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Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou. Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou.   (AFP or licensors) Les dossiers de Radio Vatican

L'échec stratégique de Benyamin Netanyahou

Vingt jours après l’offensive meurtrière du Hamas au sud d’Israël, retour sur l’aveuglement stratégique du gouvernement israélien de Benyamin Netanyahou avec Charles Enderlin, correspondant de France 2 en Israël pendant 35 ans.

Entretien réalisé par Alexandra Sirgant – Cité du Vatican

En se radicalisant ces dernières années, le gouvernement israélien a délibérément fait monter en puissance le Hamas à Gaza, dans le but de rendre impossible la création d'un État palestinien. C'est ce qu'explique Charles Enderlin, ancien correspondant en Israël pour France 2, dans son dernier livre Israël. L'agonie d'une démocratie. Selon le journaliste franco-israélien, l'attaque meurtrière menée par le mouvement islamiste le 7 octobre est la conséquence tragique de l'obsession de la droite nationaliste et des fondamentalistes messianiques d'annexer la Cisjordanie, après l'échec des accords d'Oslo de 1993. Son entretien avec Radio Vatican – Vatican News à lire et à écouter ci-dessous.

Entretien avec Charles Enderlin, ancien correspondant en Israël pour France 2.

Que s’est-il passé le 7 octobre 2023?

Le 7 octobre a été une surprise stratégique militaire, avec des renseignements aveugles, une frontière mal défendue et une barrière de sécurité qui a couté 1 milliards de dollars et qui a été percée en à peine dix minutes... Le gouvernement de Benyamin Netanyahou était persuadé qu’il avait suffisamment de force de dissuasion pour empêcher les Palestiniens d’envisager une offensive de grande envergure. Il pensait peut-être qu’ils n’oseraient pas, ou peut-être qu’ils n’auraient pas les moyens de le faire, mais il s’est trompé sur toute la ligne.

Comment expliquer cet échec ?

C'est un échec total pour le gouvernement de Benjamin Netanyahou, car c'est lui qui, depuis 2009, a autorisé le financement du Hamas, en passant premièrement par le Qatar, puis ensuite probablement par d'autres sources. Vous savez, régulièrement, un émissaire arrivait du Qatar dans un jet privé à l'aéroport David Ben Gourion de Tel-Aviv. Il en sortait avec des valises pleines de billets de dollars, et il était escorté par la police israélienne. Il était conduit à Gaza où il remettait l'argent au Hamas et ensuite repartait. Cela a été autorisé par Benjamin Netanyahou après son retour au pouvoir en 2009.

Quel était l’objectif derrière ce financement ? La stratégie de «diviser pour mieux régner»?

Il s'agissait en fait d’empêcher la création d'un État palestinien. Ça a été décidé d'abord en 2005 par Ariel Sharon, qui a ordonné le retrait des colonies [israéliennes] de Gaza. Ensuite, lui et son successeur ont laissé le Hamas présenter des candidats aux élections palestiniennes. En 2007, lorsque le Hamas a pris le contrôle militaire de Gaza, c'est-à-dire a pris le contrôle de toutes les positions de la police palestinienne de Mahmoud Abbas, le Premier ministre Ehud Olmert a interdit à l'armée israélienne d'intervenir.

L’idée étant que, pour qu’Israël contrôle la Cisjordanie et empêche la création d’un État palestinien, il fallait que le Hamas tienne Gaza. Et c’est ce qu’il s’est passé. Quelles que soient les guerres, les accrochages violents entre Israël et Gaza, Israël a toujours veillé à ne pas liquider la direction entière du Hamas, tout en sachant exactement où elle se trouvait.

Benyamin Netanyahou a fait entrer au gouvernement les ultra-orthodoxes et le parti sioniste religieux. Comment est-ce que cela a impacté sa politique?

Benyamin Netanyahou lui-même vient d'un mouvement nationaliste dur auquel appartenait son père. Son père était un historien connu qui a maintenu cette idéologie selon laquelle l'État d'Israël et les Juifs, sont toujours menacés par l'extérieur. C'est sa vision et c'est cela que Benjamin Netanyahou a fini par mettre en place.

Maintenant, les sionistes religieux sont les alliés de Benjamin Netanyahou, de même que les ultra-orthodoxes. Les sionistes religieux sont en faveur de la colonisation accélérée de la Cisjordanie. Pour eux, la Cisjordanie c'est la Judée-Samarie et, en tant que telle, Dieu a offert ce territoire aux Juifs et ils doivent s'y installer, aux dépens des Palestiniens.

Comment réagit la société israélienne face à ce conflit? L'Union sacrée mise en avant depuis le 7 octobre est-elle solide?

Non ! Jamais la société israélienne n'est entrée dans une guerre aussi divisée. D’abord, il y a eu un véritable chaos durant les premiers jours de cette guerre, le gouvernement n'a pas fonctionné et les mouvements prodémocratie, qui manifestaient contre le gouvernement depuis des mois, ont pris les choses en main. Ils ont créé des groupes d'intervention et ont fondé des petites salles d'opération pour diriger, par exemple, les réservistes qui doivent se rendre dans leurs unités ou encore aider les personnes qui ont été évacuées.

Tout en continuant de critiquer et de rejeter tout accord avec le gouvernement d'extrême droite religieux orthodoxe, la société civile prend aujourd’hui les choses en main pour remplacer le pouvoir là où il n'est pas capable d'aider la population.

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26 octobre 2023, 15:33