ils viennent à cause de la faim ou de la guerre. Il faut investir où il y a la faim, l'Europe est capable de le faire, et de cette façon aider à faire croître ces pays». 

Concluant la conférence de presse, le Pape a enfin livré une réflexion aux journaliste sur la baisse de la natalité en Europe. «Panama est une nation noble, j’y ai vu de la noblesse, a t-il expliqué, et je voudrais dire qu’en Europe on ne voit pas ce que j’ai vu au Panama. J’ai vu des parents qui portaient à bout de bras leurs enfants disant que c’était leur victoire, leur fierté, leur avenir. Dans l’hiver démographique que nous vivons, cela doit nous faire réfléchir : où plaçons-nous notre fierté ? Dans nos vacances, le tourisme, la belle maison, le chien… ou bien dans les enfants ?»

 

 

 

 

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28 janvier 2019, 11:41