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Le Pape prononçant son discours de vœux à la Curie romaine, le 21 décembre 2018. Le Pape prononçant son discours de vœux à la Curie romaine, le 21 décembre 2018. 

Discours à la Curie romaine : face aux scandales, la lumière est plus forte que les ténèbres

Dans son discours devant les responsables de la Curie romaine, le Pape François est longuement revenu sur les scandales qui ont affecté l’Église catholique au long de l’année écoulée, tout en mettant en valeur les réalités positives vécues par tous ceux qui travaillent dans un réel esprit de service.

Cyprien Viet – Cité du Vatican

L’accroche de ce discours du Pape François était une citation de la Lettre de saint Paul aux Romains : « La nuit est bientôt finie, le jour est tout proche. Rejetons les œuvres des ténèbres, revêtons-nous des armes de la lumière ».

François a donc axé son intervention «sur la lumière qui relie Noël – la première venue dans l’humilité – à la Parousie – la seconde venue dans la gloire – et nous confirme dans l’espérance qui ne déçoit jamais».

«Jésus, en réalité, naît dans une situation sociopolitique et religieuse pleine de tensions, d’agitations et d’obscurité, a rappelé François. Sa naissance, attendue d’un côté et refusée de l’autre, récapitule la logique divine qui ne s’arrête pas devant le mal, mais le transforme au contraire radicalement et progressivement en bien, et également la logique démoniaque qui transforme même le bien en mal, pour conduire l’humanité à rester dans le désespoir et dans les ténèbres : “La lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée”» (Jn 1, 5).

«Mais, chaque année, Noël nous rappelle que le salut de Dieu, donné gratuitement à toute l’humanité, à l’Eglise, et à nous en particulier, personnes consacrées, n’agit pas sans notre volonté, sans notre coopération, sans notre liberté, sans notre effort quotidien», a précisé François.

L’Église affligée par les tempêtes

«La Bible et l’histoire de l’Église nous donnent la démonstration que, souvent, même les élus, chemin faisant, commencent à penser, à croire et à se comporter comme les maîtres du salut et non comme des bénéficiaires, comme des contrôleurs des mystères de Dieu et non comme d’humbles distributeurs, comme des douaniers de Dieu, et non comme des serviteurs du troupeau qui leur est confié», a rappelé François en revenant sur les «moments difficiles», les «tempêtes et les ouragans» qui ont atteint la barque de l’Église cette année.

François est revenu sur les peines vécues par les migrants, et par les martyrs de notre temps, en s’exprimant avec beaucoup de gravité. «La cruelle et atroce persécution de l’empire romain semble ne pas connaître de fin. De nouveaux Néron naissent sans cesse pour opprimer les croyants, uniquement en raison de leur foi au Christ. De nouveaux groupes extrémistes se multiplient prenant pour cible les églises, les lieux de culte, les ministres et les simples fidèles. De nouveaux et anciens cercles et cliques vivent en se nourrissant de haine et d’hostilité envers le Christ, l’Église et les croyants. Que de chrétiens vivent encore aujourd’hui sous le poids de la persécution, de la marginalisation, de la discrimination et de l’injustice en tant de parties du monde ! Ils continuent, cependant, courageusement, à embrasser la mort pour ne pas nier le Christ. Combien il est difficile, encore aujourd’hui, de vivre librement sa foi en tant de parties du monde où manquent la liberté religieuse et la liberté de conscience !»

Et dans le même temps l’exemple des martyrs ne fait pas oublier cependant le contre témoignage et les scandales de certains enfants et ministres de l’Église, s’est attristé le Saint-Père.

Le fléau des abus

François est revenu longuement sur les abus de pouvoir, les abus de conscience et les abus sexuels commis par des membres de l’Église qui ont été portés ces derniers mois à la connaissance du public. Revenant sur la figure biblique du roi David, qui a commis ces trois types d’abus en s’engageant dans une liaison malsaine avec Bethsabée, le Pape a démontré que «la chaîne du péché grandit comme une tache d’huile et devient rapidement un réseau de corruption. À partir des étincelles de la paresse et de la luxure, et du fait de “baisser la garde”, l’enchaînement diabolique des péchés graves commence : adultère, mensonge et homicide. Prétendant, étant roi, pouvoir tout faire et tout obtenir, David cherche à tromper aussi le mari de Bethsabée, les gens, lui-même et même Dieu. Le roi néglige sa relation avec Dieu, il transgresse les commandements divins, il porte atteinte à sa propre intégrité morale sans même se sentir en faute», a expliqué le Pape.

«Aujourd’hui aussi, il y a des “oints du Seigneur”, des hommes consacrés, qui abusent des faibles en profitant de leur pouvoir moral et de persuasion. Ils commettent des abominations et continuent à exercer leur ministère comme si de rien n’était ; ils ne craignent pas Dieu ni son jugement mais craignent seulement d’être découverts et démasqués. Ministres qui lacèrent le corps de l’Église, causant des scandales et discréditant la mission salvifique de l’Église et les sacrifices de tant de leurs confrères», a averti l’évêque de Rome.

