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Manifestation à Bordeaux en France, un an après le début de la guerre en Ukraine, le 25 février 2023. Manifestation à Bordeaux en France, un an après le début de la guerre en Ukraine, le 25 février 2023.   (AFP or licensors)

Des réfugiées ukrainiennes à Lourdes, où Dieu donne de l'espérance

Dans une interview accordée à Vatican News, deux Ukrainiennes, Olena et Iryna de Melitopol, ville occupée par les Russes depuis février 2022, reviennent sur leur départ de l’Ukraine pour le sanctuaire marial de Lourdes en tant que réfugiées, aidées par la Caritas locale. Elles confient s’être rapprochées de Dieu dans ce lieu, malgré les traumatismes vécus en Ukraine.

Svitlana Dukhovych - Cité du Vatican

Nous avons rencontré ces deux femmes ukrainiennes, Iryna et Olena à Lourdes, dans le Sud-Ouest de la France, où elles sont arrivées avec d'autres réfugiés d'Ukraine. Elles affirment avoir eu peur de quitter Melitopol, «nous voulions rester dans notre ville, dans notre rue, dans notre maison. Mais au cours du premier mois d'occupation, tout a commencé à se transformer en un lieu complètement étranger», raconte Iryna, en s'efforçant de retenir ses larmes.

Dans la rue, ajoute-t-elle, plus rien ne la réjouissait, ni les arbres, ni les parterres de fleurs, ni les gens. Il y avait des «visages étrangers», note-t-elle. Cela fait presque un an qu'elle et son amie Olena ont quitté Melitopol, occupée par les Russes, mais ni le temps, ni la distance ne peuvent apaiser la douleur.

Départ de Melitopol

Melitopol, dans le Sud de l'Ukraine, a été occupé par les troupes russes le 26 février 2022. À ce moment-là, il est devenu «moralement insupportable» pour Iryna de rester, et elle décide de partir, en compagnie de quelques voisins. C'était le jour de la grande fête religieuse de «l'Annonciation», se souvient-elle. «Deux familles qui avaient décidé de partir en voiture m'ont emmenée avec une autre fille qui fuyait la région de Louhansk. Nous avions tellement peur, nous ne savions pas ce qui nous attendait», dit-elle.

Iryna explique que chaque jour, des informations différentes leur parvenaient, soulignant que certains avaient réussi à atteindre les zones contrôlées par le gouvernement ukrainien, d'autres avaient essuyé des tirs, ou avaient explosé sur des mines. Mais, «le Seigneur nous a aidés, car par rapport à ce que d'autres ont vécu, même certaines de nos connaissances, nous avons très bien voyagé, sans situations dangereuses», reconnait-elle.

L'entretien se poursuit avec de nombreuses pauses, les deux femmes ne retenant pas leur émotion. Olena, assise à côté d'Iryna, est la voisine qui lui a offert la place dans la voiture. «Pour nous, la guerre a commencé en 2014», explique-t-elle, car Melitopol est à environ 200 km de Mariupol. «Au cours de l'été 2014, de nombreux soldats ukrainiens blessés ont été amenés dans notre ville, et nous les avons aidés en tant que volontaires. J'ai ressenti toute cette douleur, même à ce moment-là, il était donc impensable pour moi de vivre dans l'occupation», confie Olena.


Le voyage à Lourdes

Il n'a pas été facile pour Olena, son fils adolescent et son mari, qui a son propre commerce à Melitopol depuis 25 ans, de quitter la ville. Après avoir passé neuf points de contrôle, ils ont atteint Dniepro, où ils se sont arrêtés pour une nuit, avant d'arriver à Vinnytsia, dans le centre de l'Ukraine, où ils ont été accueillis par des étrangers. «J'ai vu combien notre pays compte de personnes généreuses, bienveillantes et ouvertes. C'est pour cela que notre Ukraine tient le coup», souligne encore Olena, née au Tadjikistan, où elle est restée jusqu'à l'âge de 21 ans, avant de s'installer en Ukraine en 1991.

«Je me considère comme ukrainienne», explique-t-elle, «mon mari est ukrainien, mes enfants sont ukrainiens. Et l'Ukraine est ma patrie». Après avoir quitté Vinnytsia, Olena et sa famille, ainsi qu'Iryna, sont arrivées à Lviv. Une semaine plus tard, la décision de partir à l'étranger est prise, après l'offre d'emploi de son mari à Nice, qui n'a cependant pas abouti, puis se fait le déménagement à Lourdes.

La femme se souvient du jour de leur arrivée, lorsqu'ils ont été accueillis par les responsables de la Caritas locale, le maire de la ville, les propriétaires et le personnel de l'hôtel qui les hébergeait. «Nous avons été accueillis de manière solennelle et chaleureuse, avec des coupes de champagne», ajoute-t-elle avec enthousiasme, «et ils s'occupent toujours de nous, alors je remercie les Français, toutes les personnes qui nous aident et ne nous laissent pas seuls».

La diaspora ukrainienne

Autre surprise pour les réfugiés: la présence d'une petite diaspora ukrainienne à Lourdes, qui se rassemble autour de l'église gréco-catholique ukrainienne de l'Assomption de la Mère de Dieu, construite en 1982. Cette église est devenue «une seconde maison pour nous», affirme Olena; «le curé et les deux religieuses ukrainiennes qui l'assistent sont devenus ma famille. Ils s'occupent des Ukrainiens et nous aident beaucoup».

L'église ukrainienne aide également le fils d'Olena qui, comme tous ses pairs adolescents, a du mal à s'adapter à de nouvelles circonstances et à surmonter le stress. L'école publique de Lourdes, où il a été admis gratuitement, est très bonne et maintenant, dans l'église ukrainienne, il a commencé à être pasteur, ce qui est nouveau et inhabituel pour lui. «Peut-être que grâce à cela, il pourra vivre tous ces changements de manière moins dramatique», espère sa mère.

La guerre prend, Dieu donne

«À Lourdes, je me suis vraiment rapprochée de Dieu», poursuit Olena, «je crois que c'est Lui qui m'a amenée ici. Nulle part au monde, à part chez moi, je ne me sentirais mieux qu'ici, ici je suis bien, je suis en paix». Même si sa maison, ses parents, ses amis, sa vie passée heureuse lui manquent, Olena reconnaît avoir tout de même trouvé quelque chose d'autre dans la vie, «j'ai trouvé Dieu», déclare-t-elle.

Le soir de son arrivée à Lourdes, Iryna se rend à la grotte et à la basilique. «Tout ce qui m'entourait, tout ce qui se passait autour de moi», se souvient-elle, «m'a permis de me distraire un instant des pensées liées à la guerre. Avec le temps, j'ai compris que ce n'était pas un hasard si j'avais atterri ici, car je ne peux pas imaginer comment j'aurais pu survivre tout ce temps dans un autre endroit».

Chaque fois, affirme-t-elle que «je me rends dans une ville de France et que je reviens, j'ai l'impression de rentrer chez moi. L'attitude des gens, des autorités locales et la chaleur avec laquelle ils nous aident sont très précieuses et rien ne peut les remplacer». C'est sans doute pour cela que «nous nous sentons chez nous». «Cette guerre nous enlève beaucoup», conclut Olena, «mais Dieu, en même temps, nous donne autre chose, les circonstances nous ont amenés ici et quelle que soit la fin de mon destin, Lourdes restera pour moi la ville de ma force, où je reviendrai comme si c'était chez moi».

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15 mars 2023, 11:55