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Des électeurs dans un bureau de vote, lors du scrutin du 20 décembre 2023 en République démocratique du Congo. Des électeurs dans un bureau de vote, lors du scrutin du 20 décembre 2023 en République démocratique du Congo.   (AFP or licensors)

RDC: les électeurs se sont-ils laissés manipuler?

La pauvreté, l’appartenance tribale, religieuse ou clanique ont-elles prévalu à certains endroits lors des élections du 20 décembre 2023 en République démocratique du Congo? Dans son premier feuillet de janvier 2024, la Commission justice et paix de Bukavu mène une réflexion sur ce scrutin. Elle regrette la manipulation des électeurs par des candidats «malhonnêtes» et souligne les défis à relever dont les injustices structurelles et l’éducation aux valeurs, pour améliorer la situation du pays.

Stanislas Kambashi, SJ – Cité du Vatican

«Les choses changeront, non pas quand les élus auront adopté un nouveau comportement, mais quand le souverain primaire se réveillera et sifflera la fin de la recréation et de l’usage de la pacotille pour élire ses dirigeants». Dans son premier feuillet de janvier 2024 intitulé «Par endroits, pauvreté ne rime pas avec démocratie», la Commission justice et paix de l’archidiocèse de Bukavu (Cdjp) réfléchit sur les élections qui ont eu lieu le 20 décembre en République démocratique du Congo (RDC). Elle estime que la sensibilisation sur un processus électoral démocratique s’est révélée une théorie plutôt qu’une pratique. Encore une fois, nombre d’électeurs se sont laissés manipuler en votant pour des vendeurs d’illusions et de promesses qui se sont illustrés en distributeurs de «pacotille».

La théorie ne manque pas. Le grand défi se présente sur terrain

La Cdjp réfléchit d’abord sur la sensibilisation à un processus électoral démocratique et estime que la RDC est assez outillée en théorie à ce sujet. Il existe d’excellents manuels et le pays a une longue expérience qui remonte à 2005. Il y a également des synthèses savantes, inspirées de grands maîtres issus des meilleures écoles de la planète, qui «expliquent pourquoi la démocratie est l’un des systèmes politiques qui concourent au bien-être du peuple». Elles expliquent le profil robot d’un bon candidat et comment déceler les opportunistes et les profiteurs. Aussi, il existe des missions d’observation électorale internes compétentes et bien formées. Mais «le grand défi est devant nos yeux une fois sur le terrain». Malgré toutes ces dispositions, la population, particulièrement la population la plus pauvre, prête attention à celui qui distribue la «pacotille». Elle ne n’écoute pas nécessairement celui qui explique et édifie sur le comment, qui et pourquoi voter.

Il est malhonnête de manipuler la pauvreté, l’appartenance tribale, religieuse, clanique

«Est-on redevable envers celui qui promet de mieux faire ou envers celui qui distribue des cadeaux même si son passé est peu élogieux et même si ses mains sont entachées de sang?» se demande la Cdjp, allusion faite aux candidats qui ont battu campagne en prodiguant des promesses et des biens de première nécessité. Durant la campagne, constate la commission de l’archidiocèse de Bukavu, à certains endroits, les électeurs «se séchaient au soleil comme des lézards en train d’attendre des futurs honorables». À des endroits où les routes ne sont pas praticables, ces candidats «sans honte, se laissaient trimbaler au dos et sur les têtes de leurs adeptes pour que leurs pieds ne heurtent un caillou et ne piétinent la boue». L’unique salaire, observe la commission, ce sont les mêmes promesses qu’on leur fait avaler. La Cdjp exprime ses regrets et estime que «c’est une grande malhonnêteté [que] de manipuler la pauvreté, l’appartenance tribale, religieuse, clanique de la population». Curieusement et malheureusement, constate-t-elle, ces sont des telles pratiques qui marchent.

Éduquer aux valeurs, pour mieux préparer les électeurs

Pour changer et améliorer cette situation, l’un des grands défis à aborder de «manière perspicace» est la lutte contre les injustices structurelles et la rente de la misère que certains candidats exploitent pour se faire légitimer par la population appauvrie pendant des années. Il faut également «actionner le levier de l’éducation dès le bas âge avec l’apprentissage des vraies valeurs». Si cela n’est pas fait, le pays sera condamné à «recycler une classe de politiciens commissionnaires et des éternels stagiaires qui prennent en otage des postes immérités».

La Cdjp estime par ailleurs que les choses pourront changer quand les Congolais cesseront de se laisser manipuler aussi bien par des opportunistes internes que par des donneurs de leçons externes. La Commission de Bukavu pointe particulièrement du doigt ceux qui critiquent «des failles de notre mode d’emploi, demandent de tout annuler… comme si chez eux c’était plutôt le paradis!». Elle invite les Congolais à assumer leurs forces et leurs faiblesses, et à apprendre de leurs échecs et à savoir régler eux-mêmes leurs différends.

Un scrutin qualifié de «simulacre d'élections» par l'opposition

L’opposition a qualifié le scrutin du 20 décembre 2023 de «simulacre d'élections» et en a demandé l'annulation. Les organisateurs, ainsi que les observateurs, ont relevé des irrégularités. Le 31 décembre, le président sortant, Felix Tshisekedi, a été proclamé vainqueur de la présidentielle par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni). La publication des résultats des élections des sénateurs, gouverneurs et vice-gouverneurs des provinces, prévues le 1er janvier; et des députés nationaux et provinciaux prévue le 3 janvier, ont été reportées par la Ceni.

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03 janvier 2024, 17:10