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Camp de déplacés de al-Ghaidha, le 11 avril 2022. Camp de déplacés de al-Ghaidha, le 11 avril 2022. 

Au Yémen, la meilleure forme d'aide serait la paix

«Arrêtez la violence, nous n'avons pas besoin d'une autre guerre», lance la porte-parole de l'organisation de défense des droits de l'Homme Mwatana, Rania Awn, au micro de Vatican alors que le conflit en cours à Gaza a conduit à des tensions en mer Rouge, exacerbant une crise humanitaire déjà désespérée dans le pays en guerre depuis 2014.

Francesca Merlo - Cité du Vatican

Pas de salaire, disparitions forcées, faim, torture, détention... Voilà ce que vit la population du Yémen. Et même après le cessez-le-feu de 2022, «rien n'a changé». C'est ce qu'affirme Rania Awn, responsable des médias, de la communication et du plaidoyer à Mwatana for Human Rights, une organisation yéménite de défense des droits de l'Homme, qui, face à l'escalade des tensions en mer Rouge due aux attaques des Houthis et à la riposte aérienne des États-Unis et du Royaume-Uni, s'exclame sans ambages: «Nous n'avons pas besoin d'une autre guerre». Elle fait référence à l'escalade géopolitique entourant la guerre à Gaza, dont les conséquences commencent à se répercuter au Yémen, où plus d'une décennie de conflit et de violence a débouché sur l'une des crises humanitaires les plus désastreuses au monde.

«Nous n'avons pas reçu de salaire depuis sept ans. Nous vivons dans la faim. Nos droits de l'Homme sont violés quotidiennement. Il n'y a pas d'espoir, et chaque fois que nous commençons à voir une lueur d'espoir, nous sommes forcés de vivre à nouveau dans l'obscurité», déclare Rania Awn.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes

Les chiffres illustrent clairement l'appel désespéré de l'organisation. Plus de 20 millions de Yéménites ont besoin d'une aide humanitaire depuis que la guerre civile a éclaté en 2014. 4,5 millions de personnes ont été déplacées et 154 000 ont été tuées dans des actions militaires depuis que la coalition dirigée par l'Arabie saoudite a commencé ses opérations militaires en 2015. Même après le cessez-le-feu de 2022, en réalité «peu de choses ont changé», déclare Rania Awn. «Oui, ajoute-t-elle, les frappes aériennes menées par l'Arabie saoudite ont cessé, mais toutes les autres violations des droits de l'Homme persistent et les gens vivent dans la misère.

L'espoir s'évanouit

Parmi les millions de personnes déplacées à l'intérieur du Yémen, un nombre incalculable d'entre elles vivent dans des maisons et des campements de fortune. «Après le cessez-le-feu de 2022, certaines personnes ont tenté de rentrer chez elles, mais elles ont trouvé des mines non explosées au sol qui les ont tuées ou blessées. Les personnes déplacées manquent de tout ce qui est nécessaire pour mener une vie digne, y compris le fait qu'elles ont tout perdu. «Certains n'ont même pas de papiers d'identité», rapporte Rania Awn. Cela signifie que même s'ils ont des enfants, ils ne peuvent pas les enregistrer. De plus, «ils n'ont plus accès à l'eau, à l'éducation, aux services de santé. Ils n'ont rien...»

Agir malgré la menace

«Après la guerre à Gaza et la guerre en Ukraine, l'attention du monde s'est déplacée», souligne la porte-parole de Mwatana. Les Yéménites ne reçoivent pas l'aide dont ils ont besoin, et le peu qui arrive est contrôlé par les militants chiites Houthis, qui «se le distribuent entre eux».

Il est également difficile de s'appuyer sur des organisations locales comme Mwatana, car «si nous commençons à fournir de l'aide humanitaire, les parties en conflit nous attaqueront», explique la responsable de la communication. L'organisation fait donc «le peu qu'elle peut», malgré les risques. «Nous avons une unité de soutien juridique qui fournit une assistance aux victimes, par exemple nous fournissons un soutien juridique aux victimes de détention arbitraire et de torture. Mais nous souffrons... Nous souffrons de tant de difficultés». Rania Awn se souvient d'un voyage qu'elle a tenté d'effectuer il y a seulement quatre mois à Amman, en Jordanie: «On m'a empêchée de voyager en raison de mon travail». «Nos avocats qui travaillent avec les victimes sont souvent arrêtés, ils disparaissent, on leur dit ce qu'ils doivent faire et ce qu'ils ne doivent pas faire. Et c'est pour ces mêmes raisons qu'ils ne peuvent pas apporter d'aide humanitaire», poursuit-elle.

Appel à la communauté internationale

L'appel de cette femme est de «mettre fin à la guerre à Gaza», car «nous n'avons pas besoin d'une autre guerre au Yémen». Rania Awn appelle également la communauté internationale à cesser de soutenir les groupes armés et à mettre fin à la violence. «Je pense que nous sommes tous d'accord sur la nécessité d'arrêter la guerre partout dans le monde», dit-elle. «Nous avons besoin de paix, c'est tout».

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09 février 2024, 18:52