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Une photo de soldat du Burkina Faso, mars 2019. Une photo de soldat du Burkina Faso, mars 2019.  Les dossiers de Radio Vatican

Burkina: l’apostolat d’un aumônier militaire en pleine crise sécuritaire

À l’occasion du Jeudi Saint qui marque la commémoration de l’institution de l’Eucharistie et au cours duquel les prêtres renouvellent leurs promesses sacerdotales, le père Roger Bamogo invite les prêtres à «revoir les défis» qui se présentent à eux. L’aumônier militaire de la première région de Kaya au Burkina Faso accompagne moralement et spirituellement des militaires appelés à combattre au front contre les terroristes. Il partage son expérience dans un contexte de crise sécuritaire.

Entretien réalisé par Myriam Sandouno – Cité du Vatican

Comme tous les prêtres à travers le monde, le père Roger Bamogo, curé de la paroisse militaire Saint-Martin de Tours dans le diocèse de Kaya, est invité en ce Jeudi Saint, 28 mars, à renouveler l’engagement pris lors de son ordination sacerdotale. Une promesse de vivre toujours plus unis au Seigneur Jésus, en cherchant à l’imiter, renonçant à soi-même, et à être au service du peuple de Dieu. 

Dans le diocèse de Kaya, «Sana matenga», c’est-à-dire la région de l’or, érigé le 26 juin 1969, le père Roger Bamogo est aumônier militaire catholique de la première région. Il s’occupe de l’accompagnent spirituel, moral et social des militaires, ainsi que de leurs familles. Un apostolat qui a pour but de «manifester la présence de l’Église auprès de ces personnes qui n'ont pas souvent le temps de vivre leur foi». Cela revêt une importance capitale, explique le curé de la paroisse militaire Saint-Martin de Tours, «surtout à un moment où les forces de défense et de sécurité» du Burkina, «sont confrontés au quotidien aux attaques terroristes».

Depuis 2015, ce pays de l’Afrique de l’Ouest fait face à des violences jihadistes attribuées à des mouvements armés affiliés à Al-Qaïda et au groupe État islamique, ainsi qu'aux représailles attribuées aux forces armées et leurs supplétifs, qui ont fait près de 20.000 morts. C’est donc dans ce contexte sécuritaire difficile à vivre, que le père Roger Bamogo exerce son charisme, en annonçant la Parole de Dieu qui guérit les cœurs blessés.

Entretien avec le père Roger Bamogo, aumônier militaire catholique de la première région de Kaya au Burkina Faso

Avant d'aller en mission, ils viennent demander des bénédictions. Souvent sur le terrain, quand ils sont en détachement, ils arrivent à faire une petite chapelle; on essaie de les aider, on leur envoie des textes. Au niveau de l'accompagnement social, nous essayons d'occuper la place des hommes quand ils ne sont pas là, pour être aux côtés des familles.

Quelles sont les difficultés les plus pointues que vous rencontrez dans votre apostolat, dans un contexte de crise sécuritaire?

Avec la situation sécuritaire, il arrive souvent qu'il y ait des hommes qui tombent sur le front. Et en tant que prêtre, quand tu te retrouves devant une dizaine de cercueils, une vingtaine, une trentaine, une quarantaine même: c'est pas simple. Les conditions dans lesquelles ces gens sont tombés, alourdissent la douleur. Quand on les rencontre, ils nous racontent les difficultés qu'ils vivent dans les détachements, l'austérité et surtout aussi la menace de la mort qui plane sur eux. En plus, en tant que chrétien le problème de ne pas tuer revient alors que leur mission les amène souvent à éliminer l'ennemi. Donc ce sont des moments, où en tant que prêtre souvent, l'Esprit Saint vient à notre secours. Tu ne sais pas quel mot juste placer pour encourager la personne, et l'aider à remonter la pente.

Qu'est-ce qui vous a le plus marqué ou touché dans cet apostolat si particulier?

Dans mon apostolat, une fois, on est allé en détachement à Djibo, une zone reculée où la menace terroriste existe. À regarder les visages, tu sens que ce ne sont pas des gens joyeux, c'est une situation vraiment d'inconfort. Vous savez, en Afrique, souvent dans cette situation, il faut des «choses de protection», alors que nous les catholiques, nous sommes fidèles à Jésus Christ. Il y a des gens qui nous disent: «voilà, on m'a proposé ceci, qu'est-ce que je fais?». Ceux qui arrivent à poser cette question, laissent comprendre que ce sont des gens qui ont une lutte interne. Ce sont des questions auxquelles il faut pouvoir répondre quelque chose.

Et dans de telles circonstances, comment vous arrivez à communiquer le message du Christ?

On essaie de présenter la chose telle que l'Église nous l'enseigne. On essaie de leur dire de mettre la confiance en Jésus-Christ. Heureusement aussi, on a des retours qui encouragent. Ils nous disent souvent: mon chapelet, mon dizainier, ou bien la médaille de l'archange Michel que vous m'avez donnée, à un moment donné, cela m'a aidé.

En ce Jeudi Saint qui commémore l'institution de l'Eucharistie et du sacerdoce, comment entendez-vous offrir la grâce de l'Eucharistie au cœur blessé des Burkinabés?

En ce Jeudi Saint où Jésus nous a laissé ce sacrement de salut, c'est l'occasion pour nous d'encourager les fidèles chrétiens; de tourner notre regard vers Dieu Tout-Puissant pour lui rendre grâce d'abord pour la vie. Car, même dans ce contexte du terrorisme, on rend grâce à Dieu et on implore sa miséricorde. Dieu est toujours fidèle. Souvent, quand c'est dur, nous avons tendance à nous lamenter, mais il veille toujours. Je pense et je crois qu'il n'est pas insensible et que, tôt ou tard, en son temps, il nous répondra favorablement. La guerre finira, la cohésion sociale d'antan que nous avions reviendra, surtout la ferveur des gens dans les églises reprendra de plus belle.

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28 mars 2024, 17:53