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Le cardinal John Onaiyekan, archevêque émérite d'Abuja au Nigéria. Le cardinal John Onaiyekan, archevêque émérite d'Abuja au Nigéria. 

Cardinal Onaiyekan: le Nigeria doit guérir de ses maux

Dans un entretien accordé à Vatican News à l’occasion de ses 80 ans, le cardinal John Onaiyekan, archevêque émérite d'Abuja, au Nigeria, a rendu grâce à Dieu pour toutes ses années au service de l’Église. Dénonçant la corruption et l’insécurité qui minent son pays, il appelle a plus de responsabilité des autorités étatiques pour le bien des populations nigérianes. Le Nigeria, a-t-il soutenu, «doit être soigné des maux dont-il souffre».

Entretien réalisé par Françoise Niamien - Cité du Vatican

«Cet anniversaire de naissance est une occasion d’action de grâce à Dieu pour tous ses bienfaits» a d’emblée indiqué le cardinal John Onaiyekan, l’archevêque émérite d’Abuja qui, à cette occasion, a été reçu par le Pape au Vatican. Il a consacré plus d’une cinquantaine d’années de sa vie au service de l’Église et des relations interreligieuses, particulièrement avec l'islam.
«J'ai reçu beaucoup de grâce de Dieu pour avoir assuré des postes importantes au service de l'Église et du peuple de Dieu. Et ce n'est pas parce que je suis le plus intelligent, c'est seulement la grâce de Dieu».

L’évolution de l’archidiocèse d’Abuja

Pendant 29 ans, de 1990 à 2019, le cardinal nigérian a assuré les fonctions d’archevêque d’Abuja, la capitale fédérale de son pays. En revenant sur l’évolution de ce diocèse, l’archevêque émérite a fait savoir que l’essor de cette circonscription ecclésiastique a été tributaire du transfert de la capitale fédérale de Lagos à Abuja en 1991. «En 1990, nous avions très peu de structures et de paroisses. Ce n’est qu’avec l’accroissement de la population que nous avons commencé à créer des paroisses» a-t-il rappelé. Aujourd’hui, la population d’Abuja est estimée à environ 5 millions d’habitants dont plus d’un million de catholiques, s’est réjoui l’archevêque émérite. «En 2024, quand je passe en revue l’histoire du diocèse, je ne peux que rendre grâce à Dieu pour tous ces prêtres, religieux, religieuses et laïcs qui s’étaient engagés avec moi à son développement». Le diocèse d’Abuja a été érigé en archidiocèse en 1994.

Chercher à guérir d'une «corruption mortelle»

Depuis plusieurs années, l’archevêque émérite n’a pas cessé de dénoncer la corruption dans son pays. «La corruption au Nigéria est plus que triste. Malheureusement, ceux qui devraient mettre fin à cette situation sont eux-mêmes des corrompus», regrette-t-il. Dénonçant cette gangrène qui «mine la société nigériane», le cardinal en appelle à l’implication de tous et même de l’Église pour une meilleure gestion des biens communs. À ses yeux, l’heure n’est plus aux prédications. Aussi, «l'Église doit véritablement jouer et continuer de jouer son rôle de prophète tout en étant elle-même un exemple de bonne gestion de ses propres biens dans la transparence». C’est aussi une occasion pour l’archevêque émérite d’Abuja d’interpeler toutes les autorités ecclésiastiques afin qu'elles évitent «toute forme de mendicité pouvant acheter leur conscience». «Évêques, prêtres», insiste-t-il, «nous avons tous la responsabilité d’être nous-mêmes de bons exemples de transparence pour démontrer aux autorités politiques et administratives de notre pays qu’il est possible de gérer les biens publics dans la transparence pour faire sortir le pays de cette corruption mortelle».

Parlant des relations entre l’Église et l’État nigérian, l’archevêque émérite a souligné «qu’il faudrait plus mettre l'accent sur la responsabilité des laïcs-citoyens, particulièrement des laïcs qui sont dans la vie publique», les appelant «à gérer les affaires publiques selon la Doctrine sociale de l’Église».

La question sécuritaire

Le Nigeria, particulièrement dans sa partie nord-est, est depuis plus d’une décennie le théâtre de plusieurs attaques terroristes qui ont fait des dizaines de milliers de morts et provoqué le déplacement de plus de deux millions de personnes. Boko Haram lutte pour la suprématie contre des rivaux liés au groupe dit de l'État islamique. Devant la multiplication des groupes armés et «l’incapacité» de l’État fédéral à mettre fin à cette situation de violence, le cardinal n’a pas caché son mécontentement et sa déception. «Je suis très déçu! Ce que nous vivons maintenant du point de vue de la sécurité nationale, n’est pas digne du Nigeria» déclare-t-il, se demandant, «où est le gouvernement nigérian?»

«Le Nigeria est un pays qui a les moyens, à tout point de vue, de pouvoir se défendre face au jihadisme. Il n’y a pas d’excuses de continuer à vivre cette insécurité avec son lot d’enlèvement» a-t-il encore dénoncé. Le président nigérian Bola Ahmed Tinubu est arrivé au pouvoir en 2023 en promettant de «s'attaquer à l'insécurité dans le pays, notamment aux groupes jihadistes, aux bandits dans le Nord-Est ainsi qu'à la flambée de violence intercommunautaire dans les États du centre». «Nous avons toujours pensé que la sécurité du pays est la première responsabilité du gouvernement. Mais à partir du moment où ce gouvernement n’arrive pas à assurer sa mission de sécurisation du territoire national pour le bien de son peuple, ce gouvernement n’a plus sa raison d’être» a déclaré le cardinal John Onaiyekan.

Revenant sur les massacres survenus dans l’État du Plateau, au centre du pays, où près de 200 personnes ont été tuées dans la nuit du 24 décembre dernier, à la veille de Noël, le cardinal Onaiyekan a remercié le Pape François pour sa proximité exprimée au peuple nigérian au lendemain de «ces actes inhumains» dont la grande partie des victimes étaient des chrétiens. Et l’archevêque émérite d'indiquer que ces attaques ne tuent pas que des chrétiens mais également des musulmans.

Les violences interconfessionnelles

Revenant sur ce que l’on considère comme des violences interconfessionnelles au Nigeria, le cardinal a expliqué que «les éleveurs sont des musulmans et les agriculteurs, des chrétiens. Étant à la recherche de pâturage, il arrive aux troupeaux de pénétrer dans le champ d’un agriculteur et cela déclenche aussitôt des conflits qui sont interprétés comme des conflits interreligieux et communautaires. Une guerre entre musulmans et chrétiens». La chose la plus importante, a-t-il soutenu, c'est que «le gouvernement doit pouvoir avoir le moyen d'assurer un minimum de sécurité pour tous, quelles que soient les raisons».

Pour finir, le cardinal John Onaiyekan insiste sur la nécessité d'un «minimum de bonne gouvernance» de la part des autorités qui doivent protéger les citoyens, chrétiens et musulmans. Il dit ne pas perdre espoir en un avenir meilleur pour le Nigeria. C’est pourquoi il prie pour une véritable guérison du pays des maux de la corruption et de l’insécurité qui le minent.

 

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07 février 2024, 11:10