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Le président Yoon dirige la Corée du Sud depuis mai 2022. Le président Yoon dirige la Corée du Sud depuis mai 2022.   (ANSA)

Guerre en Corée: une escalade artificielle

Dernier coup d’éclat de Pyongyang, capitale nord-coréenne avec le lancement d’un satellite espion mi-novembre. La Corée du Sud a réagi en reprenant les vols de surveillance le long de la frontière et a lancé également son propre satellite de surveillance militaire. Une escalade qui est loin de mener à la guerre selon Arnaud Leveau, membre du comité d’orientation d’Asia Centre et enseignant à Paris Dauphine. Entretien.

Entretien réalisé par Jean-Benoit Harel - Cité du Vatican

Après deux échecs courant 2023, la Corée du Nord a réussi le lancement d’un satellite en orbite, Séoul accuse Moscou d’être à la manœuvre. Pourquoi la Russie aurait intérêt à intervenir auprès de la Corée du Nord?

Ce sont des relations anciennes et assez proches en ce qui concerne la Corée du Nord et la Russie naturellement. On observe un regain des tensions: un certain nombre d'accords ont visiblement été pris en septembre dernier lors de la visite de Kim Jong-un en Russie. Nous n’avons pas accès à l'ensemble des éléments mais il semblerait qu'un certain nombre d'équipements militaires nord-coréens a été fourni à la Russie et qu'en échange, cette dernière ait accepté de coopérer sur certains dossiers technologiques, notamment sur le spatial.
Il semblerait que le satellite aujourd'hui fonctionne, que plusieurs clichés aient été pris, notamment du Pentagone, de la Maison-Blanche et de la base navale de San Diego et autres. Toutefois, les Américains ont tendance à minorer le risque en disant qu’un certain nombre de clichés ont déjà été publiés et sont disponibles en sources ouvertes. Ils ne semblent pas particulièrement inquiets par rapport aux nouvelles technologies qu'aurait obtenues la Corée du Nord.

On observe une augmentation des tensions autour de la zone démilitarisée entre les deux Corées avec la fin de l’accord signé en 2018. Qu’est-ce qui selon vous pourrait éviter que le conflit ne dégénère en guerre?

Il faut se rappeler que les deux Corées sont toujours officiellement en état de guerre puisqu'aucun traité de paix n'a été signé au terme de la guerre de Corée, mais simplement une armistice. Formellement, les deux États sont en guerre, même si c'est un conflit gelé. Il existe plusieurs mécanismes qui pourraient empêcher que cela ne dégénère, comme par exemple la ligne directe entre Pyongyang et Séoul qui a été mise en place à plusieurs reprises.
La plupart du temps, les montées en tension sont des conséquences de provocations réciproques, généralement de manœuvres militaires américano-sud-coréennes à proximité de la Corée du Nord et de réponses nord-coréennes parfois un peu exagérées. Mais généralement, la situation reste sous contrôle, excepté quelques moments de fortes tensions comme en 2010 quand la Corée du Nord a coulé une corvette sud-coréenne ou le bombardement de l'île de Yeonpyeong également en 2010.
On assiste aujourd'hui à une sorte de recomposition de deux blocs antagonistes qui se font face. On voit une alliance américaine en Asie du Nord-Est se renforcer avec en réponse une plus forte coordination entre la Russie et la Corée du Nord, mais également la Chine et d'autres partenaires. Donc oui, il y a cette rivalité qui refait surface. Je pense qu'aussi bien la Chine que les États-Unis, n'a intérêt à une reprise du conflit dans la péninsule coréenne et les deux camps font bien attention à ce qu'aucune ligne rouge ne soit dépassée et préfère une sorte de maintien d'un statu quo dans la péninsule coréenne.

Que craint le président sud-coréen pour resserrer ses liens avec les États-Unis?

Dans la tête de M. Yoon Suk-Yeol se profile l'idée d'un possible retour de Donald Trump à la présidence des États-Unis en 2024 et d'une reprise du dialogue direct entre les États-Unis et la Corée du Nord. Le président précédent, Moon Jae-In, a fait preuve d'une certaine ouverture, notamment en réponse aux pressions américaines, pour que leurs deux alliés principaux en Asie du Nord, à savoir le Japon et la Corée du Sud, fassent preuve d'une plus grande entente et plus de coordination en matière de défense.
Et même si cela semble aujourd'hui improbable, un accord est toujours possible entre Kim Jong-un et Donald Trump. Ce serait un scénario catastrophe pour la Corée du Sud car IL engendrerait un retrait partiel des forces américaines de la péninsule. Faire monter les tensions aujourd'hui avec le Nord permet de rappeler aux partenaires américains la complexité de la situation, et que ce n'est pas le moment de lâcher.

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05 décembre 2023, 17:55