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Le cirque, un instrument de joie et de lien intergénérationnel

La Journée mondiale du Cirque est célébrée cette année dans un climat difficile en raison de la pandémie de coronavirus qui a mis ce secteur à l’arrêt. Le Saint-Siège exprime à cette occasion sa proximité avec les circassiens par un message du cardinal Peter Turkson, préfet du Dicastère pour le Service du Développement humain intégral.

Cyprien Viet – Cité du Vatican

À l'occasion ce 17 avril de la 11ème Journée Mondiale du Cirque, organisée sous le haut patronage de la Princesse Stéphanie de Monaco, le cardinal Peter Turkson a adressé un message au président de la Fédération mondiale du Cirque, Urs Pilz, afin d’exprimer la compassion et la proximité du Saint-Siège pour ces «artisans de la fête», reprenant l’expression utilisée par le Pape François lors du Jubilé des artistes de cirque, le 16 juin 2016.

Il exprime le soutien du Saint-Siège pour les efforts déployés par les responsables de la Fédération mondiale du Cirque et de l’Association Européenne du Cirque auprès de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et de la commissaire européenne à l’Éducation et à la Culture Mariya Gabriel «pour illustrer la situation tragique des compagnies de cirque en Europe, qui emploient des dizaines de milliers d'artistes et hébergent des milliers d'animaux».

La pandémie et ses conséquences frappent en effet le monde du cirque d’une façon particulièrement douloureuse. «Le prolongement de la situation d'urgence, ainsi que des mesures contre les rassemblements ont menacé l'existence même de l’industrie du cirque dans le monde ainsi que de ses entreprises, souvent à gestion familiale, qui ont dû s'endetter dans l’espérance de temps meilleurs. Pour protéger cet art qui, en Europe, a plus de 250 ans d’histoire et fait la joie des adultes et des enfants, un soutien est important, tant de la part de l'Union européenne que de chaque pays, appelés à protéger ceux qui sont les plus faibles et aussi les secteurs les plus fragiles de l'économie», insiste le cardinal.

Il inscrit ces difficultés du monde du cirque dans le périmètre des souffrances engendrées par cette pandémie, et auxquelles l’Église catholique tente d’offrir une réponse, avec «les crises existantes qui se sont intensifiées sans merci aussi en raison des mesures drastiques qu'il a fallu prendre pour sauver les plus fragiles d'entre nous, le burn-out de ceux qui ont été et continuent d'être en première ligne dans la lutte contre le virus, la désorientation de toute la société. Il s’agit de blessures qui seront longues et complexes à cicatriser, mais nous sommes tous appelés à le faire ensemble», explique le cardinal ghanéen.

Mettre en œuvre une solidarité concrète

Il souligne que des initiatives concrètes ont été menées pour venir en soutien aux artistes de cirque. «Un soutien petit ou grand est venu des paroisses et diocèses à travers les Caritas et les organisations caritatives catholiques, qui ont également répondu aux appels des gens du cirque, venant au secours des artistes et des animaux ; en Italie, la protection civile et Coldiretti sont également intervenues, tout comme des particuliers, des administrations locales et des villages entiers», se félicite-t-il.

«Pour éviter que la souffrance du monde soit stérile et pour faire en sorte qu’elle acquière un sens et nous aide à préparer un avenir différent, signe avant-coureur d'un changement génératif, le Pape nous exhorte à la vivre comme l'a fait le Bon Samaritain, modèle à suivre pour construire des relations réelles et nouvelles avec les autres», insiste-t-il, en appelant à créer «une culture d'inclusion, d'intégration et de soutien, qui aide à s’impliquer directement à faire face aux difficultés réelles des personnes dans le besoin, qui risquent de rester à l'écart».

Il souligne ainsi «la disponibilité de tous les artistes à recommencer à susciter des sourires et du bonheur chez les enfants et les adultes». En évoquant son heureux souvenir d’une initiative vécue à l’hôpital pédiatrique du Bambino Gesù en janvier 2020, le cardinal Turkson «demande aux artistes des cirques des quatre coins du monde, qui souffrent à cause des conséquences de cette pandémie, de se rendre à visiter et soulager dès que possible les enfants et les personnes âgées qui se trouvent dans des lieux de soin. En effet, les grands-parents et leurs petits-enfants sont les spectateurs les plus présents sous les chapiteaux, et qui ont payé le prix le plus grand de la pandémie. Ils ont besoin, tout comme les artistes du cirque, de l’explosion de joie pure que le cirque est capable de susciter. Et ceux qui prennent soin de leur santé ont également besoin du soulagement du rire», demande le préfet du Dicastère pour le Service du Développement humain intégral.

