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Un couple de Coréens en promenade sous des abricotiers en fleur, Séoul, le 10 mars 2020 Un couple de Coréens en promenade sous des abricotiers en fleur, Séoul, le 10 mars 2020 

Corée du Sud: la démographie en berne remet en cause la culture traditionnelle

Un taux de natalité au plus bas et une espérance de vie parmi les plus hautes au monde: tel est le tandem posant à la Corée du Sud un défi considérable, celui du vieillissement et de la diminution de sa population. Analyse d’une situation qui pourrait conduire à bousculer le vieux socle confucéen.

Entretien réalisé par Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican

Le taux de fécondité a atteint en 2019 un nouveau plus bas en Corée du Sud, pays de 51 millions d’habitants où à peine plus de 300 000 bébés ont vu le jour, soit 7,3% de moins que l'année précédente, selon le bureau sud-coréen des statistiques.

Le taux de fécondité - nombre d'enfants par femme en âge de procréer - a donc reculé, pour s’établir à 0,92. C'est la seconde année de suite qu'il est inférieur à 1, alors que le taux nécessaire au renouvellement des générations est de 2,1. La population a donc augmenté de 0,05 % l'an passé (contre 0,09 % un an plus tôt).

Bientôt le pays le plus vieux du monde?

Cette stagnation s’accompagne d’un vieillissement marqué: les personnes âgées de plus de 65 ans représentent désormais 15,5 % de la population totale,  et l’âge moyen des Sud-coréens est de 42,6 ans, contre 42,1 ans en 2018 et 37 ans en 2008. Les prévisions des statisticiens révèlent que la part des seniors représentera 37 % de la population en 2045. La Corée du Sud ravira alors au Japon sa place actuelle de pays le plus vieux du monde.

Les conséquences économiques se font déjà sentir, et devraient être de plus en plus marquées. Ainsi, en 2019, les Sud-coréens en âge de travailler - ceux qui ont entre 15 et 64 ans - représentaient 72 % de la population totale. Leur part devrait tomber à 50,1 % en 2055 et à 46,4 % en 2067.

Des raisons économiques et culturelles

Juliette Morillot, spécialiste des deux Corée, auteure de Mijin, confessions d'une catholique nord-coréenne (éditions Bayard) se penche d’abord sur les raisons de cette crise démographique.

Elle y voit une «remise en cause de la culture confucéenne», introduite par la Chine vers le 6e siècle après Jésus-Christ, avant de prendre une place importante à partir du 14e siècle, sous la dynastie Joseon. La philosophie de Confucius devient alors une composante indispensable du système moral coréen, de la façon de vivre et des lois.

Aujourd’hui, note Juliette Morillot, «la femme est dans une phase d’émancipation qui va plus loin que le féminisme à l’occidentale». «C’est face au confucianisme qu’elles se heurtent, c’est-à-dire à une société éminemment patriarcale qui ne leur laisse pas de place».

À des raisons culturelles s’ajoutent «des raisons économiques», notamment une jeunesse désabusée, souvent au chômage après être passée par un système scolaire «élitiste». «Dans ce contexte, les jeunes couples ne veulent avoir d’enfants».

À chaque génération son mal-être

Depuis 2006, le gouvernement a pourtant dépensé plus de 180 000 milliards de won (136 milliards d'euros) pour encourager la natalité. L’échec va donc «bien au-delà d’une politique nataliste», souligne la spécialiste des deux Corée. Il s’agirait en fait de «restructurer la société», imprégnée par le confucianisme. Derrière une vitrine “high tech”, jeune et dynamique, la société affronte en fait un problème bien plus profond dû à sa culture historique, porteuse d’une «rigidité extrême» qui l’empêche de trouver un nouveau souffle.

Juliette Morillot analyse également l’évolution de la place des personnes âgées dans la société, parmi lesquelles de véritables fléaux se développent, tels que le suicide, le crime et la prostitution.

La tâche s’annonce donc hautement difficile pour les gouvernants sud-coréens, pris en étau entre la santé économique et sociale de leur nation et les exigences morales d’une culture séculaire.

Analyse de Juliette Morillot

(Avec AFP)

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21 mars 2020, 07:25