Le Pape l’a rappelé avec tristesse : «Aujourd’hui aussi, beaucoup de David, sans un battement de paupière, entrent dans le réseau de corruption, trahissent Dieu, ses commandements, leur propre vocation, l’Eglise, le peuple de Dieu et la confiance des petits et de leurs proches. Souvent, derrière leur gentillesse démesurée, leur travail impeccable, leur visage angélique, ils cachent sans vergogne un loup terrible prêt à dévorer les âmes innocentes.»

Prise de conscience et transformation des comportements

François a martelé que «face à ces abominations l’Eglise ne se ménagera pas pour faire tout ce qui est nécessaire afin de livrer à la justice quiconque aura commis de tels délits. L’Eglise ne cherchera jamais à étouffer ou à sous-estimer aucun cas. Il est indéniable que certains responsables, par le passé, par légèreté, par incrédulité, par impréparation, par inexpérience ou par superficialité spirituelle et humaine, ont traité de nombreux cas sans le sérieux et la rapidité requis. Cela ne doit plus jamais se produire», a averti le Pape.

«En février prochain l’Église rappellera sa ferme volonté de persévérer, de toutes ses forces, sur la route de la purification», a expliqué François, évoquant la convocation des présidents de conférence épiscopale du 21 au 24 février prochains au Vatican. «L’'Église ne se limitera pas à se soigner mais cherchera à affronter ce mal qui cause la mort lente de tant de personnes au niveau moral, psychologique et humain.»

François a tenu à remercier vivement les journalistes «qui ont été honnêtes et objectifs et qui ont cherché à démasquer ces loups et à donner la parole aux victimes. Même s’il s’agissait d’un seul cas d’abus – qui représente déjà en soi une monstruosité –  l’Église demanderait de ne pas le taire et de le porter objectivement à la lumière, car le plus grand scandale en cette matière, c’est de couvrir la vérité», a martelé le Saint-Père.

François a ensuite lancé cette exhortation aux abuseurs : «Convertissez-vous et remettez-vous à la justice humaine et préparez-vous à la justice divine, vous souvenant des paroles du Christ : “Celui qui est un scandale, une occasion de chute, pour un seul de ces petits qui croient en moi, il est préférable pour lui qu’on lui accroche au cou une de ces meules que tournent les ânes, et qu’il soit englouti en une pleine mer.  Malheureux le monde à cause des scandales ! Il est inévitable qu’arrivent les scandales : cependant, malheureux celui par qui le scandale arrive” (Mt 18, 6-7).

Le fléau de l’infidélité

François a aussi évoqué un autre phénomène destructeur, celui de «l’infidélité de ceux qui trahissent leur vocation, leur serment, leur mission leur consécration à Dieu et à l’Église ; ceux qui se cachent derrière de bonnes intentions pour poignarder leurs frères et semer l’ivraie, la division et le désarroi ; des personnes qui trouvent toujours des justifications, même logiques et spirituelles, pour continuer à parcourir en toute tranquillité la route de la perdition».

Reprenant un sermon de saint Augustin, François a rappelé qu’ « Il y a dans les rangs des évêques du froment et de l'ivraie, du froment aussi et de l'ivraie parmi le peuple». «David pécheur et Judas Iscariote seront toujours présents dans l’Église, dans la mesure où ils représentent la faiblesse, qui fait partie de notre condition humaine.» Mais le Pape a relevé cette différence essentielle. «Unis dans la gravité du péché, ils se distinguent toutefois dans la conversion. David s’est repenti en se confiant à la miséricorde de Dieu, tandis que Judas s’est suicidé.»

Les réussites de cette année 2018

Le Pape a aussi relevé les joies de cette année : le Synode des Jeunes, les efforts de transparence financière au Vatican, ou encore la béatification des 19 martyrs d’Algérie, les baptêmes, les familles qui transmettent la foi à leurs enfants, ou encore «le témoignage de nombreux jeunes qui choisissent courageusement la vie consacrée et le sacerdoce».

«Un vrai motif de joie, c’est aussi le grand nombre de consacrés et de consacrées, d’évêques et de prêtres, qui vivent quotidiennement leur vocation dans la fidélité, dans le silence, dans la sainteté et dans l’abnégation. Ce sont des personnes qui éclairent les ténèbres de l’humanité, par leur témoignage de foi, d’amour et de charité», a tenu à déclarer le Pape.

«En réalité, la force d’une institution, quelle qu’elle soit, ne réside pas dans le fait qu’elle est composée d’hommes parfaits (c’est impossible) mais dans sa volonté de se purifier continuellement ; dans sa capacité à reconnaître humblement ses erreurs et à les corriger ; dans sa capacité à se relever des chutes, à voir la lumière de Noël provenant de la mangeoire de Bethléem, qui traverse l’histoire et arrive jusqu’à la Parousie», a rappelé le Saint-Père.

En conclusion, François a expliqué que «Noël garantit que la vraie force de l’Église et de notre travail quotidien, bien des fois caché, réside dans l’Esprit Saint qui la guide et la protège à travers les siècles, en transformant même les péchés en occasions de pardon, les chutes en occasions de renouvellement, le mal en occasion de purification et de victoire.»

   

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21 décembre 2018, 12:01