En conclusion de son message il propose aux artistes de cirque d’offrir au Pape François «un témoignage de ces miracles de joie que vous saurez réaliser partout où vous pourrez mettre en scène vos spectacles», en envoyant des photos et des vidéos au  au Dicastère pour le Service du Développement Humain Intégral par la poste (Palazzo San Calisto V-00120 Cité du Vatican) ou bien par courriel (a.silvi@humandevelopment.va).

Docteur Alain Frère: l'espoir d'une renaissance du cirque après la guerre contre le virus

La pandémie s'est ajoutée à de nombreuses difficultés pour les gens du cirque, notamment les difficultés des compagnies itinérantes à obtenir des implantations attractives dans des villes dont le tissu urbain s'est densifié, ainsi que les restrictions de plus en plus drastiques sur la présence des animaux. Mais dans toute son histoire, le cirque a su se réinventer pour retrouver sa place au sein de la culture populaire.

Le docteur Alain Frère, connu durant des décennies comme le médecin des gens du cirque et qui a co-fondé le Festival international du Cirque de Monte-Carlo en 1974 avec le Prince Rainier de Monaco, nous confie ses inquiétudes mais aussi ses espérances pour cet univers confronté à de nombreuses difficultés, mais qui a su renaître après des crises qui avaient mis son existence en péril.

Entretien avec Alain Frère

«Une grande détresse, bien sûr, une lamentation même, de ne pas pouvoir se produire… Certaines familles se privent de manger pour faire manger leurs animaux! Mais nous avons espoir, et l’espoir fait vivre ces familles de cirque qui attendent la fin de la pandémie qui est très préoccupante, et encore plus pour les artistes, dans le monde entier, bien sûr en Europe, et je parle en particulier de la France et de l’Italie, mais aussi dans toute l’Europe et dans le reste du monde: l’Amérique du Sud, l’Amérique centrale, le Mexique, le Brésil…

Donc il ne faut pas les oublier, et aujourd’hui, en cette Journée mondiale du Cirque, on ne peut pas oublier. Et même à Tourrette-Levens, dans ma ville, Tous en piste, l’école du cirque, a donné un petit spectacle devant les familles au stade, puisqu’on ne peut pas le faire ailleurs.

Donc on ne les oublie pas. Il faut prier pour ces familles qui le méritent, et on prie, et je sais que notre Seigneur ne les oubliera pas.

Vous évoquiez le spectacle de l’école du cirque de Tourrette-Levens… Le lien intergénérationnel est une notion qui a été quelque peu blessée dans cette pandémie, à fois en raison des personnes malades mais aussi de l’éloignement… Est-ce que le cirque peut être un outil aussi pour reconstruire ce lien, notamment entre les grands-parents et leurs petits-enfants?

Tout d’abord, dans les familles du cirque traditionnel, les grands-parents et même les arrières-grands-parents vivent avec leur famille. L’exemple des Bouglione est admirable. Quant à l’école du cirque, bien sûr il y avait les enfants, les parents, les grands-parents,  c’est un lien très important dans les familles. Le cirque traditionnel, c’est vraiment l’exemple des valeurs, le courage, l’amour du travail bien fait… Le cirque c’est un exemple très particulier et c’est très important.

Vous espérez que le festival de Monte-Carlo en 2022 soit l’occasion de célébrer la renaissance, la résurrection du cirque?

Après chaque évènement dramatique – regardez les deux guerres (mondiales), on peut dire qu’on est en guerre, en guerre contre le Covid-19 -, il y a toujours eu un mouvement en faveur du cirque. Je me rappelle, moi j’ai vécu 1946, et j’ai vu combien on refusait du monde, chez Amar, chez Pinder, chez Bouglione, partout, je l’ai vu ça, c’était ma jeunesse ! Donc ce qu’il faut espérer c’est qu’il y ait un regain en faveur du cirque, et ce serait bien mérité. Vous savez, les gens de cirque ce sont les oubliés... On parle beaucoup du théâtre, du cinéma, de l’opéra, mais les gens de cirque il ne faut pas les oublier. Ce sont des gens vrais, de vérité. On ne les oublie pas et on donne de l’espoir, et vous verrez que demain, le cirque va revivre!»

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17 avril 2021, 12:40