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Vue sur Dubaï, qui accueillera la COP28 du 30 novembre au 12 décembre 2023. Vue sur Dubaï, qui accueillera la COP28 du 30 novembre au 12 décembre 2023.   (AFP or licensors) Les dossiers de Radio Vatican

COP28 de Dubaï, les enjeux et les attentes

C’est une conférence planétaire aux enjeux cruciaux. La COP28 se tiendra à Dubaï aux Émirats arabes unis du jeudi 30 novembre au mardi 12 décembre. Pour la première fois, un Souverain pontife fera le déplacement: François prendra la parole à la tribune de la COP28 samedi 2 décembre. Alors que l’année 2023 est la plus chaude jamais enregistrée sur Terre, décryptage des enjeux de ce grand rendez-vous du climat.

Marine Henriot – Cité du Vatican

La liste n’est pas encore définitive, mais plus de 200 chefs d’États et leurs représentants seront à la tribune de la COP28 à Dubaï pour présenter leurs doléances, promesses et actions les vendredi 1er et samedi 2 décembre. Puis pendant une dizaine de jours, place au travail des délégués, des associations de défense de l’environnement, des groupes de réflexion, des entreprises et des lobbyistes pour négocier, débattre et s’entendre sur différents projets de textes.

L’année dernière, lors de la COP27 à Charm el-Cheikh en Égypte, les États membres avaient difficilement trouvé un accord sur la création d’un fonds destiné aux pays vulnérables déjà touchés par les changements climatiques. Ce fonds «pertes et préjudices» est discuté depuis plusieurs années. Si les pays sont d’accord sur sa création, c’est à Dubaï qu'il va falloir trancher à propos de ses sources de financement et des bénéficiaires.

«Pertes et préjudices», de quoi parle-t-on?

C’est l’enjeu numéro un de cette COP. Les «pertes» font référence aux pertes matérielles et économiques, telles que des habitations inondées par la montée des eaux, ou le déplacement de population impactée par la sécheresse.

En revanche, le terme «préjudices» fait davantage débat. Comme l’explique Mirey Atallah, responsable de la branche Nature et climat dans la division des écosystèmes du PNUE (programme des Nations unies pour l’environnement), les préjudices sont «non économiques». Cela peut par exemple être la perte de l’identité nationale, «lorsque des territoires nationaux viennent à disparaître ou à être effacés», la perte d’identité culturelle, cultuelle et spirituelle, détaille la spécialiste depuis Nairobi au Kenya, avant de citer une illustration.

Au Bénin, plusieurs forêts sont considérées comme sacrées, car elles abritent des peuples autochtones, des communautés locales et une espèce papillon très spécifique, insecte fragile fortement menacée par la fluctuation des températures. «Avec la perte de cette espèce de papillons, c'est tout l'aspect culturel et spirituel de ces forêts qui est perdu pour les populations autochtones. Des exemples comme cela, il y en a partout dans le monde», note Mirey Atallah.

Dans les salles de réunions et dans les couloirs de l’Expo City de Dubaï, les négociateurs se pencheront sur une définition des «préjudices» et sur les modalités de capitalisation de ce fonds. «Une question toujours ouverte», précise Mirey Attalah du PNUE, pointant du doigt une divergence entre les pays touchés par les impacts des changements climatiques et les pays qui sont traditionnellement bailleurs.

«Il y a un petit peu une dichotomie, lorsque l’on parle d'un fonds qui apporterait des financements et que d'un autre côté, l'on parle de perte de valeurs qui sont intangibles», note l’experte des Nations unies.

Les objectifs de l'accord de Paris sont-ils enterrés?

Pour la première fois, lors de la COP21 en décembre 2015 à Paris, les 195 parties (c’est-à-dire les États signataires de la CCNUCC de 1992 à Rio de Janeiro) étaient parvenus à un accord et s'étaient engagés à mettre en place des mesures pour contenir «l'élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels et en poursuivant l'action menée pour limiter l'élévation de la température à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels, étant entendu que cela réduirait sensiblement les risques et les effets des changements climatiques». Cette mesure est le cœur de l’accord de Paris.

Ce 20 novembre, à une dizaine de jours de l’ouverture de la COP28, un rapport des Nations unies tombait tel un couperet: les engagements climatiques pris par les pays du monde entier placent la planète sur une trajectoire de réchauffement catastrophique allant jusqu'à 2,9°C au cours de ce siècle, bien au-delà des limites fixées par la communauté internationale dans l’accord de Paris, note le texte.

Ces niveaux de réchauffement sont bien trop élevés pour espérer limiter les effets les plus cruels du changement climatique, qui se traduit déjà par des feux incontrôlables, des inondations dévastatrices ou des sécheresses privant des populations de revenus et de nourriture, avec un réchauffement actuel moyen de 1,2°C.

Quant à enterrer l’accord de Paris, «nous osons espérer que non», déclare Mirey Atallah. «Beaucoup pourront dire que par exemple 0,3 degrés ne représente rien du tout. À ceux qui disent ça, j'encourage à réfléchir à ce que 0,3 degré représente en termes d'augmentation de température corporelle». Par ailleurs, une augmentation de 0,3 degré signifie que le climat à Rome en Italie serait équivalent au climat à Tripoli, en Libye.

Le choix des Émirats arabes unis

Dans le jargon, COP28 signifie 28eme conférence des États signataires de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, la CNUCC signée en 1992, lors du Sommet de la Terre à Rio de Janeiro.

Après Glasgow en Écosse et Charm el-Cheikh en Égypte, le grand rendez-vous de la lutte contre les changements climatiques a lieu cette année à Dubaï, aux Émirats arabes unis, comme le veut le roulement entre les cinq pôles régionaux de l’ONU (l’Afrique, l’Asie-Pacifique, l’Europe de l’Est, l’Europe de l’Ouest, l’Amérique latine et les Caraïbes). Tous les ans, les groupes régionaux décident en interne quel pays présentera sa candidature pour la présidence de la COP, une candidature ensuite soumise au secrétariat de l’ONU sur les changements climatiques.

La COP28 est présidée par Sultan al-Jaber, ministre de l’industrie et des technologies avancées des Emirats arabes unis, directeur général et PDG de la plus grande compagnie pétrolière et gazière émiratie. Une présidence qui suscite des critiques, notamment parmi les défenseurs de l’environnement. Reçu le 11 octobre au Vatican par le Pape François, le président de la COP28 s’est montré déterminé, «Nous sommes guidés par un seul point fixe: maintenir l'augmentation de la température à 1,5 degré Celsius», présentant les quatre piliers fixés pour ce rendez-vous: accélérer une transition énergétique juste et ordonnée; régler la question du financement de la lutte contre le changement climatique; mettre l'accent sur les populations, la nature, les vies et les moyens de subsistance; et soutenir ce processus en veillant à ce qu'il soit pleinement inclusif. 

Dans son exhortation apostolique, Laudate Deum, publiée quelques semaines avant l'événement, François consacre tout un chapitre sur «Que peut-on espérer de la COP28 de Dubaï». Rappelant que les Emirats arabes unis sont un grand producteur et exportateur d’énergies fossiles, «dire qu’il n’y a rien à espérer serait un acte suicidaire qui conduirait à exposer toute l’humanité, en particulier les plus pauvres, aux pires impacts du changement climatique», écrit le Souverain pontife.  

Entretien avec Mirey Atallah, responsable branche nature et climat au PNUE

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25 novembre 2023, 11:56