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À l'intérieur de l'église baptiste de Gaza-ville, transformée en hôpital de fortune, le 20 février 2024. À l'intérieur de l'église baptiste de Gaza-ville, transformée en hôpital de fortune, le 20 février 2024.   (AFP or licensors)

Prodiguer des soins de santé à Gaza, le calvaire des travailleurs humanitaires

Près de cinq mois après le massacre terroriste du Hamas ayant fait 1 200 morts en Israël le 7 octobre, le nombre de civils palestiniens tués dans la bande de Gaza a franchi le cap des 30 000 personnes, jeudi 29 février, selon le ministère de la santé du Hamas. Touchées par les bombardements, les structures de santé s’effondrent. Selon l’OMS, seuls 8 hôpitaux, sur les 36 existants dans l’enclave palestinienne, sont encore fonctionnels.

Delphine Allaire - Cité du Vatican 

Témoignage de Bérangère Guais, responsable adjointe des opérations d'urgence MSF à Gaza

La guerre, qui a transformé le territoire palestinien en «zone de mort» selon l’ONU, est déjà la plus meurtrière des cinq conflits ayant opposé Israël au Hamas depuis que ce dernier a pris le pouvoir à Gaza en 2007. Pareillement, l’ampleur du désastre humanitaire y est sans précédent, l’acheminement de l’aide restant faible avec 82 camions quotidiens en février, contre 500 avant le 7 octobre selon l'ONU, des risques de famine à l’insalubrité, en passant par la prolifération de maladies dans des villes surpeuplées -la population de Rafah a été multipliée par six depuis le début de la guerre-. Les denrées alimentaires et l'eau potable sont devenues «extrêmement rares» à Gaza, toujours selon les agences onusiennes. Les Nations unies estiment que 2,2 millions de personnes sont menacées de famine, en particulier dans le nord de l’enclave.

Une qualité des soins impossible sans hygiène

Selon Bérangère Guais, responsable adjointe des opérations d’urgence de Médecins Sans Frontières (MSF) à Gaza, quasiment l'entièreté de la population de Gaza est déplacée et dans une situation d'extrême précarité. «La majorité d'entre eux n'ont presque pas d'espace, n’ont plus d'accès à des maisons, à des bâtiments en dur, donc dorment sous des tentes avec une météo où il pleut, où il fait froid la nuit, ils n'ont pas d'accès à de l'eau potable. Aujourd'hui, on estime qu'il y a environ moins de huit litres d'eau par personne et par jour usage hors-consommation», témoigne l’humanitaire française, évoquant l’étendue des dégâts dans les structures de santé «touchées et évacuées les unes après les autres» à proximité des opérations au sol.

«Il n'y a plus du tout d'accès aux services de base, de pédiatrie, de médecine générale, de traitements pour les patients cancéreux. Le peu de lits restants sont pour la prise en charge des blessés de guerre. Et il y en a plus de 60 000 à cette heure.» De même pour la vétusté des instruments: «La qualité des soins est impossible sans accès à l'hygiène, à l'eau potable. Nous n’avons pas la possibilité de stériliser des équipements. Les équipes sont obligées de réutiliser des compresses, les stériliser, les réutiliser pour d'autres patients.»

Un personnel médical épuisé

Comme l’Assemblée générale de l’ONU, Médecins Sans Frontières réclame a minima «un cessez-le-feu immédiat et durable» pour pouvoir travailler à nouveau dans les hôpitaux existants; ce qui n’empêchera pas, selon l’ONG fondée à Paris en 1971, une explosion des maladies et infections dans les six prochains mois, a posteriori.

Dans ces conditions, le personnel médical palestinien est «exténué», «dans la peur permanente d'être ciblés tous les matins», mais «résilient», affirme Bérangère Guais. «Il n'y a plus d'espoir dans leurs yeux. Ils manquent de tout mais continuent malgré tout à essayer de venir travailler en prenant des risques énormes, se faire arrêter aux checkpoints, tout ça, c'est vraiment c'est sans précédent.» MSF, ONG française récipiendaire du Nobel de la paix en 1999, n’est pas épargnée. L'une de ses résidences, au sud, a été prise pour cible le 20 février, malgré avoir notifié «aux parties au conflit» tous ses déplacements et la localisation de ses structures. Goutte d’eau dans ce désastre, elle a récemment ouvert soixante lits à Rafah pour soigner des grands brûlés et des patients polytraumatisés. Mais les capacités d’action se réduisent. Selon Bérangère Guais, la catastrophe se paiera aussi à long-terme. «Il faudra des années pour remettre en place un système de santé fonctionnel à Gaza.»

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29 février 2024, 11:00