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Le calvaire des Gazaouis raconté au Pape

Ce matin avant l’audience générale, le Pape a reçu des proches d’otages israéliens retenus aux mains du Hamas, puis de Palestiniens qui se trouvent dans la bande de Gaza. Les médias du Saint-Siège ont pu les rencontrer et recueillir les témoignages de Suhair Anastas qui, avec sa fille, a pu quitter Gaza la semaine dernière, et Mohamed Halalo, qui vit en Belgique mais dont 30 membres de la famille ont été tués.

Ce mercredi matin, Suhair Anastas était au Vatican avec d'autres Palestiniens pour rencontrer le Pape François peu avant l'audience générale. «Lors de la rencontre que nous avons eue avec le Pape ce matin, chacun d'entre nous a raconté ce qu'il avait vécu. Chacun avait des histoires différentes, mais elles se terminaient toutes de la même manière: les gens de Gaza meurent».

Alors que le nombre de victimes est estimé à 14 000 morts dont 5 800 enfants, selon le bilan diffusé par les autorités palestiniennes, elle aimerait que les Gazaouis soient perçus comme des êtres incarnés. «Nous ne sommes pas que des statistiques», souligne-t-elle.

Aucun lieu sûr où s’abriter

Réfugiée avec les siens dans la paroisse latine de la Sainte Famille, Suhair Anastas était dans la ville de Gaza il y a encore quatre jours. «J'ai pu sortir de Gaza, avec ma fille de 16 ans, grâce à mon passeport canadien», dit-elle. La Palestinienne s’estime «chanceuse» d’avoir pu se réfugier dans une église, même si «ce n'était de toute façon pas un endroit sûr», car, ajoute-t-elle, «il n'y a pas d'endroit sûr chez nous. Vous vous endormez et vous ne savez pas si vous vous réveillerez le lendemain matin. C'est une expérience horrible. Quand vous laissez tout le monde derrière vous, vous vous sentez vraiment coupable».

L'exil entre peur et culpabilité

C'est précisément le sentiment de culpabilité et la peur du danger qui ont retardé son départ de la ville de Gaza, alors qu'elle avait obtenu, début novembre déjà, l'autorisation de se rendre au point de passage de Rafah, au sud de la bande de Gaza, puis en Égypte. Une fois la décision de partir prise, son voyage a été un véritable enfer: «Nous étions sept personnes, dont un enfant de sept ans et un autre d'un an. Nous avons conduit pendant des heures. Puis nous avons continué à pied. On entendait des combats, des bombes et des coups de feu tout autour de nous. Mais on ne pouvait rien faire, seulement marcher et brandir un drapeau blanc. C'était effrayant». L’enfant de sept ans n'arrêtait pas de demander à sa mère si elle allait mourir. Mais sa mère essayait plutôt d’être rassurante en répondant que «tout ira bien».

Le Pape avec les membres de la délégation palestinienne
Le Pape avec les membres de la délégation palestinienne

Le rêve de retourner à Gaza

«Je suis heureuse que nous ayons réussi à partir», dit encore Suhair en pensant à ceux «qui sont encore là-bas», dans la ville de Gaza détruite et assiégée, dans l'église latine où Suhair et sa fille s'étaient également réfugiées le 13 octobre. «Personne ne pouvait sortir de l'église parce que c’était dangereux», raconte la femme, «seules deux ou trois personnes pouvaient aller chercher des vivres».

Suhair et tous les membres du groupe de Palestiniens reçus par le Pape ont perdu des amis et des membres de leur famille à cause des bombardements israéliens. «Le plus dur», continue Suhair, «c'est de ne pas savoir ce qui se passe autour de soi. Parfois, on se dit que si quelque chose nous arrive, notre famille n'en saura rien». Au lieu de cela, sa famille l'attend maintenant en Jordanie, où vivent ses deux autres fils, étudiants à l'université. «Je rêve d'une vie sûre. Aujourd'hui, nous n'avons rien. Nous n'avons aucun projet d'avenir après tout ce que nous avons vécu. Tout le monde souhaite ce qu'il y a de mieux pour ses enfants et j'espère que ce sera possible». Au-delà des lendemains incertains qui l’attendent, Suhair émet le vœu de pouvoir un jour «retourner à Gaza».

Parésent dans la délégation, Mohamed Halalo. Depuis plusieurs années il s’est exilé en Belgique mais a perdu 30 membres de sa famille dans les frappes israéliennes, sur le camp de réfugiés Al Shati à Gaza. Il nous a confié son témoignage après la rencontre avec François

Mohamed Halalo, réfugié gazaoui

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22 novembre 2023, 17:05