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Le président français Emmanuel Macron lors de son discours sur l'Afrique lundi 27 février à l'Elysée Le président français Emmanuel Macron lors de son discours sur l'Afrique lundi 27 février à l'Elysée  (AFP or licensors) Les dossiers de Radio Vatican

La politique africaine de la France à l’épreuve du changement

Alors qu’il participe ce mercredi au One Forest Summit au Gabon, le président français a présenté lundi les grandes lignes de sa politique envers l’Afrique. Emmanuel Macron a affirmé que la France était «au milieu du gué», que l’Afrique n’était plus son «pré carré» et qu’il voulait «bâtir une nouvelle relation équilibrée, réciproque et responsable». Énième discours sur l’Afrique, ou vraie volonté de changer ?

Entretien réalisé par Xavier Sartre – Cité du Vatican

Le discours d’Emmanuel Macron sur la politique africaine de la France était attendu. Après celui de Ouagadougou en 2017, c’est la seconde fois que le président français expose sa vision des relations entre Paris et les capitales du continent africain. Après le retrait des forces armées françaises du Mali et du Burkina Faso et une contestation de plus en plus forte de la présence française dans ses anciennes colonies, le chef de l’État se devait de réagir.

En matière sécuritaire, un changement de stratégie se profile: les effectifs militaires vont connaitre «une diminution visible» et les bases françaises vont accueillir davantage de troupes locales, évoluant en académies ou écoles militaires. Plus question pour l’armée française d’agir en première ligne comme au Mali en 2012, mais plutôt en second rideau, laissant l’initiative aux armées africaines. «Mais les Africains n’ont pas besoin d’un second rideau mais d’un rideau transparent, à travers lequel on voit clairement ce qu’il se passe», affirme Francis Kpatindé, journaliste et enseignant à Sciences Po Paris. «Soixante-trois ans après les indépendances, les Africains ne veulent plus de présence militaire française. Ils ont envie d’écrire les pages de leur propre histoire et d’en assumer les échecs comme les réussites», poursuit-il.

Humilité et écoute

Le changement de cap de la France ne concerne pas que les questions de sécurité mais toute l’approche des Français de l’Afrique. Francis Kpatindé reconnait «une volonté réelle de changer parce qu’Emmanuel Macron voit qu’avec les politiques actuelles et celles qui les ont précédées, la France va à sa perte en Afrique». Les pays africains «ont besoin d’un pays qui les séduise, qui accepte la compétition au même titre que les Chinois, les Brésiliens, les Indiens, ou les Turc». «Ils veulent rompre le face-à-face», poursuit-il.

Message apparemment entendu à l’Elysée qui reconnait que la France doit accepter la compétition, faire preuve d’humilité, ne plus considérer l’Afrique comme son «pré carré», être davantage à l’écoute des besoins des pays africains et développer des partenariats d’égal à égal. «Il faut bâtir une nouvelle relation équilibrée, réciproque et responsable» a affirmé Emmanuel Macron lundi.

Les entreprises interpellées

Le président français a sermonné les entreprises françaises qui prennent de haut les Africains et qui pensent que leurs positions sont acquises. «Il a eu raison», considère l’enseignant à Sciences Po Paris. Trop souvent les sociétés françaises envoient «des sous-fifres» dans les voyages présidentiels ou pour négocier ou conclure un contrat, au contraire des concurrents étrangers. Or, «si vous voulez conquérir les marchés, il faut y mettre les moyens», reconnait Francis Kpatindé.

Pour mettre en œuvre tous ces changements il faudra du temps. Le journaliste et enseignant estime qu’il faudra sans doute des dizaines d’années pour que les choses changent. Il faut aussi que tous les acteurs, publics comme privés, évoluent. «C’est l’État, la diplomatie française, l’état-major de l’armée, les cadres, les grands chefs d’entreprise, qui doivent comprendre que pour gagner les marchés en Afrique, il faut cesser de dicter. Les dirigeants français doivent passer de la posture de celui qui dicte à celui qui écoute», conclut-il.

Écoutez l'entretien avec Francis Kpatindé, journaliste et enseignant à Sciences Po Paris

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01 mars 2023, 09:49