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Le camp syrien sous contrôle kurde al-Hol, où sont détenus des combattants présumés de l'État islamique. Le camp syrien sous contrôle kurde al-Hol, où sont détenus des combattants présumés de l'État islamique.   (AFP or licensors)

Amnesty dénonce l'utilisation de la torture dans des camps au nord-est de la Syrie

Le Pape François a lancé hier, à l’issue de l’audience générale, un appel pour les victimes de tortures dans les prisons. Certaines deviennent des zones de non-droit, comme par exemple les camps du nord-est syrien où sont détenus des anciens combattants de l’État islamique. Amnesty international alerte sur le recours à la torture sur les prisonniers, avec la complicité des puissances occidentales.

Entretien réalisé par Marie Duhamel - Cité du Vatican 


À l’issue de l’audience générale place Saint-Pierre mercredi 17 avril et à l’occasion de la Journée internationale de solidarité avec les prisonniers politiques, le Pape François a lancé un appel pour la libération des prisonniers de guerre, parfois victimes de tortures qui «portent atteinte à la dignité des personnes». Des mots qui résonnent tristement avec un rapport dévoilé le même jour par Amnesty International. L’ONG demande un retour du droit dans le nord-est de la Syrie, zone contrôlée par des autorités kurdes, où 27 centres et deux camps détiennent des anciens combattants de l’État islamique. Selon l'ONG, des crimes de guerre y sont commis à l’encontre des 56 000 personnes, dont 30 000 enfants, détenues dans ces centres. «On a documenté un nombre infernal de décès, des disparitions forcées, le recours à la torture avec des passages à tabac, des tortures à l'électricité et des tortures également liées au genre, c'est à dire des agressions sexuelles», déplore Jean-Claude Samouiller, président d’Amnesty International France. L’accès à l’eau, à la nourriture et aux médicaments est également limité, alors que les cas de tuberculose sont nombreux en raison des fortes chaleurs.

Des violations sans différenciation

Parmi les personnes détenues figurent hommes, femmes et enfants venant de Syrie, d’Irak mais également de 74 autres pays. «Non seulement cela touche des gens qui ont milité, qui ont travaillé, qui ont combattu, qui ont commis des atrocités au sein de l'État islamique, mais également des personnes qui en sont les victimes», déplore le représentant de l’ONG, soulignant la situation des Yézidis, une communauté kurdophone monothéiste victime de génocide au regard de la communauté internationale. 

La conséquence de la détention et de la torture arbitraires de personnes non affiliées à l'EI dans ces camps, est qu'elles deviennent de véritables bombes à retardement. «Il y a un tel ressentiment qui est exacerbé, que l'on craint que des gens peuvent finalement rejoindre l'État islamique, puisque ceux qui le combattent ne sont pas capables d'offrir des conditions de vie dignes dans ces camps de détention», explique le président d'Amnesty International France. 

La responsabilité des pays occidentaux

Amnesty International pointe du doigt la responsabilité des autorités autonomes kurdes, mais aussi de la coalition internationale, menée par les États-Unis, qui a vaincu l’État Islamique dans le nord-est de la Syrie en 2019. La coalition a trouvé un accord financier avec les Forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance militaire formée en 2015 pendant la guerre civile syrienne et dominée par les kurdes, afin qu’elles maintiennent ces camps.

Entretien avec Jean-Claude Samouiller, président d’Amnesty International France.

Les conditions épouvantables de détention s’expliquent en grande partie par un manque de ressources, selon Jean-Claude Samouiller. «Ce que nous demandons, c'est que les États-Unis renforcent les moyens économiques mais aussi leurs exigences, en s’alignant sur les normes internationales d'incarcération», détaille-t-il. «Les criminels de l’État islamique doivent rendre des comptes, tout comme les auteurs des violations qui sont commises dans ces camps».

Avec la publication de ce rapport, Amnesty International demande également la mise en place de procédures de filtrage pour libérer les personnes victimes de l’EI, et l’ouverture d’enquêtes pour torture et assassinats. Enfin, l’organisation insiste sur l’importance du rapatriement des étrangers dans leur pays d’origine, afin qu’ils soient confrontés à la justice nationale. 

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18 avril 2024, 14:39