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Le président rwandais Paul Kagame s'adressant aux délégués après avoir allumé la flamme de l'espoir du génocide rwandais, à Kigali. Le président rwandais Paul Kagame s'adressant aux délégués après avoir allumé la flamme de l'espoir du génocide rwandais, à Kigali.  Les dossiers de Radio Vatican

Rwanda: Paul Kagame dans la course pour un 4ème mandat

Après plus de vingt ans au pouvoir au Rwanda, le président Paul Kagamé renouvelle son engagement «à servir son pays tant qu’il pourra». Accusé de diriger le pays d’une main de fer, il se lance dans la course présidentielle pour un quatrième mandat en 2024 et pourrait rester au pouvoir jusqu’en 2034. Entretien avec Colette Braeckman analyste et journaliste spécialiste du Rwanda.

Myriam Sandouno – Cité du Vatican

Le Rwanda reste selon certains observateurs, l’un des pays les plus stables du continent africain. Mais l’opposition et plusieurs groupes de défense des droits humains accusent Paul Kagame, au pouvoir depuis 1994, de gouverner dans un climat de peur, et d’étouffer la liberté d’expression.

Agé de 65 ans, le président rwandais a fait savoir mi-septembre au magazine francophone Jeune Afrique qu’il serait bel et bien candidat aux prochaines élections prévues en 2024. Les dates de la présidentielle et des législatives seront synchronisées, a informé Kigali, dont les rapports avec Kinshasa, ne sont pas au beau fixe.

En effet le 17 octobre dernier, l’ONU s’est inquiétée d’un risque de «confrontation directe» entre la République démocratique du Congo et le Rwanda, en inimitié depuis la réapparition fin 2021 dans l'est congolais de la rébellion du M23.

Colette Braeckman journaliste spécialiste du Rwanda et analyste revient sur les raisons pouvant expliquer cette volonté de Paul Kagamé, de briguer un quatrième mandat.

Entretien avec Colette Braeckman, spécialiste du Rwanda

Paul Kagame est aux commandes du front patriotique rwandais, (FPR) pratiquement depuis le début de la guerre, en 1990. Puis après, il occupe les postes de vice-président, ministre de la Défense, et devient président après le génocide. Et maintenant, il estime qu'il est toujours la personne indiquée pour continuer à conduire le Rwanda dans ce qu'il appelle la voie du relèvement, du progrès. Il avait pris soin de modifier la constitution, et cette nouvelle constitution l'autorise à rester au pouvoir jusqu'à 2034.

L’on constate que la candidature de Paul Kagame à un quatrième mandat reste une nouvelle sans surprise pour les Rwandais…

C'est sans surprise, on savait bien qu'il le souhaitait. Quand on voit toutes ces déclarations, il est satisfait, il estime que le Rwanda, ce qui est vrai d'ailleurs, était dans un état que l'on connaît après le génocide de 1994. Il a donc essayé de redresser le pays, de le stabiliser, de lui donner une impulsion de développement économique réelle. Dans une interview, il disait: «je ne peux pas obliger mes compatriotes à s'aimer, mais je peux en tout cas les obliger à vivre entre eux pacifiquement, la paix civile doit régner». Il estime que ce bilan-là est positif, et il veut le poursuivre vers ce qu'il appelle un réel décollage économique, où dans ses ambitions, le Rwanda deviendrait une puissance moyenne, pas un petit pays oublié sur la cartem mais une véritable puissance.

L'opposition rwandaise ne serait-elle pas réduite au silence? Est-ce qu'il existe aujourd'hui une véritable opposition face au pouvoir de Paul Kagame, qui, il y a quelques années, a modifié la constitution?

Pas du tout. Il y a des voix discordantes, des voix dissidentes, mais elles s'expriment à l'extérieur du pays. Il y a le mouvement RNC pour la rénovation, (Rwanda National Congress) qui est en Afrique du Sud, dirigé par le général Kayumba, un ancien membre éminent du FPR (Front patriotique rwandais). Mais aux yeux du président Kagame, ses opposants qui ont été obligés de quitter le pays pour préserver leur vie, sont des «extrémistes, voire des terroristes», et il mène contre eux des actions de répression. Il accuse son voisin congolais de les soutenir. En tout cas, ils ne pourraient pas exercer librement, disons, leur contestation à l'intérieur du Rwanda. Oui, il y a des gens qui appartiennent à l'ancienne opposition Hutu, traités de génocidaires, ce qui est évidemment de nature à les faire taire.

Il n'y a pas eu beaucoup de réactions du côté de l'Occident après cette annonce de Paul Kagame. Qu'est-ce qui explique cela?

Non, il n'y a pas eu beaucoup de réactions. Parce que ce n'est pas une surprise, parce que ce n'est pas anticonstitutionnel, puisque la Constitution l’y autorise. Parce que l'Occident finalement considère qu'il fait régner une certaine stabilité dans son pays. Même si c'est le quatrième mandat, l'Occident accepte cela et ce n'est que dans certains journaux, dans certains milieux que des critiques sont formulées. En plus, le Rwanda a une diplomatie très active, il rend des services réels aux Nations unies en envoyant des troupes au Mozambique, en République centrafricaine, qui contribuent à stabiliser, qui luttent contre des groupes islamistes. Et donc, d'une certaine façon, l'Occident lui est un peu reconnaissant pour cela, et notamment la France. Le Rwanda a envoyé des troupes dans le nord du Mozambique, qui ont réussi à stabiliser la situation dans la province de Cabo Delgado, pour le plus grand bénéfice de la société française Total, qui a de gros investissements là-bas, et qui peut ainsi poursuivre ses opérations économiques.

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26 octobre 2023, 12:00