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Grande surface alimentaire dans l'East End de Londres, le 10 janvier 2022. Au Royaume-Uni, l'inflation a atteint 5.1% en novembre 2021, son plus haut niveau depuis dix ans. Grande surface alimentaire dans l'East End de Londres, le 10 janvier 2022. Au Royaume-Uni, l'inflation a atteint 5.1% en novembre 2021, son plus haut niveau depuis dix ans.  

L'économie mondiale noircie par les records d'inflation

États-Unis, zone euro, Royaume-Uni: les économies locomotives affichent en cette fin d'année 2021 et début 2022 des taux d'inflation historiques. Seule l'économie chinoise semble épargnée. Un déséquilibre entre une demande qui explose et une offre contrainte par des pénuries durables dans la chaîne d'approvisionnement et les fluctuations des cours des matières premières en est à l'origine.

Entretien réalisé par Delphine Allaire - Cité du Vatican

La flambée des prix un peu partout dans le monde est une préoccupation majeure des ménages et investisseurs. L’inflation affole en ce moment les compteurs: 5% dans la zone euro en décembre, 7% aux États-Unis, du jamais vu en quarante ans. 


Une inflation alimentée par l’explosion de la demande, -la consommation de biens, au détriment des services, à la suite de la crise sanitaire-, qui entraîne ruptures de stock, pénuries, engorgements de la production, et donc mathématiquement une envolée des prix de l’énergie et des matières premières. 

Philippe Waechter, directeur de la Recherche économique chez Ostrum Asset Management, filiale de Natixis, décrypte les causes et conséquences de cette inflation inédite. 

Entretien avec Philippe Waechter, chef économiste Ostrum AM

Quelles sont les causes de l’inflation actuelle ?

Il y a trois phénomènes: l’accélération de la demande début 2021 due à la reprise de l’économie chinoise, hissant l’ensemble des échanges internationaux; la réduction de l’incertitude sanitaire, la levée d’un certain nombre de contraintes et la vaccination, qui font que les gens se sont sentis moins contraints dans leurs comportements, accentuant la demande de biens; et enfin, la ruée des ménages américains sur les biens plutôt que sur les services –restaurants, tourisme.

Au même moment, face à cette demande exceptionnelle, les entreprises avaient des stocks réduits. Cela a créé un fort déséquilibre à l’échelle internationale. Cette augmentation de la demande a provoqué une hausse du prix de l’énergie et des matières premières -forte demande de pétrole, électricité, gaz, cuivre. Or, les entreprises productrices de ces matières premières ont eu tendance à réduire leur capacité au cœur de la pandémie. Par exemple, la moitié de l’inflation de la zone euro -5% en décembre 2021- s’explique par la montée des prix de l’énergie. Il y a eu des engorgements dans les ports, des ruptures des chaînes de valeur, des pénuries…

“La moitié de l’inflation en zone euro s’explique par la montée des prix de l’énergie.”

Quelles sont les conséquences de cette hausse des prix à la fois sur les ménages et les investisseurs?

Pour les ménages, cela se traduit par une baisse de pouvoir d’achat. Quand l’inflation atteint les 7% aux États-Unis, les salaires n’augmentent pas de 7%. Idem en zone euro. Face à cela, les gouvernements ont une réponse: en France, l’exécutif souhaite ainsi prendre en charge une partie de la hausse du prix de l’électricité. Le but est d’éviter l’indexation de l’inflation sur les salaires. Aucun gouvernement ne souhaite rentrer dans cette logique.

Cette inflation est-elle durable selon vos prévisions?

Si elle s’inscrit effectivement dans la durée, investisseurs et salariés réclameront une prime d’inflation. Nous aurons des taux d’intérêts plus élevés -ndlr, pour freiner la consommation- pénalisant les investisseurs dans l’économie réelle ou la finance. C’est tout l’enjeu actuel tant des politiques économiques gouvernementales que des politiques monétaires menées par les banques centrales. Le plus dur est probablement passé, le point haut de l’inflation se situant au premier semestre 2022 – plutôt en début d’année pour la zone euro, un peu plus tard aux États-Unis.

La Chine affiche à rebours d’une majorité de pays un faible taux d’inflation, +0,9% seulement en décembre 2021. Pourquoi semble-t-elle épargnée?

La Chine a un problème de demande intérieure. Depuis 2011-2013, le gouvernement chinois souhaite rééquilibrer son processus de croissance, tablant davantage sur la dynamique de marché intérieur, plutôt que sur les exportations comme jusqu’à présent. Cette demande intérieure peine à se matérialiser avec un effet particulier: l’activité immobilière chinoise a considérablement ralenti. De ce fait, la demande adressée aux entreprises a été faible. Il y a donc moins de tensions au sein de l’économie chinoise que dans d’autres pays. C’est l’une des grandes interrogations de 2022.

“La demande locale du consommateur est au cœur des ajustements de prix et conditionne les politiques monétaires.”

Aux États-Unis, la Banque centrale souhaite durcir le ton à cause de l’inflation, alors que dans le même temps, la Banque centrale chinoise observe qu’il n’y a pas d’inflation et qu’il faut doper la demande intérieure pour créer davantage de tension. Dans les deux cas, l’on constate que la demande locale, du consommateur chinois ou américain, est au cœur des ajustements de prix et conditionne les politiques monétaires.

 

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18 janvier 2022, 08:00